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"Qui veut acheter les femmes ukrainiennes ?" : une action féministe contre l’exploitation sexuelle des réfugiées

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Par Camille Wernaers pour Les Grenades

Ce samedi 26 mars, sur le coup de 11h, trois activistes féministes françaises se sont rendues à Bruxelles devant le Parlement européen pour "dénoncer l’inaction de l’Union européenne face à l’exploitation sexuelle des réfugiées ukrainiennes".

Reprenant les codes du mouvement Femen, né en Ukraine en 2008, elles ont mis en scène un proxénète portant l’inscription "L’Ukraine est mon bordel", accompagnée de deux femmes sur lesquelles on pouvait lire "à vendre", et "deux pour le prix d’une". Elles ont interpellé les hommes assistant à la scène leur demandant s’ils voulaient "acheter une femme ukrainienne".

"Nous sommes contentes d’avoir pu délivrer ce message. Pour nous, cette action est très forte car il s’agit d’un femmage au mouvement Femen, qui a utilisé dès le début le slogan ‘L’Ukraine n’est pas un bordel’", explique l’une d’entre elles aux Grenades. "Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous savons que des hommes attendent aux frontières pour trouver des femmes à vendre dans leur pays, notamment l’Allemagne. C’est possible car les lois dans ces différents pays européens ont rendu la prostitution légale et donc le proxénétisme également. C’est la responsabilité de l’Europe de faire respecter les droits humains dans ces différents pays", poursuit-elle.

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Des femmes et des enfants en danger

Plusieurs ONG basées aux frontières de l’Ukraine pour accueillir les réfugié·es fuyant la guerre, dont Unicef, ont fait état de disparition de femmes et d’enfants. Karolina Wierzbińska, coordinatrice de l’organisation des droits humains Homo Faber, basée en Pologne, a notamment expliqué au Guardian avoir vu des enfants passer la frontière seul·es, sans personne pour les accueillir dans le pays d’arrivée, ce qui les met en danger.

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"Prostitution, esclavage… La guerre est une opportunité pour les mafias", titre de son côté Europe1. En Belgique, plusieurs médias ont déjà relayé des cas d’exploitations, notamment sexuelles, vécues par les réfugié·es ukrainien·nes. Le centre Payoke, centre pour les victimes de la traite des êtres humains, a par exemple été contacté par une femme ukrainienne. "Elle était autorisée à rester avec un homme à condition qu’elle fournisse des services sexuels", explique au journal De Morgen le directeur du centre, Klaus Vanhoutte.

"Vous êtes là, en tant que femme, avec vos enfants dans les mains, vous n’avez pas dormi depuis quatre nuits et vous espérez vous en sortir. Tout ce que vous voulez, c’est du repos, de la sécurité et de la nourriture. Toutes les offres en Belgique sont alors tentantes. Surtout si quelqu’un vous promet de vous transporter immédiatement en Belgique pour 1 000 euros et de vous garantir un emploi et un logement. [… ] Vous devez comprendre le désespoir de ces gens. À une telle frontière, il y a peut-être 100.000 personnes qui essaient toutes de s’enfuir", souligne le directeur.

"Des femmes belles"

Andy de Schipper, le fondateur d’un groupe de soutien en néerlandais aux Ukrainien·nes sur Facebook, intitulé "Steun Oekraïne", a quant à lui reçu des propositions qu’il estime être à "double sens", et qui proviennent d’hommes qui se disent enthousiasmés par l’idée d’offrir une place d’accueil à des femmes ukrainiennes réfugiées. "Les administrateurs du groupe ont reçu des propositions pour offrir le gîte à des femmes 'belles, jolies, intelligentes et attentionnées'", relate La Libre, qui explique que des "Ukrainiennes sont contraintes de se prostituer à la frontière roumaine".

Vous êtes là, en tant que femme, avec vos enfants dans les mains, vous n’avez pas dormi depuis quatre nuits et vous espérez vous en sortir. Tout ce que vous voulez, c’est du repos, de la sécurité et de la nourriture

Le 8 mars, le cofondateur de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, Mehdi Kassou, a fait appel à la vigilance pour l’accueil citoyen des femmes et enfants venant d’Ukraine : il recommande de ne pas placer des femmes seules, avec ou sans enfants, chez des hommes seuls et de déployer un suivi centralisé pour l’ensemble des hébergements, avec l’appui des communes.

Les autorités belges réagissent

Le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a été interrogé à ce sujet le 9 mars à la Chambre. "Malheureusement, l’afflux massif de réfugié·es dans notre pays est une opportunité pour les trafiquants enclins à maltraiter ces victimes", a confirmé le ministre. "Je partage l’inquiétude quant au fait que des groupes criminels organisés ou des personnes de mauvaise volonté, tenteront tôt ou tard d’exploiter les vulnérabilités des personnes fuyant la guerre. Ce sont des victimes potentielles d’exploitation sexuelle mais aussi économique. Je pense qu’il est sage de ne pas se concentrer uniquement sur la répression après coup, si les faits ont eu lieu, mais aussi de se concentrer sur la sensibilisation préventive des Ukrainien·nes en fuite, qui pourraient être une victime potentielle ".

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Le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale a lancé le 22 mars une campagne de sensibilisation à l’égard des réfugié·es ukrainien·nes en Belgique afin d’éviter que ces personnes ne soient victimes d’exploitation et de traite des êtres humains.

Un document d’information en anglais, ukrainien et russe a été préparé par le Service public fédéral afin de sensibiliser et d’orienter, si nécessaire, les réfugié·es vers des organisations spécialisées pour l’accueil, l’accompagnement et l’hébergement des victimes de la traite et du trafic des êtres humains.

Un message sera diffusé sur les réseaux sociaux les plus utilisés (Facebook, Telegram et WhatsApp) qui les met en garde contre les risques qu’elles courent. Une taskforce a été mise sur pied pour repérer des cas de traite des êtres humains et informer les victimes.

Différentes questions du type "Êtes-vous forcé de travailler à l’endroit où vous logez ?" ou "Avez-vous peur des personnes avec qui vous vivez ou pour qui vous travaillez ?", mettent en évidence les situations potentiellement vécues par les réfugié·es.

Tout cas d’exploitation potentiel pourra donc être signalé auprès des trois centres spécialisés dans l’accueil des victimes : Pag-Asa à Bruxelles (02/511 6464), Sürya à Liège (04/232 40 30) et Payoke à Anvers (03/201 16 90). En cas de danger immédiat, il est conseillé de prendre contact avec les services de police au numéro 101.

Les administrateurs du groupe ont reçu des propositions pour offrir le gîte à des femmes 'belles, jolies, intelligentes et attentionnées

Aussi sur les sites pornographiques

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février dernier, les Ukrainiennes se retrouvent également au centre des recherches sur les sites pornographiques via les mots-clefs les plus recherchés "Ukrainian girls", "Ukrainian porn", "refugee porn" "Ukraine", "War porn". "Alors que le peuple ukrainien combat une guerre qui leur a été imposée et lutte pour leur survie, le cybersexisme ciblant les Ukrainiennes explose", a dénoncé l’association féministe contre le cybersexisme et les cyberviolences sexistes et sexuelles, StopFisha.

A ce jour, plus de 3,7 millions de personnes ont fui l’Ukraine, dont une majorité de femmes et d’enfants.

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