Rapport indépendant sur les inondations : "Beaucoup de riverains considéraient qu'ils n'étaient pas vraiment dans une zone à risque"

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Par Adeline Louvigny

Ce 11 octobre à 11h a été présenté le premier volet du rapport des experts indépendants à propos des inondations de juillet en Belgique, qui ont durement touché les provinces de Liège et Namur. C’est le ministre wallon du Climat, Philippe Henry, qui a souhaité faire appel à des experts indépendants pour qu’ils analysent le déroulement des événements et examinent les décisions qui ont été prises, notamment la manière dont les barrages ont été gérés, et fassent des recommandations. Ce rapport se fait en parallèle de la Commission d’enquête parlementaire en cours au parlement de Wallonie.


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Pour établir le diagnostic des événements lors de ces inondations, plusieurs types de données ont été récoltés : bien évidemment, les données hydrologiques, météorologiques et hydrauliques, mais aussi des observations de terrain, ainsi que des témoignages de consultations administratives, des gestionnaires de barrage, et des citoyens.

Cet article détaille les conclusions de la consultation citoyenne de l’équipe de Jacques Teller, professeur d’urbanisme à l’ULiège, qui dirige le laboratoire LEMA (Local environment management and analysis). Les autres parties de l’étude font part de l’analyse de la gestion du risque et de crise des autorités, et s’intéressent aux diagnostics météorologique, hydraulique et hydrologique des événements.

Une dissonance entre les prévisions et le vécu

Inondations en Belgique : le rapport du professeur Jacques Teller après consultations citoyennes

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Plus de 229 personnes se sont montrées intéressées à participer à la consultation citoyenne : 31 entretiens individuels ont été menés, et quatre tables rondes organisées, avec un taux de participation très élevé, organisées par l’équipe du professeur Jacques Teller.

Pour les habitants, la crue et la décrue ont toutes deux été très rapides, avec deux pics de montée des eaux rapportés. Les riverains soulignent également la violence de cette crue, son caractère torrentiel.

Beaucoup des riverains considéraient qu’ils n’étaient pas dans une zone de risque d’inondation. "Il y a deux manières d’estimer les risques : soit via la carte d’aléas d’inondation, soit par expérience directe. On a vu beaucoup de citoyens parler de leurs expériences de crues précédentes. Beaucoup d’entre eux se basaient sur cette expérience directe." Dans sa conclusion, le professeur Jacques Teller identifie deux types de citoyen : "des citoyens experts, qui vont s’informer activement, via le site Infocrue, les données météorologiques, et suivre la situation en continu ; et des citoyens profanes."

Certains citoyens, surtout les non-experts, sont les moins actifs et sont surtout informés par les médias. Ils ont vécu une tension, une dissonance importante parce que "d’une part, il y avait des prévisions météorologiques alarmantes, et un retard dans les niveaux de précipitation, surtout en aval du bassin."

"Très rapidement, les habitants vont dire que l’information des pouvoirs locaux a été insuffisante, pour différentes raisons. Ils constatent que les pouvoirs publics ont perdu le monopole de la diffusion de l’information. La conséquence, c’est que ces personnes continuent à se connecter sur les réseaux sociaux qui sont des amplificateurs de rumeurs. Dans beaucoup de communes, il n’y a plus d’informations des pouvoirs locaux officiels."

Point de bascule

Le moment important pour les riverains touchés a été celui où ils ont compris que ce ne serait pas une crue comme les autres. "Ils se rendent compte que ce qu’ils avaient mis en place sera insuffisant". Ce point de bascule intervient avant qu’il n’y ait des messages des autorités communales.

Dans l’expérience de la crue, il s’agit d’une crise de l’information. "Les services d’urgence sont complètement saturés, les riverains n’arrivent pas à les contacter. Et quand ils y arrivent, l’opérateur en ligne a moins d’informations qu’eux. Ça crée une tension extrêmement forte. L’absence d’information officielle va encourager la prise de risque par les citoyens, surtout dans cette situation où il y a eu deux pics de crue."

Ce qui a été fortement mis en avant par les citoyens, ce sont deux chocs : le choc négatif de la crue et de la constatation des dégâts, mais aussi un choc positif, avec la grande solidarité, et le rôle des réseaux sociaux pour structurer ces soutiens.

Burn-out administratif et sentiment d’abandon

Après l’épisode de crue, la période de crise continue, avec le stress lié à la reconstruction. "Beaucoup d’habitants parlent de la difficulté de trouver des informations au niveau des soutiens financiers et de la couverture des assurances." Le rapport évoque un "burn-out administratif".

En conclusion de cette consultation citoyenne, "la commune reste l’interlocuteur de premier niveau, mais les citoyens rapportent les limites de l’action publique. Il y a eu un sentiment d’abandon partagé par beaucoup."

Le rapport des experts indépendants sur les inondations de juillet en Belgique

Le premier volet de cette étude d’experts indépendants concerne l’analyse de ce qu’il s’est passé lors des intempéries de la mi-juillet : quel a été le déroulé des événements, quelles décisions ont été prises, étaient-elles des bonnes décisions ? La gestion des voies hydrauliques et des barrages qui sont particulièrement décriés. Le ministre Henry a insisté pour que soient pris en compte les vécus et observations sur le terrain, par les riverains touchés par les inondations : des témoignages seront donc présents dans ce rapport. "Leurs témoignages comptent énormément, c’est essentiel de savoir comment ont été vécus ces événements".

Les auteurs et auteure principaux de ce premier volet du rapport sont Thomas Michaud du bureau Suisse Stuky, chef adjoint du département eau et environnement, Catherine Fallon, professeure responsable au centre de recherche interdisciplinaire SPIRAL, qui porte sur la gestion des risques et l’analyse et l’évaluation des politiques publiques et Jacques Teller, professeur d’urbanisme à l’ULiège, qui dirige le laboratoire LEMA (Local environment management and analysis).


Ce premier volet du rapport est disponible ici sur le site du ministre du Climat Philippe Henry


Le deuxième volet du rapport, attendu pour la mi-novembre, a demandé à des experts indépendants une analyse globale des services hydrauliques, de la manière de gérer ces infrastructures, et de formuler des recommandations pour le renforcement de la prévention et l’amélioration de la gestion des voies hydrauliques et des ouvrages comme les barrages. "Ce travail est encore en cours de réalisation" a annoncé le ministre.

La présentation complète du premier volet du rapport :

Inondations en Belgique : l'intervention complète des experts indépendants

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