Tendances Première

Quelle pédagogie pour 'la génération de verre', ces enfants qui sont mieux informés mais plus fragiles ?

Tendances Première: Les Tribus

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'La génération de verre', ou génération alpha, c’est cette génération qui concerne les enfants nés après 2010. Pourquoi cette appellation ? Comment la pédagogie doit-elle s’adapter à leurs spécificités ? Les explications de Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons.

Ces enfants qui ont aujourd’hui 12-13 ans maximum ont connu et connaissent encore des choses inédites : pandémie, guerre en Europe, anxiété sur l’avenir de la planète. Ils vivent aussi dans un espace qui est entièrement digitalisé.

C’est donc une génération qui est à la fois plus transparente mais aussi beaucoup plus fragile, d’où ce terme nouveau de 'génération de verre'. C’est une génération plus réflexive, qui se pose de multiples questions sur la vie, sur la place que l’on peut avoir dans le monde, mais qui est forcément plus anxieuse aussi.

© Pixabay

De l’information à l’érudition

Grâce aux écrans, les enfants sont mieux informés, mais, souligne Bruno Humbeeck, "il y aura peut-être des déficits au niveau de l’érudition, c’est-à-dire de la capacité d’approfondir ces informations. C’est particulièrement vrai pour les adolescents qui, au niveau neuronal, ont plus de matière grise mais ont moins de matière blanche. Ils captent beaucoup plus d’informations mais ils n’arrivent pas à les connecter pour en faire des connaissances. C’est ce qui explique qu’ils se jettent sur des théories de complot. Ils placent très vite des connaissances sur ce qu’on a préformaté pour eux."

Le principe à enseigner aux enfants et aux adolescents est de creuser cette connaissance pour qu’elle se transforme en érudition.

Les pédagogies nouvelles vont devoir aller dans cette direction-là, c’est-à-dire ne pas dénigrer les informations multiples que les jeunes obtiennent, […] mais vérifier chaque fois d’où elles viennent, où elles vont et ce qu’elles sont. Fouiller, approfondir, pour créer de l’érudition.

Une capacité de réflexion

Pour Bruno Humbeeck, cette génération sera probablement plus intelligente, même si certains spécialistes observent que les tests QI réalisés auprès des jeunes sont en baisse.

Il rappelle que le QI n’a qu’une fonction de classement des enfants par rapport aux autres, qu’il est une mesure de l’adaptation scolaire à une école qui n’a plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Or, on sait aujourd’hui que l’intelligence ne réside pas dans la capacité de répondre aux questions, mais dans la capacité de se poser les bonnes questions. Le fait d’avoir traversé des épreuves, comme l’a fait cette génération, l’amène à se poser plus de questions essentielles que les générations antérieures.

Les jeunes mesurent par exemple eux-mêmes les insuffisances et les risques que présentent les écrans. Ils savent que la mise en scène continue de soi fait qu’on est constamment mis en spectacle et mis en examen par rapport aux autres. Et ils sont très mal à l’aise lorsqu’ils mettent en scène des images idéalisées d’eux-mêmes.

Ils se rendent compte de cette distance entre ce qu’ils produisent sur le plan de l’image spectaculaire d’eux-mêmes et ce qu’ils sont réellement.

© Drazen Zigic / iStock / Getty Images Plus

Quelle réponse de la part des parents et de l’école ?

"Cette génération, comme le verre, c’est transparent, mais c’est fragile", rappelle Bruno Humbeeck. Les parents doivent veiller à ne pas mépriser les informations données par leurs enfants, mais les inviter plutôt à les creuser. "C’est une génération qui a besoin d’être considérée positivement, d’être concertée, qu’on leur demande leur opinion. "

C’est pour cela que le système scolaire doit évoluer, insiste-t-il. On ne peut plus donner cours de la même façon à une génération et à une autre. Il faut systématiquement adapter ses façons de faire. Et demander par exemple aux élèves ce qu’ils savent d’une chose et construire, à partir de leurs informations, un monde de connaissance.

Les enfants sont des capteurs d’information et tout enseignant doit savoir qu’il a un concurrent absolu, Wikipedia. Il doit leur apprendre à en faire des connaissances approfondies, en creusant, en vérifiant les sources, en validant ces informations.

Cette génération de verre est aussi atteinte d’infobésité : les enfants multiplient les recherches, de peur de ne pas connaître les informations que les autres connaissent. Mais en même temps, ils perçoivent cette course à l’information comme quelque chose de très destructeur et de très fatigant.

Ils sont saturés de messages négatifs. […] Et donc il faut nécessairement nourrir aussi l’information d’éléments positifs, parce qu’il faut aussi nourrir l’espoir, de façon équilibrée entre l’un et l’autre.

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