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Raphaële Germser : "Avec BirdPen, c'est un réel échange"

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Par Diane Theunissen via

En janvier dernier sortait All Function One, le deuxième album de BirdPen, formation rock sophistiquée composée de Dave Pen – guitariste et chanteur du groupe Archive – et de son pote Mike Bird. Pour ce disque, le duo britannique a fait appel à la violoniste, bassiste et compositrice Raphaële Germser. En plus de s’être chargée des arrangements de cordes, l'artiste française rejoignait il y a quelques semaines ces deux lascars pour défendre l’album dans une vingtaine de salles à travers l’Europe. Férus d’histoires et d’anecdotes, nous sommes allés à sa rencontre pour discuter de son projet solo, de la magie des rencontres artistiques et de cette collaboration hors du temps. 

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Salut Raphaële ! Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu nous raconter ton parcours musical ?

Je fais de la musique depuis que je suis toute petite. Je suis née dans une famille de musiciens, j’ai commencé le violon à l’âge de trois ans. Je pensais que c’était normal, que dans toutes les familles on faisait de la musique. J’ai réalisé plus tard que ce n’était pas le cas (rires) ! J’ai suivi une formation au conservatoire de musique, mon instrument c’est le violon alto. Après j’ai fait pas mal de théâtre, et j’ai mis un peu de côté la musique. Il y a dix ans, je m'y suis remise ; je me suis retrouvée à accompagner Wax Tailor, j’ai fait des tournées avec lui pendant trois ans. Je faisais de la basse et du violon. Depuis, j’ai accompagné d’autres artistes mais ça ne m’était jamais venu à l’esprit de faire mon propre projet. Ce qui m’a toujours bloquée c’est que je n’arrivais pas à écrire de textes. Finalement, les premiers morceaux que j’ai écrits étaient toujours composés à partir de textes : je me suis rendu compte qu’en ayant un texte, même si je le modifiais, ça débloquait quelque chose. L’une de mes amies a écrit des textes pour moi et à partir de là, j’ai commencé à écrire et à me rendre compte que j’en étais capable. À partir du moment où il a fallu que je trouve un boulot alimentaire, j’avais cette liberté de faire que ce qui me plaisait en musique. C’est un confort qui est vraiment appréciable. J’ai joué avec des groupes qui ne me payaient pas spécialement, mais humainement et artistiquement ça m’intéressait. Puis à un moment j’ai mis de côté pour pouvoir travailler pour moi, ce qui est un luxe. Je me suis donné les moyens de pouvoir le faire. 

Ces dernières années, tu as sorti plusieurs morceaux et lancé ton projet solo. Cela dit, à t’entendre parler, on se rend compte que la collaboration tient quand même une place importante dans ta musique. Qu’en penses-tu ?

Tout à fait. Sur certains de mes morceaux – qui ne sont pas encore sortis – je chante avec des invités, des gens que j’ai rencontrés dans mon parcours. Cet album, je l’ai bidouillé tout seule, mais c’est plutôt triste de faire de la musique toute seule. Finalement, il y a un album qui s’est fait et qui est fini depuis longtemps. Je me suis retrouvée avec un produit fini congelé, et là je suis en train de le sortir du congélateur mais j’ai décidé de le modifier. Je suis en train de le retravailler. Je collabore avec un artiste que j’aime beaucoup qui s’appelle Yannick Dupont. Il joue dans plein de groupes, dont le sien, YÔKAÏ. Il est batteur mais il fait aussi les arrangements, il a des synthés et des pédales dans tous les sens. Je suis contente, c’est une personne nouvelle qui met un peu la pagaille dans mes maquettes, et même dans mes anciens morceaux.

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Tu as également collaboré avec BirdPen sur leur dernier album, All Function One. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour ?

À l’époque, je jouais dans un groupe qui s’appelait Beautiful Badness, et on avait fait leur première partie il y a cinq ans. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le groupe, et j’ai flashé. J’allais voir leurs concerts, on était un peu en contact. Quand j’ai commencé à bosser sur la première version de mon album, j’avais envie de collaborer, et j’ai envoyé une maquette pourrie au guitariste de BirdPen, Mike. Je lui ai dit "tiens, voilà ma maquette pourrie, je serais tellement heureuse si tu acceptais de jouer et d’y rajouter quelque chose" (rires). Il m’a répondu "Oh mais oui avec plaisir". Tout s’est fait à distance, c’est un des morceaux qui est sorti qui s’appelle "See You". C’était juste pour le plaisir de collaborer. Il a rajouté quelques mesures de tout ce que j’aime bien, il n’en a pas fait trop. J’ai trouvé ça hyper classe. Je l’ai remercié, et je lui ai dit "d’ailleurs je sais que vous êtes en train de bosser sur le prochain album, si vous avez envie d’arrangements de cordes hésitez pas à me demander". Je lui avais dit ça en me disant "Jamais de la vie ils vont me proposer". Eux m’avaient seulement répondu "Ah ouais OK, c’est noté". Plus tard, ils m’envoient "Raph, on est en train de bosser, est-ce qu’on peut t’envoyer un truc ?". Ils m’envoient un extrait et moi je pause mes cordes, chez moi, j’enregistre, je bidouille avec mon multi-pistes. Deux trois jours plus tard ils m’envoient un autre morceau. Je rajoute mes trucs, ils sont super emballés. Après ils m’ont demandé si ils pouvaient m’envoyer 8 morceaux ! C’était génial, ce sont mes idoles. 

Comment s’est déroulée la collaboration ?

