Qui est Zuhal Demir, la "dame de fer" de la N-VA qui tente de bloquer la sortie du nucléaire ?

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Zuhal Demir, la ministre flamande de l’Environnement, fait tout ce qu’elle peut pour contrer la sortie du nucléaire prévue par le gouvernement fédéral. Mais qui est cette Limbourgeoise d’origine kurde surnommée la "dame de fer" de la N-VA ? Souffle-t-elle un vent de renouveau au sein de la N-VA ?

Elle refuse le permis pour une centrale à gaz à Vilvorde, au grand désarroi de la ministre fédérale de l’Énergie. Elle bloque un accord intra-belge sur le climat en pleine la COP26, jugeant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévu pour la Belgique trop élevé. Portrait de Zuhal Demir, l’une des figures montantes de la N-VA qui incarne la vision "écoréaliste" du parti.

De Genk à Anvers

Née le 2 mars 1980 à Genk, Zuhal Demir est issue d’une famille kurde de travailleurs immigrés. Après ses études secondaires en latin-grec dans une école catholique de Genk, elle obtient une licence en droit à la Katholieke Universiteit Leuven.

En 2004, elle s’établit à Anvers où elle deviendra avocate spécialisée en droit du travail. Ce n’est que six ans plus tard qu’elle se présentera pour la première fois sur les listes N-VA : aux élections fédérales de juin 2010, elle est élue avec 10.248 voix de préférence.

Aux élections communales d’octobre 2012, Zuhal Demir est élue sur la liste N-VA dans le district d’Anvers et devient la nouvelle présidente du district. Elle occupe ce poste de début janvier 2013 à fin décembre 2015.

Photos sexy dans P-Magazine

Aux élections fédérales de mai 2014, Zuhal Demir double presque son nombre de votes de préférence (19.473) et continue à siéger à la Chambre. En mars 2015, alors âgée 35 ans, elle suscite par ailleurs la controverse après la parution d’une série de photos sexy où elle pose dans l’enceinte du Parlement fédéral belge pour le magazine flamand P-Magazine.

Zuhal Demir joue sa star au Parlement

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Catherine Fonck, cheffe de groupe du cdH à la Chambre, réagit alors sur Twitter :

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La "dame de fer"

Comme souvent en Flandre, les personnalités politiques sont invitées dans des émissions de divertissement. Et Zuhal Demir n’échappe pas à cette tendance : elle participe au célèbre quiz télévisé De Slimste Mens en 2016 où le présentateur se moquera gentiment de son accent limbourgeois.

La même année, elle prend part à Terug naar eigen land, une émission de téléréalité où six "Bekende Vlamingen" (Flamands connus) se rendent dans des zones de conflit. L’idée est de parcourir la route que des réfugiés prennent vers l’Europe afin de les confronter à la réalité de la crise migratoire.


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Lors du premier épisode, Zuhal Demir lâche sa première phrase polémique. Lors d’une visite dans un camp de réfugiés à Erbil en Irak, elle rencontre une femme qui souhaite s’installer en Europe. Elle lui lance : "Vous voulez une vie meilleure ? Rien n’est gratuit en Europe, vous devez vous en rendre compte."

"Cette dame pensait qu’elle avait des tas de droits en Europe et qu’elle obtiendrait un appartement juste comme ça. Je lui ai remis les pieds sur terre. Chez nous, rien n’est gratuit, tout le monde doit travailler", se justifiera-t-elle. On comprend mieux pourquoi on la qualifie de la "dame de fer".

Secrétaire d’État contre Unia

En février 2017, elle délaisse ses fonctions de députée fédérale pour passer au gouvernement Michel. Elle y remplace Elke Sleurs au poste de secrétaire d'Etat à la Lutte contre la pauvreté, à l’Égalité des chances, aux Personnes handicapées et à la Politique scientifique. Elke Sleurs quitte le fédéral pour préparer les élections communales à Gand, qui se sont transformées en un échec cuisant pour la N-VA.

À peine arrivée à son poste, Zuhal Demir se lance à l’assaut d’Unia, le centre fédéral d’égalité des chances qui tombe dans son portefeuille. "Je me demande si Unia fait encore bien ce pour quoi il a été établi", lance-t-elle à l’époque. "Les gens ne comprennent pas pourquoi Unia est par exemple si obsédé par les discussions sur le Père Fouettard alors que d’autres vrais problèmes demeurent."

Unia dans le collimateur de la N-VA

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Responsable de la politique scientifique, Zuhal Demir souhaite aussi en finir avec le conflit entre l’explorateur Alain Hubert et le gouvernement fédéral sur la station Princesse Elisabeth. La responsable N-VA conclut un accord avec Alain Hubert. Le but : relancer les missions belges à la station polaire princesse Elisabeth. L’Etat devient alors propriétaire à 100%, la Fondation polaire internationale obtient une concession d’au moins 5 ans et une asbl internationale doit être créée pour gérer les budgets et les comptes.

Avec le départ de la N-VA du gouvernement fédéral début décembre à la suite du "Pacte de Marrakech", Zuhal Demir perd son poste de secrétaire d’État et retourne sur les bancs de la Chambre.

Back to Genk

À l’approche des élections communales de 2018, Zuhal Demir revient dans ses contrées limbourgeoises natales. Elle s’installe à Genk pour tirer la liste communale de la N-VA, histoire que le parti nationaliste gagne en popularité dans le Limbourg. Pour l’anecdote, elle se rendra au bureau de vote avec sa fille de 10 mois Rozanne dans la poussette.

Et le pari s’avère gagnant : la N-VA passe de 18% à près de 28%. Malgré le bon résultat du parti nationaliste, le bourgmestre CD&V préfère rempiler pour un mandat avec Vooruit et Groen.

