Monde Moyen-Orient

Quel danger encourent les trois Iraniens ayant fui leur pays s’ils étaient expulsés de Belgique ?

Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées ce lundi matin à l’aéroport de Zaventem, pour s’opposer à l’expulsion vers la Turquie de trois jeunes Iraniens ayant fui leur pays.

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Par Ghizlane Kounda et Catherine Tonero

Les deux jeunes Iraniens ayant fui l’Iran, Mohammad Reza et Hesam, n’ont finalement pas été expulsés de la Belgique vers la Turquie cet après-midi. Pas plus que le 3ème ressortissant qui devait partir à 11h30. Ils ont tous trois refusé de monter dans l’avion et ont été ramenés au centre Caricole où ils sont enfermés depuis qu’ils sont arrivés en Belgique.

Pour dénoncer ces expulsions, une cinquantaine de personnes s’étaient rassemblées ce matin à l’aéroport de Zaventem. Selon ce comité de soutien, ces jeunes Iraniens sont en danger parce qu’ils risquent d’être ensuite expulsés vers l’Iran, là où ils disent avoir manifesté contre le régime.

 

Quel danger encourent-ils ?

Alors quel danger encourent-ils ? Tout dépend de ce qu’ils ont fait en Iran et, le cas échéant, de leur éventuelle expulsion de la Turquie vers l’Iran. D’après leur récit, ils ont participé aux manifestations anti-régime et ont, suite à cela, reçu une convocation de la police les sommant d’expliquer "leur présence dans les émeutes et les troubles à l’ordre public".

Nous avons pu consulter ce document, mais sans pouvoir l’authentifier. Si le document est vrai, et s’ils sont expulsés de la Turquie vers l’Iran, alors là oui, ils encourent un réel danger. Leur comité de soutien affirme qu’ils ont reçu un ordre de quitter le territoire turc. Nous n’avons pas pu confirmer cette information avec l’ambassade de Turquie. Mais la secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Nicole De Moor (CD&V), est formelle : ils n’ont pas reçu d’ordre de quitter le territoire turc. Selon elle, le CGRA, le Commissariat général aux réfugiés et apatrides, a fait une analyse rigoureuse. Elle précise aussi que ces deux jeunes ont de la famille en Turquie.

Ces trois Iraniens, qui devaient donc être expulsés aujourd’hui, ont été déboutés en décembre de leurs demandes d’asile sur décision du CGRA, et en janvier du conseil du contentieux. En outre, les deux jeunes sont restés un mois en centre fermé, et pas 80 jours comme cela a été avancé.

Le cas de Aisha

Un autre cas avait attiré l’attention en septembre dernier. Le cas de Aisha : une jeune Iranienne qui a fui son pays pour éviter un mariage forcé. Elle avait été expulsée de force de Belgique le 23 septembre, vers la Turquie. Une vidéo où on l’entend crier dans l’avion "je ne veux pas y aller" était devenue virale…

Depuis, elle a déposé une demande d’asile en France, auprès du consulat français à Istanbul. Elle devait d’ailleurs recevoir une réponse hier. Nous avons contacté ses proches aujourd’hui : Ils ne veulent pas s’exprimer sur son sort. Une chose est sûre, elle n’a pas été expulsée en Iran. Et donc a priori, elle n’est pas en danger.

Les Iraniens ont toujours été attirés par la Turquie

Traditionnellement, la Turquie est plutôt un pays d’accueil pour les Iraniens. "En fait, les Iraniens ont toujours été attirés par la Turquie pour plusieurs raisons", explique Bayram Balci, chercheur à Sciences Po : "C’est tout d’abord un pays qui leur est proche, géographiquement et culturellement. C’est aussi un pays intéressant pour eux car ils y trouvent plus de libertés, un pays côtier et de tourisme. Beaucoup d’Iraniens qui ont les moyens y passent leurs vacances. Enfin, il y a une autre raison, méconnue en Occident : souvent, les Iraniens qui veulent partir en Occident passent par la Turquie, attendent quelque temps, et puis partent. Car c’est sur le chemin de l’Occident et qu’il n’y a pas besoin de visa pour entrer en Turquie".

Près de 70.000 personnes ayant fui l’Iran ont ainsi trouvé refuge en Turquie. Si certains ont fui leur pays sans leur passeport, ils sont arrêtés par la police turque, ce qui les oblige à demander le statut de réfugiés en Turquie.

Manque de données

Si les ONG dénoncent régulièrement le traitement des réfugiés et demandeurs d’asile en Turquie, accusée de ne pas répondre aux requis des procédures de protection internationale, les données concernent principalement les Syriens et les Afghans, et manquent dans le cas des Iraniens.

"Personnellement, je ne pense pas que la Turquie subisse des pressions de l’Iran", avance pour sa part Bayram Balci, à propos de ces Iraniens qui ont fui leur pays, à moins que ce ne soit des personnes d’importance pour le régime : "De façon générale, quand les Iraniens viennent en Turquie, même s’ils sont dans l’opposition, on n’a pas le sentiment qu’ils viennent sur le territoire turc comme un lieu de protestation contre le régime des Ayatollah en Iran. Ils viennent plutôt pour des raisons économiques ou pour pouvoir partir ailleurs en Occident".

"Traditionnellement, il n’y a pas ce genre de crise entre la Turquie et l’Iran, ni beaucoup de marchandage", explique encore le politologue. "La guerre des otages entre l’Occident et l’Iran n’existe pas sous cette forme entre la Turquie et l’Iran". A ce stade, rien ne dit que les trois jeunes Iraniens qui n’ont finalement pas été expulsés aujourd’hui vers la Turquie, le seraient vers l’Iran.

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