Ça s’est vraiment fait petit à petit, à distance. On ne s’est jamais retrouvés dans la même pièce. C’était vraiment juste avant le COVID-19. J’étais hyper ravie et ce qui est beau c’est qu’on ne s’est même pas parlés directement, c’était que par messages. Et la plupart du temps, sans prétention, à chaque fois que j’envoyais un truc ils le prenaient tel quel. Comme je suis très fan de leur musique et que je connais leur style, ce que je faisais correspondait à ce qu’ils attendaient. C’était super drôle, j’étais comme une gamine. Après le COVID-19, j’ai eu des nouvelles. Entre temps j’ai envoyé les versions propres, je pensais qu’ils allaient les faire ré-enregistrer dans un studio mais non, ils ont gardé mes versions. Le disque a été masterisé à Abbey Road. C’est eux qui enregistrent tout, donc sur le disque il y a juste leurs noms et le mien. Je suis super fière, et l’album est vraiment joli. 

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Comment définirais-tu l’identité sonore de cet album ?

Je suis super nulle pour répondre à ce genre de questions, mais je trouve qu’ils ont vraiment un univers, une couleur. Je trouve ça assez poétique, il y a quelque chose de très sincère. En plus, ces gars-là, ce sont vraiment des gentleman, des gentils. Pour moi ce ne sont pas des rock stars, et pourtant si. À chaque fois qu’ils sortent un album, il y a un morceau qui me touche. All Function One, c’est un projet qui m’émeut. Quand j’ai reçu le premier titre de l’album, j’étais bouleversée. Et je pèse mes mots. C’est très fort. Dans le premier titre il y a un tempo qui accélère, c’est très progressif. 

Comment as-tu abordé la confection des arrangements ? Quel a été ton processus créatif ?

Moi, je bosse complètement a l’instinct. J’essaye, je rajoute une couche – c’est vraiment de la progression. Parfois je rajoute un truc et je trouve que c’est de trop donc je l’enlève. C’est très instinctif. Et en même temps, c’est aussi parce que j’ai ce bagage classique que j’arrive à faire ça. C’est ce que je dis toujours, même quand je travaille avec Yannick Dupont : quand tu sens que ça te fait un truc, tu sais que c’est pas mal. 

As-tu travaillé sur ce projet chez toi, à Bruxelles ?

Oui, j’ai fait ça dans mon salon. Ce qui est drôle, c’est que pour l’instant il n’y a encore rien de tangible mis à part le vinyle que j’ai reçu de Londres. C’est abstrait. Mais l’histoire n’est pas terminée : à l’époque, quand l’album est sorti, j’ai dit l’air de rien “Si jamais à l’occasion on peut faire au moins une date où je viens jouer les cordes ce serait cool”. 4 ou 5 mois plus tard ils m’ont envoyé un message en me demandant si ça me disait de faire la tournée avec eux, pour la basse et les cordes. Je pars donc en tournée avec eux, avec cet album. Ce qui va être drôle c’est qu’on va se retrouver enfin réunis autour de ça, c’est surtout cet album-là qui va être joué. Il y a toujours les anciens tubes, mais ça claque. 

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Vous passerez d’ailleurs au Botanique le 12 juin. À quoi peut-on s’attendre ?

Je ne sais pas, puisqu’on ne s’est toujours pas vus ! Ce qui est génial c’est qu’ils m’envoient tous les morceaux sans les lignes de basse (ou avec la ligne de basse séparée), et on a déjà commencé à travailler. Quand je joue toute seule, je suis comme une dingue. On sera quatre sur scène, il y a un batteur en plus qui s’appelle Etienne Bonhomme, c’est un ami de Paris. C’est hyper excitant. C’est une jolie histoire parce que c’est sincère. Dans le milieu de la musique c’est difficile parce qu’il y a beaucoup de séduction. Avec BirdPen, il n’y a aucun côté business, c’est un réel échange.

Une collaboration très humaine, donc ?

Tout à fait. Il y a un vrai respect, on fait de la vraie musique. Je trouve ça super rare, et c’est la raison pour laquelle j’aime ce métier. 

Est-ce que ça te donne envie de travailler davantage avec les autres ?

Oui. Des arrangements, j’en avais déjà faits à l’époque où je jouais avec Beautiful Badness. Mais collaborer c’est quand même le truc le plus chouette, et là encore plus parce que c’est complètement magique. 

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Lorsque tu travaillais sur ces arrangements, est-ce que tu as été inspirée par quelque chose en particulier ? 

Non, si ce n’est par eux. En écoutant leurs albums précédents, j’ai été nourrie. Et c’est pour ça que ça a super bien matché : j’étais nourrie de ce qu’ils avaient fait avant. C’est une belle histoire. Les idées me sont venues très vite, en une semaine j’avais tout envoyé. C’est surtout de l’alto que j’ai joué : pour certains morceaux j’ai suivi le lead du chanteur, pour d’autres ils m’ont dit “fais ce que tu veux”. J’ai fait uniquement les cordes, ils ont fait tout le reste eux-même.

C’est presqu’une histoire d’amour !

Je pense aussi que c’est ce qui leur a plu : c’était juste, c’était un match ! Ce qui est super étrange c’est que quand on va comment a répéter, ça va être le moment ou on va se rencontrer. 

Quels sont tes morceaux favoris sur cet album ?

Le premier, “Function”, et le dernier, “Undone”. Je les trouve sublimes. C’est très atmosphérique, c’est vraiment un album à écouter en voyageant. 

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