En cette veille de week-end consacré à la musique russe et à Chostakovitch, Clément Holvoet répond à la question, un peu énigmatique "Quelle était la signature de Dmitri Chostakovitch" ?
Et lorsqu’on parle de signature pour un compositeur, il ne s’agit pas de celle qu’il apposait au bas d’un document, mais bien de sa signature musicale. Et Chostakovitch, à l’instar de Jean-Sébastien Bach, avait une signature musicale.
Dans le système de notation musicale anglo-saxonne et allemande, les lettres peuvent être associées à des notes de musique. Pour inclure sa signature dans ses œuvres, Chostakovitch a utilisé la notation des notes "à l’allemande" : il crée ainsi ses propres initiales en notes de musique. Comment cela fonctionne-t-il ? Ses initiales, en allemand, sont DSCH, D pour Dmiti et SCH pour le début de Schotakovitch, puisque son patronyme s’écrit SCH en allemand. Maintenant que l’on a ses initiales, on les associe aux notes allemandes : D pour le ré, S pour mi bémol (qui s’écrit en fait Es en allemand) C pour le do et enfin H pour le si. On obtient donc le petit motif mélodique ré, mi-bémol, do, si. Et ce petit motif, Chostakovitch réussit non seulement à l’intégrer dans certaines de ses œuvres, mais aussi à en faire le thème principal, ou en tout cas l’objet sur lequel il va développer tout le reste de la pièce. L’exemple le plus flagrant est dans son huitième Quatuor à cordes.
Nous sommes alors en 1960, à Dresde, où Chostakovitch est censé écrire une musique de film. Il découvre la ville ravagée par les bombardements et décide d’écrire un quatuor à cordes, son huitième, et cela en 3 jours seulement, entre le 12 et le 14 juillet 1960. Ce motif de 4 notes, DSCH, ré mi bémol do si, ouvre le quatuor et y est présent d’un bout à l’autre. C’est pour cela que ce 8e quatuor à cordes est parfois appelé le Quatuor autobiographique, puisque Chostakovitch y a inclus personnellement ses initiales musicales, à dessein.
Il en dit ceci : "Le thème principal du quatuor sont les notes D. Es. C. H. c’est-à-dire mes initiales (D. Ch). J’y ai utilisé des thèmes de mes différentes compositions et le chant révolutionnaire "Victime de la terrible prison". Mes thèmes sont les suivants : ceux de la 1re et de la 8e symphonies, du trio, du concerto pour violoncelle, de Lady Macbeth. Je fais aussi allusion à Wagner (" La marche funèbre " du Crépuscule des Dieux) et à Tchaïkovski (le 2e thème du 1er mouvement de la 6e symphonie). Oui : j’ai oublié aussi ma 10e symphonie. Une sacrée salade."