Exposition - Musées

Quand les murs parlent ! l’Europe s’affiche à la Maison de l’Histoire européenne

Cardiogram déclinaison du logo emblématique de Solidarnosc, Czeslaw Bielecki - Poland, 1980

© Europejskie Centrum Solidarności, Gdańsk, Poland

Par Xavier Ess

Quand les murs parlent ! raconte l’histoire de l’Europe des 100 dernières années à travers 150 affiches provenant du continent entier. De la propagande des guerres mondiales et de la guerre froide aux mouvements sociaux après la Deuxième Guerre mondiale, en passant par la construction de l’Union Européenne et les grands événements culturels et sportifs, l’exposition montre que toute affiche est politique: de l’affiche anarchiste au soft power du tourisme européen.

Frontières = Répression, Atelier populaire Paris- May 1968 et Trans Europ Express, Jan Rodrigo Pays-bas - 1957
Frontières = Répression, Atelier populaire Paris- May 1968 et Trans Europ Express, Jan Rodrigo Pays-bas - 1957 © Tous droits réservés

Quand les murs parlent ! met en relief l’histoire de l’Europe et des européens.ne.s à travers trois thèmes principaux. "Troubles et unité" illustre le rôle de l’affiche dans les conflits idéologiques (cela ne fait pas dans la dentelle pendant la guerre froide !), "Obstacles et connexions" autour de la notion de frontière et la question de la migration – y compris la politique actuelle de l’UE -, "Militantisme et contestation" sur les droits humains, les discriminations, les droits sociaux et la liberté d’expression. L’exposition se termine sur la question de l’avenir de l’affiche papier à l’heure du tout numérique. 

Sur une affiche, on peut tout faire : on peut offenser, abrutir, provoquer, étonner mais il y a une chose qu’on ne peut pas faire… ennuyer ! – Lex Drewinski

En 1914, le Secrétaire d'Etat à la Guerre, un héros national, appelle à l’enrôlement volontaire
En 1914, le Secrétaire d'Etat à la Guerre, un héros national, appelle à l’enrôlement volontaire © Imperial War Museum, London, United Kingdom

L’efficacité étant le maître-mot pour marquer les esprits, on ne change pas une formule qui gagne. Ainsi, l’adresse directe au spectateur en le pointant du doigt sera reprise par les armées de tous bords (anglaise, allemande, américaine, bolchevique) pour encourager l’enrôlement volontaire des jeunes hommes. Le regard direct et culpabilisant renforce l’idée du devoir moral de tout bon patriote. Le président ukrainien Zelenski a utilisé le même ressort en interdisant aux hommes âgés entre 18 et 60 ans de quitter le pays.  

"Toi aussi, enrôle-toi dans l’armée du Reich", une affiche allemande de Julius Ussy Engelhard
en 1919
"Toi aussi, enrôle-toi dans l’armée du Reich", une affiche allemande de Julius Ussy Engelhard en 1919 © Tous droits réservés

Le même symbole peut servir des objectifs bien différents 

La statuaire grecque et romaine magnifie la perfection de la machine humaine et la force virile à travers les représentations de sportifs. Depuis l’antiquité, le sport et la politique sont liés. Qu'on pense, tout récemment, au genou en terre des sportifs après le meurtre de George Floyd en 2020. La santé physique est une métaphore de la santé de la nation. Les régimes fascistes allemands et italiens centreront leur politique de la jeunesse sur le sport. L’athlétisme et la gymnastique. L’affiche des Jeux de Munich en 1936 montre un athlète coiffé des lauriers du vainqueur censé faire le salut romain. Ces Jeux étant organisés pour montrer la supériorité de la "race aryenne", le geste athlétique est remplacé par un geste politique. Douze années plus tard, Londres organise les premiers Jeux olympiques d’après-guerre. L’iconique Discobole est au centre de l’affiche. Big Ben et le parlement britannique ont remplacé le Reichstag. Le Discobole synthétise les valeurs olympiques, l’esprit de compétition et le fair-play (l’agon grec), les Jeux comme période sacrée de paix et de répit dans les conflits armés. A chacun son message.

Les tristement célèbres Jeux olympiques de 1936 à Berlin - Franz Theodor Würbel - 1936
1948, les premiers JO après la fin de la Deuxième Guerre mondiale- Mátyás Gaál

L’Europe bisounours

Quand il s’agit de communiquer sur l’harmonie et le consensus plutôt que la revendication et le conflit, l’iconographie se fait plus douce, plus tendre… plus mièvre souvent. Tout au long de sa construction, la communauté européenne doit faire admettre des pertes de souveraineté (le passage à l’euro, la libre circulation dans l’espace Shengen) et susciter l’appartenance à une identité européenne. Les drapeaux, les colombes et les farandoles sont de la partie.

Construire l'Europe ensemble, affiche pour les 40 ans du Traité de Rome -  Belgique, 1997
Affiche de promotion des premières élections européennes au suffrage universel pour le Parlement européen en 1979 - Luxembourg
Je suis Charlie, Joachim Roncin - France, 2015
Je suis Charlie, Joachim Roncin - France, 2015 © Tous droits réservés

L’affiche activiste ou l’imagination contre le pouvoir

La rage, la niaque semblent être un bon moteur pour les créatif.ve.s porté.e.s par une conscience militante. On connaît les affiches d’Act Up ou d’Amnesty International, absentes ici, mais on peut voir un beau panel, entre une affiche pour le vote des femmes en 1913, les affiches antimissiles en Europe du début des années 80 et bien sûr l’emblématique symbole du syndicat indépendant polonais Solidarnosc créé par le couple Krystina et Janusz Janiszewski, enfants de l’Ecole polonaise de l’affiche réputée depuis les années 50. Plus près de nous, le fameux Radeau de la méduse de Géricault – actualisé — nous interpelle sur la politique européenne en matière de migration. Les journalistes muselés ou assassinés c'est aussi une réalité en Europe. Anna Politkovskaïa en Russie en 2006, Daphné Galizia à Malte en 2017, Jan Kuciak en Slovaquie en 2018... La liberté d’expression menacée est représentée par une des plus fortes affiches de l'exposition: Voice of democracy in Danger ! réalisée par Doğan Arslan. 

Lampedusa, Klaus Staeck - 2014
Voice of democracy in danger!, Doğan Arslan - Turkey/Slovakia, 2018
Abandon Your Dreams - Great West Road 2, Rab Harling  Great Britain, 2009–2010/2022
Abandon Your Dreams - Great West Road 2, Rab Harling Great Britain, 2009–2010/2022 © Tous droits réservés

Quel avenir pour les affiches

Le parcours se termine sur le très beau travail de l’artiste Rab Harling qui photographie des panneaux publicitaires vides. Une réflexion sur la consommation, l’omniprésence des images et ceux qui contrôlent leur distribution. Aujourd’hui, les messages graphiques, d’opposition ou de solidarité, sont des fichiers numériques répandus à la vitesse de l’éclair sur les réseaux sociaux, mais l’affiche papier n’est pas morte. Elle est un outil complémentaire de résistance, cette fois dans l’espace public, comme le montrent les innombrables créations d’artistes ukrainiens et du monde entier pour dénoncer l’invasion russe en Ukraine et encourager la résistance. Trois d’entre elles ont été rajoutées à l’exposition.

A travers ce voyage, on voit comment l'histoire des peuples d'Europe a façonné notre identité nationale et européenne. Et la story n'est pas terminée...

En pratique : Quand les murs parlent ! à la Maison de l’Histoire européenne à Bruxelles jusqu’au 13.11.2022

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