Une déclaration forte du Président turc a aiguisé les tensions entre la Turquie et 10 Etats occidentaux ce WE. Recep Tayyip Erdogan dit avoir ordonné à son Ministre des affaires étrangères de déclarer "persona non grata" les ambassadeurs du Canada, de France, de Finlande, du Danemark, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Nouvelle-Zélande, de Norvège, de Suède et des Etats-Unis.
Il s’agit des 10 Etats qui ont cosigné un court communiqué le 18 octobre, appelant à un "règlement juste et rapide de l’affaire Osman Kavala".
Ces diplomates "doivent connaître et comprendre la Turquie", a déclaré Recep Tayyip Erdogan en les accusant "d’indécence". "Ils devront quitter" le pays "s’ils ne le connaissent plus", a-t-il ajouté.
Ces propos ouvrent la possibilité, mais encore sans certitude, d’une expulsion des dix ambassadeurs : il s’agirait d’un acte très fort à l’égard de ces 10 Etats. Qui est donc Osman Kavala, l’homme au cœur de ces tensions ?
Osman Kavala, aux antipodes de la ligne Erdogan
Osman Kavala est une figure majeure de la société civile en Turquie. Il fait partie de ces milliers de personnes, intellectuels, journalistes, politiques, activistes détenus dans la foulée des manifestations antigouvernementales de Gezi en 2013 ou du coup d’état manqué de 2016, et qui attendent un procès en détention ou purgent une peine pour "terrorisme" ou "espionnage" dans les prisons turques.
Mais il est devenu, plus qu’un autre, une bête noire de Recep Tayyip Erdogan. Son profil explique en partie cette focalisation du président Turc à son égard.
Osman Kavala est un riche homme d’affaires turc de 64 ans. Il a un parcours international : il est né à Paris, a étudié l’économie à Manchester au Royaume-Uni, puis est rentré à Istanbul pour reprendre l’entreprise familiale.
Il pèse dans le débat public, en tant qu’éditeur influent mais aussi pour son mécénat peu en phase avec la ligne politique du Président turc.
"Osman Kavala est un homme assez respecté" explique Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de la Turquie. "C’est un mécène qui a longtemps prôné le dialogue avec les Kurdes, avec les Arméniens.
Il est le symbole vivant de cette société civile qui existe en Turquie, qui est infiniment active et fait preuve d’une très grande vitalité.
Didier Billion poursuit:
"Le Président turc veut abattre ce symbole."
Et Recep Tayyip Erdogan veut montrer à son électorat, en ces mois où sa popularité et son économie faiblissent, qu’il ne plie pas face au soutien international envers ce "symbole". C’est ce que le Président turc vient de faire : répliquer théâtralement, lors d’une apparition publique, aux 10 Etats qui avaient exprimé leur soutien à Osman Kavala le jour anniversaire de ses quatre ans de détention.