Les deux principales confessions religieuses congolaises, les Églises catholique et protestante, ont réaffirmé leur défiance envers le président de la nouvelle Commission électorale, qui sera chargée d'organiser les élections prévues en principe à la fin 2023 en République démocratique du Congo (RDC).
Les dirigeants de cette Commission électorale nationale indépendante (Céni) ont prêté serment mardi dernier devant la Cour constitutionnelle à Kinshasa, au terme d'un bras de fer de plus d'un an entre les partisans de l'actuel président congolais, Antoine-Félix Tshisekedi Tshilombo, et ceux de son prédécesseur, Joseph Kabila Kabange.
Le nouveau président de la Céni, Denis Kadima Kazadi, qui dispose d'une expérience en matière électorale - il a participé à l'organisation d'un référendum et d'élections au Soudan et en Tunisie et dirigeait l'Institut électoral pour une Démocratie durable en Afrique (EISA) - n'a été proposé que par six des huit confessions religieuses congolaises. Selon la loi congolaise, c'est à ces huit confessions officiellement reconnues qu'il revient de désigner par consensus le président de cette institution.
L'Église catholique et l'ECC contre la nomiation de Kadima
L'Église catholique, dont se revendique 40% de la population, et l'Église du Christ au Congo (ECC), principale fédération protestante du pays, se sont opposées à cette nomination de M. Kadima, soupçonné de corruption.
Leurs principaux responsables ont réaffirmé ce refus la semaine dernière, à la fois à Kinshasa et à Bruxelles, où une délégation conjointe a effectué une "tournée de plaidoyer" après des autorités belges et européennes.
"Notre position est claire, notre avis est contre le choix de celui qui a été investi par l'Assemblée nationale et confirmé par le président de la République. Nous, l'église catholique et l'église protestante qui constituons 90% de la population de la République démocratique du Congo, nous avons dit au Président Félix Tshisekedi que ce n'était pas un bon choix", a indiqué samedi l'archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo, lors d'un court déplacement à Brazzville.
►►► À lire aussi : République démocratique du Congo: pas d'unanimité des confessions religieuses pour désigner le président de la Céni
"Notre refus (de M. Kadima) était justifié par le constat de la dépendance du candidat-président (de la Céni) au pouvoir en place", a pour sa part expliqué le porte-parole de la Conférence épiscopale (Cenco) de RDC, l'abbé Donatien Nshole, lors d'un entretien accordé à l'agence Belga.
"Sa candidature, portée par des politiques proches du pouvoir, a été accompagnée par des menaces, des intimidations et aussi des tentatives de corruption", a ajouté le porte-parole des évêques catholiques.
L'abbé Nshole a parlé d'un "passage en force, ce qui ne peut que nous inquiéter".
"Ce qui pourrait rassurer les gens, c'est une Céni dont l'indépendance serait garantie", a-t-il poursuivi. Il a rappelé ce qui s'était passé lors de la dernière élection présidentielle, le 30 décembre 2018, "quand on a proclamé (vainqueur) quelqu'un (M. Tshisekedi) qui était loin, loin, loin derrière le vrai gagnant".
L'Église catholique estime que Kadima n'a pas remporté l'élection
L'abbé Nshole n'a pas cité de nom, mais l'Eglise catholique - à qui il n'appartient pas de désigner le vainqueur - a toujours laissé entendre, en se fondant sur les données recueillies par les quelque 40.000 de ses observateurs déployés dans tout le pays, que le scrutin avait été remporté par l'opposant Martin Fayulu Madidi.
Le secrétaire général de l'ECC (protestante), le révérend Eric Nsenga Nshimba, a lui aussi fait état mercredi dernier de menaces, d'intimidations et de corruption "pour imposer le candidat Kadima". Elles provenaient, selon lui, en citant les six autres confessions religieuses, de "conseillers du chef de l'Etat, de directeurs de cabinet, parfois même du président de l'Assemblée nationale" (Christian Mboso N'Kodia Pwanga, qui fait partie de l'Union sacrée de la Nation - UNS), la majorité pro-Tshisekedi qui a renversé celle de l'ancien président Kabila.
Plusieurs forces politiques et de la société civile ont annoncé la tenue d'actions citoyennes afin de s'opposer à la mise en place des responsables de la Céni. Elles ont, dans un communiqué publié le 26 octobre, appelé les Congolais à se joindre le samedi 6 novembre à une "grande marche populaire afin de sauver notre souveraineté, constitutionnellement garantie".