Même si elle a récolté 8200 voix de préférence (2e score derrière le bourgmestre en place), Zuhal Demir et son parti se retrouvent donc dans l’opposition communale.

Abandon de la nationalité turque

Zuhal Demir est née en 1980 avec la double nationalité : belge et turque. Elle a obtenu la nationalité turque comme toute personne ayant une mère et/ou un père turc l’obtient automatiquement. Malgré tout, elle se sent plutôt kurde que turque et avant tout flamande.

Sa famille est de tradition alévie, un mouvement au sein de l’Islam : "Nous avons même le droit de boire de l’alcool ! Les Alévis sont un mouvement minoritaire au sein de l’Islam, mais le deuxième plus important en Turquie. Ils ont des accents humanistes et spirituels, c’est pourquoi les autres musulmans nous considèrent souvent comme des païens", explique-t-elle lors d’une interview avec le journaliste Jeroen Denaeghel.

Sa famille en a fait personnellement l’expérience lors de son arrivée dans la ville minière de Genk, poursuit-elle : "Mon père a été interpellé par des hommes turcs et marocains parce que ma mère ne portait pas de foulard. Par peur de représailles, nous avons dû déménager dans un quartier blanc. C’est pourquoi je me méfie tant des musulmans conservateurs qui viennent ici maintenant. Il ne faut pas être naïf, ils vont imposer leurs valeurs. J’en ai fait l’expérience moi-même."

Zuhal Demir : abandon de la nationalité turque

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En mars 2017, en pleine campagne pour le référendum constitutionnel turc de 2017 du président turc Recep Tayyip Erdoğan, la secrétaire d’État N-VA est accusée par la presse turque de "soutenir le terrorisme" et, en particulier, le "mouvement indépendantiste terroriste kurde" PKK.

Au final, la femme politique décide quelques mois plus tard de renoncer à sa nationalité turque : "Nous nous sommes éloignés, la Turquie et moi. Je suis devenue une femme flamande fière de ses racines kurdes. J’ai étudié ici, vécu ici, l’homme que j’aime est flamand. J’ai eu la chance de grandir ici et de faire de la politique. La Flandre m’a adopté et j’ai adopté la Flandre", explique-t-elle à la VRT.

Nouvelle figure de l’écoréalisme

Depuis octobre 2019, Zuhal Demir fait partie du gouvernement Jambon. Elle y occupe le poste de ministre de l’Environnement, de l’Énergie, du Tourisme et de la Justice. Ces derniers mois, elle fait beaucoup parler d’elle dans les médias.

En juin 2021, elle a par exemple surpris ses détracteurs et partenaires de coalition en proposant au Parlement flamand de créer une commission d’enquête parlementaire pour examiner le dossier de la pollution à l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) dans l’entreprise 3M à Zwijndrecht, en province anversoise. Qu’une ministre en exercice insiste sur une commission d’enquête est assez inédit.

Alors que la société américaine tente de se décharger de toute responsabilité, la ministre flamande de l’Environnement hausse le ton : elle somme l’entreprise de prouver qu’elle n’expose pas les riverains à des risques supplémentaires, sous peine de devoir arrêter les processus de production qui rejettent (PFOS).


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En cette période de COP26, Zuhal Demir est résolue à ne pas accepter n’importe quel accord sur le climat. Le mot-clé prôné par son parti est l’"écoréalisme". Et la Limbourgeoise applique à la lettre les codes de communication : ça ne sert à rien de se fixer des objectifs trop élevés, irréalistes. Exemple : l’objectif assigné à la Belgique visant à réduire de 47% les émissions de gaz à effet de serre en 2030, hors industrie. Selon la ministre, il faudrait renégocier ce partage des charges avec l’Union européenne.

Alors qu’il s’avère impossible de trouver un accord intra-belge sur le climat, la ministre flamande vient avec son propre plan climatique. Le gouvernement flamand augmente l’objectif de réduction des émissions de CO2 du gouvernement flamand en passant de 35 à 40% (alors que l’objectif belge est de 47%). Une manière de montrer que le fédéralisme de coopération ne fonctionne pas et qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Dans le même temps, la N-VA continue à s’opposer fortement à l’ouverture de nouvelles centrales et n’hésite pas à mettre des bâtons dans les roues du fédéral. La ministre Demir, compétente en la matière, refuse le permis pour une centrale à gaz à Vilvorde car elle émettrait une grande quantité d’ammoniac, une décision qui risque de compromettre les ambitions de la ministre fédérale de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen).

Vous entendrez encore parler d’elle

Pour résumer, Zuhal Demir possède tous les atouts pour montrer un nouveau visage de la N-VA. C’est une femme engagée au caractère bien trempé. Issue d’une famille d’ouvriers immigrés, elle a réussi à se hisser au plus haut de la scène politique flamande : une manière, pour la N-VA, de montrer que les étrangers peuvent avoir une place dans la société, s’ils se donnent la peine de s’intégrer et s’ils ne profitent pas du système.

Elle n’hésite pas non plus à critiquer l’islam et ses formes extrêmes et ajoute résolument une touche de "vert" à N-VA, qui n’avait pas développé énormément son programme environnemental et climatique.

Ce n’est donc pas un hasard que la N-VA mette en avant Zuhal Demir. Ce soutien transparaît d’ailleurs dans les statistiques récoltées par Adlens : Zuhal Demir est la deuxième politique N-VA dont les messages sont le plus sponsorisés sur Facebook (après Bart de Wever). En septembre 2021, le parti a par exemple dépensé 13.621 euros pour sa nouvelle figure de proue. Preuve que le parti mise énormément sur Zuhal Demir et va continuer à le faire…

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