Au SPF Economie, on le confirme, "le secteur de l’art peut être un secteur à risque pour le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme", explique Etienne Mignolet, porte-parole du SPF Economie. Par exemple, le pillage d’œuvres dans les territoires occupés constitue une source de financement pour le mouvement terroriste Etat islamique.
On constate aussi que Bruxelles est une place importante du marché de l’art. Les autorités européennes ont appelé les États membres à plus de vigilance et à adopter des législations plus strictes. "Depuis trois ans, l’inspection économique fait des contrôles souvent sous la houlette du Parquet de Bruxelles, qui pilote ces dossiers dans le secteur de l’art. Il y a une vingtaine de dossiers d’instructions ouverts, qui sont en cours", confirme Etienne Mignolet.
La nouveauté, c’est que les marchands d’art seront prochainement soumis à certaines exigences. En juillet 2020, la loi anti-blanchiment, qui datait de 2017, a été remaniée pour inclure des secteurs comme le football ou celui de l’art. Les marchands d’art devront s’enregistrer pour cette fonction auprès de la Banque Carrefour des entreprises et devront prendre des mesures préventives pour limiter les risques de blanchiment et de financement du terrorisme. "C’est par exemple identifier les personnes avec qui ils traitent, disposer de leur identité, faire une analyse de risque par rapport à ces intervenants et par rapport œuvres en question, pour essayer de vérifier qu’ils ne sont pas face à des trafics d’œuvres volées, par exemple", précise Etienne Mignolet. S’ils ont un doute, les marchands d’art devront avertir la CTIF, la Cellule de Traitement des Informations Financières.
"Le fait qu’on ait maintenant des obligations d’identification d’origine des fonds auprès des acteurs du marché, c’est une manière de nettoyer, en quelque sorte, le milieu et en tout cas, c’est une manière de responsabiliser les acteurs du marché", analyse Me Alexandre Pintiaux, avocat spécialisé dans le droit des arts et des industries culturelles et créatives. Mais celui-ci nuance, "quand vous regardez dans la pratique le nombre d’acteurs du marché qui ont entendu parler de cette législation et des obligations d’identification qu’ils ont, etc, je ne suis pas convaincu que tous les acteurs du secteur savent avec précision ce qu’ils doivent faire", estime Me Alexandre Pintiaux, en se basant sur les contacts qu’il a avec des opérateurs du secteur.
L’impression est confirmée par Francis Maere, galeriste et antiquaire à Gand."Les modalités à suivre ne sont pas encore très nettes, très claires pour notre métier. On attend une proposition définitive du SPF Finances", explique Francis Maere. Si, selon lui, il était déjà fréquent dans le secteur de vérifier l’identité d’un acheteur, avec le nouveau dispositif "cela devient un peu plus compliqué et cela met une certaine contrainte dans les affaires", notamment parce qu’il faudra conserver les données des transactions.
Par ailleurs, Francis Maere rappelle l’existence de la législation qui limite les paiements en cash à 3000 euros. Cela aurait déjà contribué à assainir le secteur.