Qu’est-ce qui a causé la mort de Josef Chovanec, à l’aéroport de Charleroi ? La reconstitution a lieu ces lundi et mardi

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Par David Brichard

Que s’est-il exactement passé entre Josef Chovanec, la police et les services de secours dans la nuit du 24 février 2018 à l’aéroport de Charleroi ? Qu’est-ce qui a causé la mort de ce Slovaque de 38 ans ? Plus de 3 ans et demi après l’incident, la justice tentera de répondre à ces questions lors d’une reconstitution grandeur nature ces 27 et 28 septembre.

Pendant ces 2 journées, le trafic des voyageurs sera inévitablement perturbé. Le hall d’embarquement pourrait être partiellement bouclé pendant quelques heures. Idem pour le tarmac de l’aéroport. Mais sans aucun doute, la cellule, dans laquelle Josef Chovanec a passé 5 heures, fera l’objet de toutes les attentions.

"Il y aura beaucoup de monde. D’abord, tous les acteurs de cette nuit-là : policiers, secouristes, médecin, … Ensuite, la juge d’instruction, celle qui a exigé cette reconstitution. Elle sera entourée d’experts. Pour le ministère public, il y aura le procureur du Roi. Autres intervenants clés : la veuve de Josef Chovanec, ses avocats et conseillers techniques", détaille Ignacio de la Serna, procureur général de Mons.

La reconstitution se déroulera en temps réel, minute par minute. Chaque geste, dialogue ou attitude seront reproduits. Objectif : permettre au magistrat de visualiser les lieux et de mieux comprendre les différentes interventions des protagonistes. "Pour être au plus proche de ce qui s’est réellement passé, il faudra compter sur la sincérité des acteurs. Il y aura peut-être une marge entre ce qui va être raconté et la vérité", explique Vincent Seron, professeur de criminologie à l’ULiège.

On aimerait bien savoir ce qui a été dit ou fait et par qui

Pour le procureur général de Mons, le grand enjeu de cette reconstitution sera bien de distinguer le vrai du faux. "Si on veut que l’enquête soit complète, passer par cette étape est indispensable pour pouvoir fermer des portes. Le but, c’est de confronter tous les éléments du dossier avec ce qui sera montré. En reproduisant la scène, on verra si le contenu des auditions et des rapports correspond ou pas à la réalité", complète-t-il.

Du côté de la partie civile, l’étape de la reconstitution est très attendue. Cela devrait être, pour la veuve de Josef Chovanec et ses avocats, l’occasion de mieux cerner ce qui a pu se passer dans cette cellule, d’aller au-delà des images captées par la caméra de surveillance. "Nous avons, évidemment, des vidéos mais d’un autre côté, et c’est très important, nous n’avons pas le son. On aimerait bien savoir ce qui a été dit ou fait et par qui, confie Ann Van De Steen, l’avocate de l’épouse du Slovaque. Elle ajoute : "Pour ma cliente, Henrieta, il est très important qu’elle puisse enfin se rendre compte de ce qu’ont fait tous ceux qui se trouvaient dans cette cellule. Finalement, c’est une confrontation avec la mort affreuse de son mari".

Des tensions avant la reconstitution

Un des enjeux de cette reconstitution sera de pouvoir cibler ce qui a pu causer la mort de Josef Chovanec. Plusieurs raisons possibles sont évoquées : les coups que le Slovaque s’est portés, l’intervention policière, le produit calmant qu’on lui a injecté. Jusqu’ici, aucune des options n’avait été clairement privilégiée. Mais ce dimanche 19 septembre, nos confrères d’RTL-TVI ont révélé qu’un nouveau rapport d’experts penchait pour la 1re des causes : les coups violents qu’il s’est infligés. Par la même occasion, cela semble disculper les policiers.

"Le décès est à mettre en rapport avec un état de mort cérébrale causé par un œdème qui peut être relié de manière tout à fait plausible aux nombreux et violents impacts de la tête de Monsieur Chovanec contre le mur du cachot", peut-on lire dans ce rapport. A quelques jours de la reconstitution, la diffusion de ce document, qui devait en principe rester top secret, provoque de vives réactions.

"Cela perturbe le bon déroulement de l’instruction. Cela empêche la justice de faire son travail sereinement. Ce rapport n’est pas définitif. Tout dépendra de la reconstitution", précise Ignacio de la Serna, le procureur général de Mons.

La partie civile, quant à elle, dit ne pas avoir été mis au courant qu’un nouveau rapport d’experts était en cours. Ann Van De Steen, l’avocate de la veuve Chovanec, parle même de machination pour mettre hors de cause les policiers : "Nous sommes très surpris d’entendre cela car actuellement, pour nous, il n’y a pas de nouveau rapport d’experts. Nous avons eu un contact avec nos propres experts et ils sont tout aussi étonnés que nous. Il n’y a de toute façon aucune conclusion qui a été tirée", confie-t-elle.

La fuite de ce rapport, qui devait en principe servir de base de travail pour la reconstitution, ajoute une tension supplémentaire dans ce dossier sensible. Pour le criminologue, Vincent Seron, des événements comme ceux de ces derniers jours ne changent pas nécessairement la trajectoire de l’instruction. "C’est l’ensemble de tous les éléments qui pourra permettre d’établir la vérité judiciaire", explique-t-il.

Reportée une première fois à cause du Covid, cette étape judiciaire dans ce dossier Chovanec est très attendue. Ce lundi 27 septembre à 9h, tous les acteurs seront donc réunis à l’aéroport de Charleroi. La reconstitution se fera à l’abri des médias. Une conférence de presse du parquet général aura lieu le lendemain à 17h.

Rappel des faits

Dans la soirée du 24 février 2018, un Slovaque, Josef Chovanec, est arrêté sur le tarmac de l’aéroport de Charleroi. La raison de son interpellation : L’homme n’a pas son titre de transport lorsqu’il arrive devant la porte de l’avion qui doit le ramener chez lui. Il présente, aussi, un comportement étrange. Les policiers décident alors de l’emmener dans un cachot de l’aéroport.

Et c’est précisément dans cette cellule que les choses vont s’envenimer. Le Slovaque se frappe d’abord la tête une quarantaine de fois contre un mur. En sang et très agité, il est ensuite maîtrisé fermement par les forces de l’ordre. La scène, filmée mais sans son, montre qu’un des agents immobilise l’individu à l’aide de son genou pendant plus de 15 minutes.

A la vue des images, l’ambiance semble pour le moins bizarre. Alors que Josef Chovanec est tenu, pieds et mains liés par des colsons, une policière fait un salut nazi, d’autres rigolent. Après plusieurs heures d’intervention, un médecin, appelé sur place, injecte au Slovaque un produit calmant en dernier recours.

Peu de temps après, Josef Chovanec, inconscient, est emmené à l’hôpital. Il décède quelques jours plus tard. A l’époque, une première autopsie révélera qu’une crise cardiaque est à l’origine de sa mort.

Ce n’est que l’été dernier que la population belge prend connaissance de la vidéo captée dans ce cachot. Ces images provoquent de vives réactions tant au sein de l’opinion publique qu’au niveau politique. C’est la veuve de Josef Chovanec, elle-même, qui a décidé de diffuser ce contenu. Par ce geste, elle viole le secret de l’instruction mais elle l’a fait car elle considère que la justice belge ne fait pas son travail pour faire toute la lumière sur ce qui est arrivé à son mari.

Journal télévisé du 26/09/21

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