Economie

Quelles sont les qualités d’un bon "client mystère" ?

Le marché matinal

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Un client mystère se trouve parfois dans la file dans un magasin et il est un peu spécial, explique Nancy, vendeuse dans un magasin spécialisé en produits de bouche : "On les repère parce qu’ils posent des questions plus ciblées auxquelles on est censé savoir répondre, comme l’historique de l’enseigne, les procédures de fabrication, le respect de la nature ou le respect de la personne qui travaille".

Le client mystère, c’est celui qui va pouvoir se rendre compte discrètement de l’efficacité et de la qualité des services proposés. De nombreuses grandes entreprises qui font appel à cette technique d’évaluation engagent expressément des personnes pour endosser ce rôle de client ordinaire. Le concept du client mystère ou mystery shopper est importé des États-Unis et il se pratique depuis plus de 60 ans à travers le monde, avant de se répandre avec plus d’acuité chez nous dans les années 1990.

Geoffroy Comhaire dirige une agence basée dans le Brabant wallon, spécialisée dans les études de marché. Cette agence fournit environ 200 clients mystère à certaines marques selon un scénario prédéfini en fonction des besoins, explique-t-il : "On va avoir des marques qui vont être attentives à la qualité de l’accueil ou au dress code des vendeurs, par exemple. Et on a des marques qui n’accordent pas d’importance à ça, mais plutôt au processus de vente et à des questions spécifiques qu’il faut poser. Certaines enseignes de restaurants insistent sur le fait que le serveur doit proposer un café. Ça correspond donc chaque fois aux décisions du management. Donc, un mystery shopping est créé en collaboration avec la direction, avec les responsables marketing de chacune des enseignes".

Le but officiel est d’améliorer ce qu’on appelle l’expérience client, car un client content est un client qui consomme, achète et revient.

Un client mystère travaille dans l’anonymat
Un client mystère travaille dans l’anonymat © Getty Images

Mais le client mystère n’est pas là pour espionner les employés, insiste Michel Bourgeois, gérant de Cohérences, une société qui dispose d’un pool de 500 clients mystère : "En tant que prestataire, il y a des missions que nous refusons parce qu’on pense que ça ne va pas aider. D’autre part, nous encourageons nos clients à remettre le questionnaire de mystery shopping à leurs collaborateurs. Ça veut dire que personne n’est pris au piège. Dans chaque visite que Cohérences organise, il y a un scénario qui va cadrer très précisément la visite et qui va expliquer ce que l’on peut faire et ce que l’on ne peut pas faire. Nous ne pousserons jamais à la faute. C’est déjà bien assez compliqué de faire son travail convenablement pour encore aller rajouter des pièges". 

Il s’agit donc plutôt d’une façon d’objectiver l’évaluation des employés, loin des on-dit, des rumeurs ou des commentaires parfois négatifs, voire carrément diffamatoires de certains clients.

Cependant, alors qu’il y a de très nombreuses enquêtes de satisfaction, ces fameux clients mystère ont encore leur raison d’être, estime Geoffroy Comhaire, patron de la société Incidence : "Le mystery shopper n’a rien à vendre. Il n’a pas à être gentil ou à être méchant, il objective des faits. Est-ce qu’on avait une cravate, oui ou non ? Est-ce qu’on a dit bonjour, oui ou non ? Ce sont des questions très factuelles et ce n’est pas lié à ‘je suis fâché parce que ce que j’ai acheté ne me convient pas, et donc je vais les pénaliser’ou ‘j’ai mal mangé, on ne m’a pas offert de pousse-café, et donc je vais mettre une mauvaise note’".

Certaines marques engagent des mystery shoppers pour analyser ce que font leurs concurrents. C’est une pratique assez répandue.

Alexandra Balikdjian, psychologue de la consommation à l’ULB, ajoute : "Aujourd’hui, il y a une telle offre qu’il faut pouvoir se différencier. Quand vous allez acheter un tee-shirt chez Zara ou que vous allez acheter un tee-shirt chez Chanel, ce sont deux expériences différentes. Vous avez des attentes différentes, vous avez des envies différentes, mais vous devez aussi vous représenter que vous êtes dans deux enseignes différentes. C’est donc très important que l’expérience du client reflète réellement les envies de la marque".

Les qualités d'un client mystère

Quelles sont les qualités d’un client-mystère ? "Je cherche des gens qui ont d’abord une très bonne mémoire, des gens qui ne jugent pas, des gens qui se contentent d’être un appareil photo de ce qui s’est passé, qui sont capables de raconter en des phrases simples et courtes ce dont ils ont fait l’expérience en ne mélangeant pas les choses", répond Michel Bourgeois, de l’entreprise Cohérences.

La rémunération varie entre 22 et 25 euros de l’heure, plus les achats remboursés, évidemment, et ce sont souvent des indépendants à titre complémentaire. Les agences croulent sous les candidatures spontanées, mais il ne faut pas espérer profiter d’un bon resto gratis pro deo. Client mystère, c’est un métier.

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