Les partis francophones se préparent-ils pour une prochaine réforme de l’État ? La Libre révèle que les responsables des partis francophones bruxellois se sont vus récemment pour en parler.
Se préparer
La Libre révèle que c’est à l’initiative d’Ahmed Laaouej, président de la fédération du PS bruxellois, que se sont réunis les responsables bruxellois du MR, d’ECOLO, des Engagés et de Défi. Et donc pas le PTB. Au menu une stratégie des francophones bruxellois, mais sans le PTB, en vue des prochaines élections et d’une possible réforme de l’État qui concerne Bruxelles.
Puisque le bloc nationaliste flamand est très puissant, il est assez logique de s’y préparer. Mais cette réunion de Bruxellois est rare. Elle souligne aussi que si elle à lieu au niveau régional, elle n’a pas lieu au niveau francophone. Les présidents de partis francophones ne se réunissent plus publiquement sur ces sujets depuis 2013 et les accords de la Sainte-Émilie sur l’accueil des nouvelles compétences de la 6e réforme de l’État.
D’autant plus que les francophones risquent d’avoir des petites demandes. Leurs finances se dégradent avec la régularité d’une horloge atomique. Tout le banc nationaliste flamand, gavé de Doctrine Maddens, du nom de ce professeur de la KUL qui l’a formulée, attend que les francophones viennent mendier l’argent flamand pour exiger des transferts de compétences.
Tabou
Si ce type de rencontre entre Bruxellois est rarissime c’est parce qu’on peut parler d’une forme de tabou. Les dernières rencontres officielles qui ont réuni tous les grands partis francophones sur ces sujets datent de la scission de l’arrondissement de Bruxelles Hal Vilvoorde et de la sixième réforme de l’Etat. Ces rencontres où s’est forgée au milieu de la décennie 2000 la doctrine du "demandeur de rien" opposée à un "front flamand" quasiment unanime constitué en 1999 avec les résolutions du Parlement flamand.
Cette doctrine s’est pourtant fracassée sur le mur de la réalité politique. Les discussions et les négociations ont bloqué le pays durant 541 jours entre 2010 et 2011. Les exigences de la N-VA, du CD&V relayées, avec des nuances, par l’Open VLD et même le Sp.a ont forcé la main des représentants du sud du pays. Cette sixième réforme de l’État a suscité une forme de traumatisme dans les partis francophones.
Car, elle a eu lieu durant les années qui ont suivi la crise financière de 2008 suscitant un sentiment d’abandon, de rendez-vous manqué entre le politique et les citoyens. C’est à ce moment-là que le PTB, par exemple, commence sa progression électorale avec sa campagne des "Nez rouges", où il se moque du cirque politique et se profile en parti unitariste assumé. Les partis francophones, qui ont négocié au nom de la survie de la Belgique et contre leurs convictions premières, en gardent une profonde amertume. Oui on peut parler d’un traumatisme. Depuis lors, la réforme de l’État est presque devenue un gros mot.
Le mur de la réalité
C’est ce qui explique l’attitude florentine d’un Paul Magnette. Il négocie durant l’été 2020 avec la N-VA, il accepte alors discrètement de régionaliser des compétences et prône une Belgique à 4 régions. Il le renie largement aujourd’hui et s’oppose désormais à une septième réforme et même à une réforme de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Alors se dirige-t-on vers un nouveau mur de la réalité, comme les francophones l’ont connu en 2011 ? D’un côté, l’incurie financière francophone pousse à le croire. Mais de l’autre, il faut observer qu’il n’y a pas de momentum flamand.
Le front qui avait été formé en 1999 autour des résolutions du Parlement flamand et qui a conduit à la sixième réforme n’existe plus. L’Open VLD, Vooruit, le PVDA, Groen ne sont pas dans un agenda de régionalisation. Le CD&V de Sammy Mahdi est moins en pointe que celui de Leterme. Reste le très puissant bloc nationaliste, N-VA et le Vlaams Belang. Mais ce n’est pas un bloc. Le Vlaams Belang est hors jeu, Bart De Wever se refuse toujours à s’unir avec les extrémistes. La N-VA se retrouve donc avec très peu d’alliés sur le confédéralisme.
Pas besoin d’un front francophone donc, se disent les présidents de parti. Ça tombe bien, au niveau humain les tensions autour de Georges-Louis Bouchez et l’arrivée du PTB font souffler un froid polaire sur leurs relations. Au niveau du fond, les oppositions de vues entre régionalistes, communautaristes, fédéralistes et unitaristes sont plus fortes que jamais. Au niveau bruxellois et sans le PTB, on avance donc en cavalier seul.
Préparer l’avenir
Pas de front flamand, des dissensions apparemment insurmontables côté francophone, le traumatisme de la 6e réforme de l’État ; voilà pourquoi les francophones ne préparent pas publiquement une réforme de l’État au niveau des présidents. Peut-être que des rencontres secrètes existent, aucun parti ne l’infirme ou le confirme.
Pourtant, les francophones devront tôt ou tard se confronter aux faiblesses de leurs institutions. Les finances de la fédération exigeront bientôt une intervention concertée des Régions. Un possible blocage au niveau Fédéral en 2024 exigera peut-être une entente entre les principaux présidents. On risque de se réveiller très tard. Trop tard ?