Quel espace public pour les enfants ? Au Japon, des infrastructures dédiées un peu partout malgré une population âgée

Une table à langer est disponible tant chez les femmes que chez les hommes. Au moment de se laver les mains, un évier est disposé à hauteur d’enfant.

Ces dispositifs pour les petites tailles sont visibles partout au Japon. Il est même possible de croiser des enfants seuls dans le métro ou dans la rue sans que personne ne se soucie de leur sécurité. Le taux de criminalité est en effet très bas au Japon. Les rues deviennent ainsi terrain d’expériences pour les jeunes générations qui deviennent très vite indépendantes dans leur trajet. Une émission de téléréalité culte au Japon et disponible sur Netflix montre même des bambins de 2 à 5 ans partant "seuls" faire les courses pour la toute première fois.

Est-ce représentatif d’une volonté de laisser la place publique aux enfants ? Nous avons posé la question à Aurélien Allard, professeur d’histoire et culture du Japon à l’ULB mais aussi papa de deux enfants ayant vécu au pays du Soleil levant.

"Je ne sais pas s’il s’agit vraiment d’une volonté au sens politique. Je pense que c’est quelque chose qui se constate depuis longtemps au Japon, au moins depuis l’après-guerre. Tous les équipements pour les jeunes enfants dans les gares mais aussi dans les grands magasins existent depuis toujours. Ce qui est récent par contre, ce sont les équipements pour changer les enfants dans les toilettes, surtout dans celles des hommes. Là, pour le coup, on peut y voir une certaine volonté politique."

Les rôles dans le couple parental au Japon sont en effet encore répartis de manière très traditionnelle : le père au travail et la mère qui s’occupe des enfants. Une étude du gouvernement de 2021 montre ainsi que les Japonaises consacrent quatre fois plus de temps aux enfants et aux tâches ménagères que les hommes malgré une augmentation du télétravail.

Cette répartition traditionnelle des rôles serait une des causes d’un taux de natalité très bas au Japon, selon certaines Nipponnes qui osent s’exprimer sur les réseaux sociaux. Le nombre de naissances dans le pays est tombé en 2022 sous la barre des 800.000, le niveau le plus bas depuis le début de ces statistiques en 1899.

Mais la volonté du gouvernement japonais est de changer les rôles. Le Premier ministre Fumio Kishida a ainsi promis d’augmenter le montant des allocations familiales et d’encourager les pères à prendre leur congé de naissance. Ils étaient 14% à le prendre en 2021 et le gouvernement espère arriver à 80% d’ici 2030. Comment ? En augmentant les indemnités aux entreprises et augmenter les montants des congés parentaux.

Malgré une pyramide des âges sur sa pointe, Aurélien Allard souligne la difficulté de trouver une place en crèche et à l’école maternelle pour les enfants en bas âge au Japon. La culture du babysitting n’étant pas non plus très populaire, cela pourrait expliquer les aménagements d’infrastructures pour que les parents puissent les emmener. "Vous avez pas mal d’équipements d’appoints mais le Japon manque cruellement de jardins d’enfants, d’école maternelle et de crèches."

La direction de l’école tirait au sort les enfants qui pouvaient intégrer l’école

Et de se souvenir de son expérience de père au Japon. "Quand ma fille a eu trois ans, nous devions l’inscrire à l’école maternelle. Dans le quartier où l’on habitait, il n’y en avait qu’une seule. Les places étaient limitées et la direction de l’école tirait au sort les enfants qui pouvaient intégrer l’école dès trois ans. Sinon, il fallait attendre que ma fille ait quatre ans."

Une fois sa fille scolarisée, le papa a été agréablement surpris de voir la liberté qui lui était accordée dans l’école. "À l’image d’un enseignement Montessori, on laisse les enfants se développer en suivant leurs propres aspirations à l’école maternelle. Ils sociabilisent davantage." Font preuve de plus d’autonomie.

Le chercheur nuance également la place laissée aux parents dans l’espace public. Si des sièges prioritaires sont en effet clairement balisés dans les rames de métro pour les parents avec poussettes, c’est parce qu’ils ne sont pas toujours bien accueillis selon lui. "J’ai été étonné de voir qu’il était mal vu de prendre les transports en commun avec la poussette et peu de personnes vont laisser leur place par exemple, à une femme enceinte." D’où peut-être aussi les panneaux qui indiquent de prendre soin de son voisin dans le métro.