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Réforme des retraites en France : les syndicats jouent leurs dernières cartes pour arrêter le gouvernement

Images d’illustration sur la grève en France ce 7 mars

© AFP

Manifestations "historiques", grèves reconductibles, mais aussi ronds-points occupés ou spectacles annulés : les syndicats vont essayer de mettre la France "à l’arrêt" mardi, jouant leur va-tout face au gouvernement, à quelques jours d’une probable adoption de la réforme au Sénat.

Une France à l’arrêt, "c’est évidemment mauvais pour nos concitoyens", et "les premiers pénalisés, quand on a des grèves, ce sont les Français les plus modestes", a critiqué lundi soir la Première ministre Elisabeth Borne, défendant sur France 5 une réforme qui assurera la pérennité d'"un des piliers de notre modèle social".

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a prédit lundi une "journée de mobilisation extrêmement puissante" et appelé le président de la République à ne pas "rester sourd". "On peut faire plus fort que le 31 janvier qui était déjà la plus grosse journée de mobilisation depuis le début des années 1990", a-t-il affirmé.

Les syndicats avaient alors rassemblé 1,27 million de manifestants, selon les autorités, plus de 2,5 millions selon les syndicats. Les renseignements prévoient selon une source policière entre 1,1 et 1,4 million de participants mardi, dont 60 à 90.000 à Paris. La CGT prévoit au total 265 rassemblements.

[…] les premiers pénalisés, quand on a des grèves, ce sont les Français les plus modestes

La manifestation parisienne s’ébranlera à 14h00 de Sèvres-Babylone, en direction de la place d’Italie.

Solidaires espère un "tsunami social" qui amène le gouvernement à reculer sur la mesure emblématique de la réforme, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Sondage après sondage, les Français restent très majoritairement opposés à cette mesure, même s’ils pensent qu’elle sera mise en œuvre in fine.

 

Lyon, le 31 janvier
Lyon, le 31 janvier © Tous droits réservés

"Semaine noire"

Cette sixième journée depuis le lancement de la contestation marquera le lancement ou la poursuite de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs, des transports aux raffineries en passant par l’énergie, le commerce ou les déchets.

La SNCF et la RATP prévoient un trafic très perturbé mardi mais aussi mercredi. Dans les airs, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies de réduire de 20 à 30% leurs programmes de vols le mardi et le mercredi.

Les routiers ont rejoint le mouvement, certains syndicats comme Force Ouvrière-UNCP appelant à se mobiliser dès dimanche soir.

On peut faire plus fort que le 31 janvier qui était déjà la plus grosse journée de mobilisation depuis le début des années 1990

Dans l’éducation, le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, prévoit "plus de 60%" d’enseignants grévistes dans le premier degré et "plusieurs milliers d’écoles" fermées mardi. Une vingtaine de blocages sont prévus dans les universités, selon Eléonore Schmitt, porte-parole de L’Alternative.

Le secrétaire général de la CGT Energie, Sébastien Ménesplier, a prévu une "semaine noire" dans le secteur, avec des baisses de production principalement dans le nucléaire.

Trois des quatre terminaux méthaniers qui permettent d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) en France, ont été mis à l’arrêt pour "sept jours", a indiqué lundi soir la CGT Elengy. Les syndicats s’attendent en outre à des initiatives plus inhabituelles : rideaux de magasins fermés, péages ouverts, ronds-points occupés – ces derniers modes d’action rappelant ceux des Gilets jaunes en 2018-2019 -, ou spectacles annulés, comme à Lille au Théâtre du Nord.

Plusieurs manifestants ont commencé à bloquer dans la nuit de lundi à mardi un important axe routier de Rennes (Ille-et-Vilaine), la route nationale 24, a constaté un vidéaste de l’AFP. Une cinquantaine de CRS sont présents sur les lieux, ainsi que des pompiers, et de nombreux foyers d’incendie sont visibles dans la zone.

