Climat

Réchauffement climatique : les forêts animales marines à peine découvertes, déjà en danger

Réchauffement climatique : les forêts animales marines à peine découvertes, déjà en danger.

© Khaled DESOUKI

Et si aux portes des abysses renaissait la lumière : de l’Arctique aux Caraïbes, une équipe d’explorateurs scientifiques part à la découverte des "forêts animales marines" encore méconnues mais déjà menacées alors qu’elles pourraient être essentielles contre le réchauffement climatique.

Cette zone dite mésophotique, où la lumière décroît progressivement, recouvre une mosaïque de paysages composée de roches, de forêts végétales (algue, kelp…) mais aussi animales (coraux, éponges, gorgones…). Tout un habitat riche en espèces encore largement insoupçonnées.

"DeepLife" explore les zones de moyenne profondeur

Emmanuelle et Ghislain Bardout avant leur 3e expédition scientifique "Under the Pole" le 18 mai 2017 à Concarneau, dans le Finistère.
Emmanuelle et Ghislain Bardout avant leur 3e expédition scientifique "Under the Pole" le 18 mai 2017 à Concarneau, dans le Finistère. © FRED TANNEAU

"A bien des égards, le milieu marin reste aussi énigmatique que l’espace", soulignent Emmanuelle et Ghislain Bardout, fondateurs d’Under the Pole, qui depuis 15 ans étudie les mondes engloutis marins au travers d’expéditions de plongée en collaboration avec des scientifiques.

Les profondeurs, le couple en rêvait depuis l’enfance, même si rien ne les y destinait. Cet ingénieur et cette littéraire de formation, passionnés de plongée, se muent peu à peu en explorateurs. Avec l’idée de "donner du sens" à l’aventure pour "rendre visible l’invisible, mieux le partager et élargir les connaissances".

"DeepLife", c’est le nom de leur 4e mission, une série d’expéditions entamée en 2021 et qui durera jusqu’en 2030 dans le cadre du programme des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable. Son but : étudier la zone mésophotique des océans, comprise entre 30 et 200 mètres de profondeur.

"Terra incognita"

"C’est très largement une terra incognita car jusqu’à ces dernières années, elle était encore difficilement accessible en raison de contraintes techniques", soulignent les Bardout, qui veulent mettre leur expertise de plongeurs en eaux profondes : ils ont notamment inventé une capsule permettant de rester plusieurs jours en immersion au service de la recherche. "Mais son potentiel de découvertes est exceptionnel", assure Lorenzo Bramanti, chercheur au CNRS.

En effet, les océans recouvrent 71% de la Terre mais on en connaît aujourd’hui que 5 à 10%, dont quasiment rien sur la zone intermédiaire entre la surface et les grands fonds.

Les forêts sous-marines qui s’y trouvent, "c’est un peu comme les forêts à terre : à partir d’une certaine densité, elles créent un écosystème amenant d’autres espèces comme les crustacés ou les poissons dont va dépendre toute la vie autour, y compris à des profondeurs moins importantes".

"En cela, elles ont une fonction écologique majeure. "

"C’est pourquoi il est crucial de mieux les étudier pour mieux comprendre leur sensibilité à un environnement changeant", souligne Under the Pole.

Surpêche et pollution menacent ce sanctuaire de la biodiversité

Après deux premières expéditions, l’une au Svalbard (archipel à l’est du Groenland), l’autre aux Canaries en 2022, les chercheurs ont déjà ramené de précieuses découvertes : la preuve de la présence de ces forêts animales dans les zones polaires, grâce à la découverte d’une forêt d’hydroïdes (petits organismes en forme de fleurs) entre 40 et 76 mètres de profondeur au Spitzberg, mais aussi "d’espèces jusqu’ici totalement inconnues, principalement des invertébrés et des mollusques".

D’autres comme les coraux, qu’on trouve habituellement près de la surface, où ils sont menacés, peuvent aussi s’y épanouir jusqu’à 172 mètres, ont-ils démontré. La bonne nouvelle, c’est que "la diversité des coraux dans la zone mésophotique est étonnamment plus élevée que dans les récifs de surface, très affectés par le réchauffement climatique, et ils y blanchissent moins".

"Cette zone pourrait donc agir comme un refuge pour la biodiversité, et constituer une vraie source d’espoir", estime M. Bramanti.

Mais jusqu’à quand ? Car, les conséquences du passage des chaluts et les déchets plastiques y sont aussi déjà visibles à certains endroits.

Les prochaines missions sont déjà programmées : une en mars dans les eaux tropicales de la Guadeloupe, avant une exploration en Méditerranée l’an prochain. Avec en parallèle une tournée dans les écoles : pour faire rêver mais aussi sensibiliser et inspirer.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous