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RDC : les groupes armés font la loi en Ituri

Dans le centre du territoire d’Irumu, la population est à compter, quelques dizaines seulement. Cette grande région située à près de 50 kilomètres de Bunia, la capitale provinciale de l’Ituri, devrait avoir des milliers d’habitants mais la plupart ont fui l’activisme des groupes armés.

Les rebelles de l’ADF (Forces démocratiques alliées), ont établi un régime de terreur dans la région du Nord-Kivu, une province voisine de l’Ituri depuis 2014. Ils sont d’origine ougandaise, composés généralement de musulmans, opposants au régime du président Ougandais Yoweri Museveni et sont installés dans l’Est de la RDC depuis la fin des années 90.

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Depuis quelques mois, ils ont établi des bastions à la limite entre les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où ils exécutent des civils sans défense. Dans la périphérie d’Irumu, ces rebelles ont forcé des civils à fuir, mais dans le centre, certains sont retournés quand les conditions de vie en déplacement se sont aussi dégradées. Ils ont fait le choix de mourir dans leur village.

Même le simple fait de m'asseoir ici devant ma maison, j’ai peur tout le temps. Je suis devenue cardiaque.

"Ils tiraient dans tous les sens, j’étais au champ et le premier réflexe que j’ai eu était de fuir tout simplement. Tout le monde était en débandade", se rappelle Sarah Solange.

Comme Solange, Estella Sezikana, âgée de 70 ans, est une retournée qui demeure terrorisée par l’évolution de la situation sécuritaire, bien que sa maison soit à proximité du bureau de l’administration du territoire.

"Il n’y a pas de sécurité. Même le simple fait de m'asseoir ici devant ma maison, j’ai peur tout le temps. Je suis devenue cardiaque. On entend tous les jours qu’il y a eu des attaques par-ci par-là, il n’y a aucune sécurité".

La paix, une denrée rare

Dans le territoire voisin de Mambasa, huit civils ont été tués et sept camions citernes incendiés le mardi 20 septembre, d’après des sources officielles citées par les médias locaux. Ce qui témoigne que la paix demeure une denrée rare dans l’Ituri.

S’ils nous attaquent encore, je ne fuirai pas, je les laisserai me tuer ici.

Un peu plus au nord du centre d’Irumu, l’hôpital de Nyankunde est le terminus de tous les rescapés des attaques rebelles. Un soir d’avril 2021, tout était calme quand le village a été pris d’assaut et la clinique assiégée par des rebelles, poussant des malades, même ceux qui étaient dans un état critique, à fuir.

Timothée assis dans son fauteuil roulant, à l'hôpital de Nyankunde.
Timothée assis dans son fauteuil roulant, à l'hôpital de Nyankunde. © Glody Murhabazi

Assis dans son fauteuil roulant, Timothée Nyamabaku était là quand l’attaque a eu lieu. Un épisode difficile à oublier : "Quand ils ont attaqué l’hôpital, on a fait deux mois en déplacement. J’ai fui beaucoup de guerres, qui m’ont causé des problèmes à la jambe gauche et maintenant j’ai des côtes cassées. S’ils nous attaquent encore, je ne fuirai pas, je les laisserai me tuer ici."

Déjà repris et sécurisé par les militaires congolais, l’hôpital présente encore des signes de destruction et la menace pèse toujours sur lui. "Nous avons besoin de plus d’agents de sécurité", plaide Fabien Kakani, anesthésiste à l’hôpital de Nyankunde.

"Il y a des milices dans les environs qui ont tendance à insécuriser cet hôpital. Ils veulent le détruire".

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Des tireurs de ficelles sèment le chaos

Cette rareté de la paix se justifie aussi par la présence des groupes armés interethniques. Les Lendu et les Hema, deux communautés en discorde qui ont constitué des mouvements d’autodéfense et se disputent des carrières minières dans lesquelles l’or coule à flot. Des mouvements comme Zaïre, CODECO et FPIC, servent de béquilles pour les ADF, d’après l’armée qui affirme que les opérations sont en cours.

"Les tireurs de ficelles continuent à semer le chaos en opposant les groupes. Mais nous venons de détecter toutes les manœuvres que nous continuons à déjouer car nous avons un ennemi commun, les ADF et leurs supplétifs", affirme le colonel Siro Nsimba, administrateur du territoire d’Irumu.

En une année, la société civile a recensé plus de 1.500 morts en Ituri et dans la province voisine du Nord-Kivu, alors que les deux sont sous état de siège depuis mai 2021. Un régime durant lequel les autorités civiles ont été remplacées par des militaires en vue d’en finir avec l’insécurité.

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