" J’ai entendu parler de la bête du Gévaudan, quand j’avais une dizaine d’années, au hasard d’un article dans un magazine. Ça m’a marqué et ça m’a un peu effrayé aussi parce que c’est une histoire assez sanglante. Depuis, ça continue à m’intéresser, surtout parce qu’il a été écrit tellement de choses, souvent très invraisemblables sur la bête du Gévaudan que ça donne envie d’essayer de comprendre de quoi il s’agit. En tout cas, c’est de l’histoire : il n’y aucun doute sur l’existence de l’animal en question, et toutes les victimes qu’il a attaquées le démontrent. Mais ça reste un sujet de controverse à n’en plus finir. "
Eric Buffetaut est paléontologue et chercheur au CNRS. Il se passionne pour la cryptozoologie (la discipline qui tente d’étudier les animaux cachés encore inconnus de la science) et au fil des ans, il est devenu un spécialiste de la bête du Gévaudan.
Mais quel animal sanguinaire se cache derrière cette fameuse bête ? Plantons le décor : nous sommes en France, sous le règne de Louis XV, dans ce qui était à l’époque la province du Gévaudan. La région est montagneuse et assez reculée. Toute l’affaire commence en l’an de grâce 1764 : brusquement, un animal mystérieux s’attaque aux bergers qui gardent les troupeaux (c’est-à-dire principalement des femmes et des enfants). La bête les tue et les dévore à un rythme tout à fait effrayant. Les témoignages de l’époque font froid dans le dos, en voici un parmi tant d’autres :
" Au commencement de juillet, une jeune fille avait disparu. On retrouva son cadavre en partie dévoré. Le foie, les intestins, le cœur, toutes les parties molles avaient été rongées. Puis, ce fut une succession d’horreurs. Au début d’août, une jeune fille de 15 ans, de la paroisse de Puy-Laurent, et, quinze jours plus tard, un garçon de Chaylard-l’Evesque, qui gardaient les bestiaux sur le territoire de de Chaudeyrac, furent surpris et dévorés. Les témoins de cette tragédie firent la même description de la bête sauvage : elle ressemblait à un loup. Mais elle avait la tête plus allongée, la gueule énorme, une queue épaisse, touffue et une raie noire sur le dos. "
Ceux qui ont survécu aux attaques de la bête ont comme cela laissé des descriptions de l’animal. Voilà pourquoi on connait aujourd’hui dans les grandes lignes son signalement mais également son mode opératoire. Il s’agit d’une bête ressemblant à un loup, mais néanmoins un loup très particulier qui ne ressemble pas aux loups habituels présents en grand nombre dans cette région à l’époque.
Il s’approche lentement de sa victime, lui saute dessus et l’égorge. Comble de l’horreur, il n’est pas rare que dans la violence de l’attaque, la bête du Gévaudan arrache la tête de celui ou celle qu’elle veut manger. Ensuite, le plus souvent, l’animal féroce emmène le cadavre plus loin pour pouvoir en dévorer certaines parties à son aise.
Les exactions de la " mâle bête " comme les habitants du Gévaudan vont l’appeler, sont donc extrêmement violentes et surtout de plus en plus répétées. On compte des dizaines de victimes. Eric Buffetaut a étudié tous les documents d’époque…
"Ça a duré environ 4 ans. On a des registres paroissiaux correspondant aux inhumations des victimes, et à chaque fois, il est indiqué le nom, l’âge de celui ou celle qui a été tué par la bête et ainsi de suite. Tout cela est conservé, on a donc une liste très précise de ces victimes, de leur âge, de la paroisse où ils habitaient. Et on ne parle pas de trois ou quatre victimes. En fonction des différentes sources, on peut estimer qu’il y a eu entre 88 et 124 attaques de la bête, le plus souvent mortelles. "
La bête du Gévaudan opère ses méfaits avec un culot fantastique : elle ne craint rien, surtout pas les hommes. Elle peut tuer dans la même journée plusieurs victimes dans des endroits éloignés de plusieurs kilomètres : elle est capable de parcourir de grandes distances dans un laps de temps très court. Soit cet animal se déplaçait avec une vitesse étonnante, soit il y en a eu plusieurs... Plus surprenant : la bête semble connaître la région dans ses moindres recoins, puisqu’elle parvient toujours à s’échapper.
Le Gévaudan va peu à peu sombrer dans les ténèbres et la terreur. Quelle est cette créature maléfique ? Et surtout comment s’en débarrasser ? Ce qui au départ semblait n’être qu’un simple fait divers va prendre de telles proportions que Louis XV décide d’envoyer des troupes et des chasseurs de loups pour traquer et tuer la bête.