La semaine sera émaillée d’autres mobilisations, en parallèle des débats au Sénat, qui s’achèveront quoi qu’il arrive vendredi : "grèves féministes" le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, avec "166 points de mobilisation enregistrés contre 60-70 les autres années", selon Solidaires ; mobilisation de la jeunesse jeudi ; grève nationale pour le climat vendredi, une problématique que certains syndicats lient à celle des retraites.

Manifestation à Lille le 31 janvier
Manifestation à Lille le 31 janvier © Tous droits réservés

"Validation démocratique"

"Demain ça va être réussi, ça va être salé", prévoit une source au sein de Renaissance. Une source gouvernementale dit s’attendre "à une mobilisation similaire à la première journée d’action", celle du 19 janvier, qui avait réuni 1,12 million de personnes selon l’Intérieur.

Le gouvernement compte sur l’adoption au Sénat de la réforme d’ici dimanche, et envisage "un vote le 16 février" dans les deux chambres. "Si la réforme est adoptée, il est peu probable que la mobilisation se maintienne à ce niveau", dit cette source, qui escompte un désengagement des syndicats réformistes.

Interrogé lundi soir sur RTL, Laurent Escure (Unsa) a prévenu que la mobilisation ne s’achèverait pas nécessairement avec le vote du projet de loi. "Une loi adoptée, elle peut être abrogée", a-t-il pointé.

Si la réforme est adoptée, il est peu probable que la mobilisation se maintienne à ce niveau

L’intersyndicale se retrouvera mardi soir au siège de Force ouvrière, occasion d’annoncer un "autre temps fort", selon Laurent Escure.

"Je pense que c’est important, le Parlement, et que quand les lois sont votées c’est une validation démocratique importante", a répondu Elisabeth Borne.

Les raffineries bloquées

Les expéditions de carburants sont bloquées à la sortie de "toutes les raffineries" de France mardi matin, afin de protester contre le projet de réforme des retraites du gouvernement, a affirmé à l'AFP la CGT-Chimie.

Interrogée par l'AFP, la direction de TotalEnergies a confirmé que les expéditions de carburant sont bloquées à la sortie de toutes ses raffineries. Selon Eric Sellini, élu national de la CGT-Chimie, les raffineries de TotalEnergies, Esso-ExxonMobil et Petroineos sont affectées par ce mouvement social. "La grève est partie partout, (...) avec des proportions de grévistes très variables en fonction des sites, mais avec des expéditions bloquées en sortie de toutes les raffineries ce matin", a déclaré Eric Sellini.  "Il n'y a plus d'expéditions de produits à partir des raffineries françaises", a-t-il insisté, évoquant des remontées de terrain. La direction de TotalEnergies avait indiqué lundi qu'il n'y avait à ce stade "pas de manque de carburants" dans ses stations, ajoutant que "les stocks en dépôts et en station-service sont à un niveau élevé".

Elle assurait aussi que ses équipes étaient mobilisées pour faire face à une demande qui pourrait être plus soutenue que d'habitude, disposant de moyens logistiques supplémentaires le cas échéant. Outre les dépôts qui se trouvent dans les raffineries, la France dispose de 200 dépôts qui permettent de ravitailler les réseaux de l'ensemble des enseignes de distribution de carburants, selon l'Ufip, porte-parole des pétroliers. Concernant TotalEnergies, la raffinerie de Normandie, la plus grande de France, comptait 75% de grévistes parmi les opérateurs du matin, la bio-raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) 90% tandis que celle de Donges (Loire-atlantique) a voté la grève pour une semaine, toujours selon Eric Sellini.

Les stocks en dépôts et en station-service sont à un niveau élevé

La raffinerie d'Esso-ExxonMobil de Gravenchon (Seine-Maritime) ne comptait que 40% de grévistes mais suffisamment pour bloquer les expéditions de carburants, a-t-il ajouté. Au dépôt de TotalEnergies de Madryck, près de Dunkerque, "100% du personnel posté est en grève", a affirmé pour sa part FO, les expéditions étant "totalement bloquées". La grève devrait se poursuivre "jusque demain midi logiquement", a-t-il ajouté.

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