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Racisme au service des plantations : la commune de Molenbeek accusée de passivité par les victimes

Des travailleurs du service des plantations se plaignent de racisme de la part de certains collègues

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Par Philippe Carlot

"Fatima" pour désigner la bourgmestre Catherine Moureaux, "bougnoule" pour qualifier l'échevin de l'environnement et des plantations Abdellah Achaoui et des travailleurs du service, "nègre de service" ou "Flamand de merde", telles sont, parmi d'autres, les injures racistes proférées par un petit noyau de travailleurs du service des plantations de la commune de Molenbeek. 

Des faits dénoncés dès 2019

Plusieurs travailleurs de ce service et des délégués syndicaux ont alerté les autorités de la commune sur ce climat délétère dès 2019. C'est notamment le cas de ce témoin désireux de conserver l'anonymat. "Ces propos, je les ai dénoncés verbalement parce qu'à l'époque, je faisais les choses ainsi. J'ai dit à la bourgmestre qu'il y avait un gros souci de fonctionnement et qu'elle ne prenait pas ces faits en considération. Par la suite, par voie de mail, j'ai dénoncé la discrimination. Jamais eu de réponse. Je me suis adressé ensuite au service chargé du bien-être au travail, qui n'a jamais accepté de prendre une plainte formelle mais seulement des plaintes informelles. Par la suite, j'ai demandé à changer de service. J'ai postulé à des ouvertures de postes mais je n'ai jamais reçu de réponses."

 Comme d'autres, cet ouvrier du service plantations se trouve actuellement en arrêt maladie. Mohamed Adlall est délégué syndical de la CSC. Lui aussi a alerté la hiérarchie de la commune au sujet des faits de racisme. 

"J'ai pris connaissance de ce dossier il y a quelques mois et j'avais envoyé dans le courant du mois de septembre (2022) un courrier au collège ainsi qu'à la secrétaire communale, mentionnant un contexte assez chaotique, avec des propos racistes à l'égard de certains travailleurs mais aussi à l'égard d'un échevin, l'échevin de la propreté publique, M. Achaoui."

Et aussi à l'égard de la bourgmestre? demandons-nous à notre interlocuteur.

"Exactement, c'est bien ça. Je n'ai jamais eu de réponse par écrit par rapport à cette situation."

Un lanceur d'alerte en procédure disciplinaire

Une des victimes de propos racistes, un chef d'équipe, a également dénoncé les propos de certains de ses collègues. Aujourd'hui, c'est lui qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour une série de manquements ou de détournements qu'il conteste formellement. Ses accusateurs proviennent en grande partie du noyau de travailleurs pointés du doigt dans ce dossier. La bourgmestre Catherine Moureaux refuse "de mélanger les choses" et réfute tout lien entre la procédure disciplinaire visant cet agent communal et ce qui se déroule au sein du service plantation. 

Mohamed Adlall, pour sa part, y voit bien un lien de cause à effet. "Comme par hasard, il y a eu une procédure de licenciement à l'égard de notre affilié. Cet affilié qui est aujourd'hui victime d'une cabale, d'une chasse aux sorcières, (...) c'est vraiment le monde à l'envers. Ce travailleur a été entendu par le conseil communal en présence de son avocat et de moi-même en qualité de témoin. Nous attendons toujours des nouvelles mais ce dossier-là est un dossier assez inédit où personne ne veut prendre position par rapport à la discrimination et au racisme à l'égard des travailleurs."

L'échevin contre-attaque

Une personne a toutefois réagi. L'échevin Abdellah Achaoui, a commandé une étude juridique pour s'assurer que les propos qui lui ont été rapportés tombaient bien sous le coup de la loi pénale. C'est le cas. Il a également alerté Unia, l'organisme interfédéral en charge de la lutte contre toutes les formes de discrimination. En date du 6 mars de cette année, Unia écrit à la secrétaire communale faisant fonction et à la directrice des ressources humaines. "Il semblerait que malgré plusieurs interpellations de Monsieur (Achaoui, ndlr) mais aussi du syndicat, aucune mesure n'a été prise pour mettre un terme à ces faits", s'étonnent les signataires de la lettre. 

 Unia demande en conclusion ce que la commune a mis en place pour lutter contre la discrimination et pour répondre à l'interpellation de son échevin. Contacté, M. Achaoui n'a pas souhaité faire de commentaires. De son côté, la bourgmestre Catherine Moureaux nous a répondu par SMS :"(...) il y a un climat délétère dans le service (plantation) pour lequel une enquête est (...) encore en cours , au niveau de l'administration (...). De nombreux travailleurs ont été entendus et ceci se poursuit. Concernant ce climat délétère, une intervention d'un service extérieur spécialisé dans les questions de vivre ensembe a par ailleurs été commandée". 

Sur le même sujet :

Problèmes de racisme dans un service communal de Molenbeek - RTBF (30/05/2023)

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