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Rébellion du M23 en RDC : des milliers de déplacés plongés dans le désespoir

Plus de 100.000 déplacés entassés dans des abris de fortune à Kanyaruchinya. 10 novembre 2022.

© – Glody Murhabazi

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Par Glody Murhabazi

Un camp improvisé, des abris de fortune construits par eux-mêmes sur des pierres volcaniques, des milliers de déplacés qui ont fui les combats entre l’armée congolaise et les rebelles du M23 (Mouvement du 23 mars) depuis fin octobre essaient de survivre tant bien que mal à Kanyaruchinya, un village situé dans le territoire de Nyiragongo, à environ 8 km au nord de Goma, la plus grande ville de l’est de la République démocratique du Congo.

Le village est au bord de l’explosion. En l’espace de trois semaines seulement, Kanyaruchinya a vu le nombre de sa population tripler, suite à l’afflux de déplacés qui a fui le front le plus proche à Rugari, 30 km de Goma, dans le territoire de Rutshuru, où les rebelles progressent de plus en plus.

Marie-Louise Kasiga, 67 ans, a construit sa maisonnette en bâche. Une pièce d’à peine deux mètres carrés dans laquelle elle habite avec ses sept enfants. "Regardez là où je dors avec mes sept enfants depuis trois semaines. Pas de matelas, pas de couverture et s’il pleut, on est tous mouillés", se lamente-t-elle lorsqu’elle fait visiter à la RTBF sa maisonnette le 10 novembre.

"J’étais au champ quand j’ai entendu des coups de feu et quelques minutes plus tard, les rebelles avaient déjà pris le village. On a tout abandonné pour fuir et c’était très compliqué avec les enfants. Ils ont été transportés comme des animaux, l’essentiel était de se sauver, se rappelle Marie-Louise, visage crispé. C’était le 20 octobre. Ce jour-là, ma vie a basculé, je pensais pouvoir vendre mes récoltes le lendemain".

Marie-Louise Kasiga, déplacée de la guerre du M23 assise dans sa hutte de Kanyaruchinya. 10 novembre 2022
Marie-Louise Kasiga, déplacée de la guerre du M23 assise dans sa hutte de Kanyaruchinya. 10 novembre 2022 © – Glody Murhabazi

"Peur d’être exterminé"

Les derniers chiffres de la communauté humanitaire estiment à plus de 100.000 le nombre de déplacés de guerre qui ont besoin d’assistance dans le village au nord de Goma.

On a décidé de fuir, c’était du sauve-qui-peut, par peur d’être exterminés

Les Nations-Unies affirment qu’au moins 180.000 personnes ont fui depuis le 20 octobre dernier, date à laquelle les hostilités ont été relancées entre l’armée et les M23 que Kinshasa accuse de bénéficier du soutien militaire du Rwanda, chose que Kigali réfute accusant à son tour la RDC de collaborer avec les rebelles hutus rwandais de FDLR qui ont trouvé refuge au Congo après le génocide rwandais en 1994.

Jean-Pierre Sebatunzi, 34 ans, rencontré lui aussi devant sa cabane à Kanyaruchinya, se dit traumatisé par les guerres sans fin qu’il a vécues depuis vingt-cinq ans. "Le M23 est venu attaquer la position de l’armée dans notre village sur le long de la route. On a décidé de fuir, c’était du sauve-qui-peut, par peur d’être exterminés, ils sont sans pitié ces gens."

Des déplacés puisent l’eau au nouveau robinet installé dans le site de Kanyaruchinya. 10 novembre 2022
Des déplacés puisent l’eau au nouveau robinet installé dans le site de Kanyaruchinya. 10 novembre 2022 © – Glody Murhabazi

Depuis le 20 octobre, le M23 a réussi à déloger l’armée gouvernementale de Rutshuru-centre et Kiwanja, deux grandes agglomérations sur la route nationale numéro 2 par laquelle la ville de Goma est desservie en vivres venant de l’Ouganda, notamment. Un ravitaillement qui a connu un premier gros choc en juin dernier, lorsque la rébellion s’est emparée de l’importante cité de Bunagana, à la frontière ougandaise, un peu plus à l’est de Rutshuru-centre.

Pour Kinshasa ainsi qu’un groupe d’experts des Nations-Unies, il n’y a aucun doute, Kigali soutient le M23, qui est une rébellion Tutsi. La RDC a même décidé d’expulser Vincent Karega, ambassadeur du Rwanda accrédité à Kinshasa. Une décision que Kigali a dit "regretter" dans un communiqué.

La semaine dernière, la RDC a lancé en début de semaine deux avions de chasse Sukhoi S-25 et deux hélicoptères. Mais le lundi, un Sukhoi a violé l’espace aérien rwandais. Kigali a protesté contre cette "provocation" qu’il a signifié aux autorités congolaises. Kinshasa a reconnu cet incident avant de lancer mardi, des bombardements des positions du M23 sur plusieurs collines dans le Rutshuru. Aujourd’hui, la rébellion du M23 continue de s’installer dans l’est de la RDC.

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