Le député Groen Kristof Calvo ne se représentera plus au Parlement. Il a annoncé qu’il se repliait sur son mandat local, à Malines. Ce qui surprend dans cette annonce c’est que c’est le 6e député Groen qui annonce qu’il arrête le Parlement, et surtout que comme les autres il s’en va déçu, voire dégoûté du Parlement. On peut parler d’un blues des verts.
Série verte
Il se passe quelque chose du côté des verts flamands. Que Kristof Calvo, un des députés les plus en vue annonce qu’il ne se représentera pas et se concentre sur son mandat local c’est une chose, mais que ce soit le sixième à faire ce genre d’annonce dans le même parti, n’est pas un hasard. Ces noms ne vous diront sans doute pas grand-chose, mais An Moerenhout, Björn Rzoska et Elisabeth Meuleman au Parlement flamand ont pris la même décision, au Parlement bruxellois Juan Benjumea, au Fédéral Barbara Creemers. Ça fait beaucoup, surtout pour un parti assez petit comme Groen.
Ce qui marque aussi ce sont les raisons avancées, le souhait de se recentrer au niveau local, mais aussi une certaine lassitude voire un dégoût de la politique en tant que parlementaire. On peut parler d’une forme d’exode, un exode sur fond de blues des verts.
Particratie
Les élus verts supportent assez mal la particratie. C’est ce qui ressort des propos de presque tous ces élus déçus. Calvo dit avoir du mal avec le climat de la rue de la Loi et pour continuer à être utile il préfère choisir Malines. Calvo dit ne pas vouloir se plaindre, se montrer amer, mais on comprend assez clairement qu’il se sentait inutile en tant que député.
C’est encore plus clair chez Juan Benjumea. Lui affirme clairement que le Parlement bruxellois “est devenu une boîte vide, où l’on parle. On ne résout pas les problèmes, on les fait remonter au cabinet. Nous sommes comme le service clientèle de la population, qui se fait insulter et marcher dessus par ceux qui n’ont pas accès aux vrais décideurs.”
La particratie et le climat antipolitique semblent assez nettement constituer un trait d’union dans toutes ces démissions. Autre trait d’union, le choix du niveau local, où ces élus estiment pouvoir encore faire de la politique. On peut supposer qu’ils y trouvent un terrain où il y a moins de particratie et moins de climat antipolitique.
Malaise
Pour expliquer ces démissions, on peut penser au contexte politique ; les sondages qui sont assez mauvais pour Groen et la participation au fédéral qui n’est pas du tout simple. Entre le dossier nucléaire pour Tinne Van der Straeten et le dossier bpost pour Petra de Sutter, les verts flamands encaissent et sont soumis à de nombreuses pressions. On notera aussi que les tensions sont assez fortes au sein du parti. Calvo par exemple avait très mal encaissé le fait de ne pas être ministre en 2020.
Mais la première explication tient d’abord dans le double scrutin de l’année prochaine. On va voter en juin pour l’Europe, le Fédéral et les régions puis en octobre au niveau local. Chez les verts, plus encore que chez les autres partis, il faudra faire des choix. Les règles de cumuls sont plus strictes que dans les autres partis. Les membres du parti ne sont pas autorisés à siéger au Parlement et en même temps à être échevins ou bourgmestre au niveau local. De nombreux élus verts demandent d’ailleurs des dérogations, qu’ils obtiennent dans la plupart des cas. Mais ici donc les élus reviennent à la logique de leur parti, ils passent la main à d’autres. Ce qui ne va rien arranger en termes de particratie car un groupe parlementaire peu expérimenté sera moins fort, moins autonome par rapport au parti et aux cabinets où se concentre l’expérience. A un certain niveau, le renouvellement présente un risque de cercle vicieux.
Et puis, il reste le blues des élus, au-delà de Groen. Le climat de méfiance éreinte les élus, freine les vocations. Les élus les plus idéalistes, ceux qui viennent de la société civile, ceux ne pensent pas qu’à leur carrière sont souvent les premiers à partir déçus. Ceux qui restent sont ceux qui sont le plus compatibles avec la particratie, ceux qui s’en accommodent le mieux. Là aussi, il y a un risque de cercle vicieux. C’est ce qu’on appelle la crise de la représentation. Un phénomène qui, si le système n’évolue pas, est donc appelé à se renforcer.