Coronavirus

Recherche UCLouvain : un variant peut s’accrocher à nos cellules comme un velcro, au lieu d’un bouton-pression

Le variant Kappa (en rouge) se lie aux cellules (en bleu) en multipliant les petites liaisons sur une plus grande surface.

© David Alsteens UCLouvain

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Par Johanne Montay

Et si on pouvait visualiser la façon dont le SARS-CoV-2 s’accroche à nos cellules ? A quoi cela ressemblerait ? Inutile de mettre le conditionnel, car c’est possible, grâce à un équipement de pointe, comme un microscope à force atomique. C’est ainsi qu’une équipe de l’UCLouvain a pu visualiser et mesurer la manière dont les variants du coronavirus adoptent une nouvelle stratégie pour se lier de manière plus efficace aux cellules qu’ils souhaitent envahir. David Alsteens, chercheur FNRS et investigateur WELBIO au Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology de l’UCLouvain, a étudié la stratégie du variant dit "Kappa". Ce dernier est l’un des trois sous-lignages du variant Delta, lui-même découvert en Inde à l’automne 2020.

Un microscope à force atomique

Pour observer ces liaisons dangereuses entre la protéine Spike mutée du coronavirus et nos récepteurs, l’équipe a utilisé un microscope spécifique : "C’est un microscope qui est appelé microscope à force atomique et qui permet de manipuler les molécules individuelles", explique le professeur David Alsteens, qui a coordonné cette recherche. "On prend vraiment chaque molécule individualisée et on va voir très finement ce qui se passe entre ces molécules. Et donc, on a travaillé à la fois avec la protéine du virus, du SARS-CoV-2 et les récepteurs qu’on a sur nos cellules humaines et on est venus mesurer cette force, voir quelles étaient vraiment les interactions, comment elles se liaient les unes aux autres."

Comme un velcro qui se "scratche"

Ce qu’a découvert et visualisé l’équipe, c’est que ce variant Kappa multiplie les petites liaisons avec nos récepteurs (ACE2, la porte d’entrée principale du coronavirus dans nos cellules), mais sur une plus grande surface. Un peu comme si, au lieu d’utiliser un "bouton de pression", un tel variant optait pour un système de velcro, de scratch, où chaque petite liaison est moins forte mais où toutes ensemble, ces liaisons engendrent une interaction très stable avec nos cellules. "On a vu", poursuit le professeur Alsteens, "au travers de l’évolution de tous ces variants, que certains points de mutations, certains changements dans la séquence de ces molécules, faisaient qu’ils vont venir s’accrocher de manière différente, c’est comme si on enlevait certains scratchs, et qu’on rajoutait des petites piques à certains endroits pour renforcer l’effet du scratch. Et donc, certains variants vont jouer pour augmenter très localement l’interaction au sein de ces scratchs et avoir finalement des crochets super puissants, et pour d’autres variants, un peu comme le variant Kappa ou le variant Delta, on a l’impression que tous ces scratchs sont répartis de manière plus homogène à travers cette interface et sont répartis de manière un peu plus équilibrée, ce qui va faire des différences, quand on va essayer de rompre ou de détacher ces scratchs".

A contrario, poursuit le chercheur, "dans la souche d’origine (Wuhan), on était localisé à un endroit précis dans cette interface, un peu comme un bouton-poussoir ; mais dans le kappa ou le delta, on voit vraiment un scratch bien réparti. Ça fait vraiment des différences pour rompre ces liaisons".

Et Omicron ? Et après ?

Les chercheurs n’ont pas encore pu étudier le variant Omicron, découvert en Afrique du Sud fin novembre. Trop tôt pour avoir pu le passer sous le super microscope. A mettre dans la "to do list", donc.

Mais cette étude de l’UCLouvain renforce l’acuité de cette question : connaissant le mode d’attache particulier de certains variants à nos cellules, est-il temps d’adapter les vaccins aux nouveaux variants ? On le sait, pour le variant récent Omicron, la réponse n’est pas encore connue. "On ne sait notamment pas encore si les acides aminés modifiés dans Omicron vont réduire l’efficacité des vaccins ou de l’immunité acquise suite à l’infection par un variant précédent", explique Sophie Lucas, immunologiste et présidente de l’Institut de Duve de l’UCLouvain. Mais pour le variant delta, Sophie Lucas estime que ce n’est pas encore urgent. "La réduction d’efficacité du vaccin à cause de quelques acides aminés mutés dans la protéine spike est réelle mais minime, notamment parce que la grande majorité des anticorps peuvent encore se lier ailleurs sur cette protéine spike du variant delta", explique l’immunologiste. Elle souligne cependant l’intérêt de cette troisième dose, car les taux d’anticorps produits suite à la vaccination initiale diminuent au fil du temps. Cette dose supplémentaire va rebooster la qualité et la durée de l’immunité induite par les deux premières doses.

Dans le futur, l’immunologiste estime que "l’idéal serait évidemment de pouvoir mettre au point un vaccin permettant d’éduquer notre système immunitaire contre une partie stable et commune à tous les variants du SARS-CoV-2". Ce serait l’histoire d’un vaccin universel. On n’y est pas encore.

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