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Réforme des retraites en France : retour sur toutes ces fois où les grèves ont mis la pression sur le gouvernement

© rtbf

"La retraite à 64 ans n’est plus négociable", c’est ce qui a été affirmé par la Première ministre française Élisabeth Borne au micro de France info ce 29 janvier 2022.

Pourtant, il est clair que le gouvernement a perdu la bataille de l’opinion alors que les sondages se suivent et se ressemblent, démontrant une forte opposition contre la réforme. Mais au-delà des enquêtes, le 19 janvier, le président Emmanuel Macron a dû également se heurter à un front syndical uni, qui a permis de mobiliser entre un et deux millions de personnes.

Fortes de cette démonstration de force, les organisations syndicales ont appelé à une nouvelle mobilisation nationale pour le mardi 31 janvier, mêlant grèves, blocages et défilés.

Est-ce que cette forte contestation sera suffisante ? Seul l’avenir le dira. Cependant, le passé compte de nombreux exemples de mobilisations et de grèves qui ont pesé dans les choix politiques français. Voici un récapitulatif historique de quelques grands événements de la lutte sociale en France.

Mai – juin 1936 : les Français goûtent aux congés payés

En mai 1936, le Front populaire, une coalition de partis de gauche réunissant la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), le Parti radical et le Parti communiste, gagne les élections avec l’obtention de 386 députés sur 608. Cette victoire électorale, qui intervient dans un contexte économique difficile, insuffle un vent d’espoir pour le monde ouvrier français.

Pour la première fois dans le pays, des grévistes occupent des usines. Ce sera le cas le 11 mai, quand 600 ouvriers et 250 employés des usines Breguet arrêtent le travail pour demander la réintégration de deux militants licenciés pour avoir fait grève le 1er mai. En quelques jours et après plusieurs tentatives de la police de déloger les grévistes, ces derniers obtiennent satisfaction.

Cette démonstration va inspirer les travailleurs de tout le pays et le mouvement va se propager dans toute la société. Des grèves éclatent un peu partout et mettent sous pression le patronat et le Front populaire récemment élu. Au final, plus de 2 millions de travailleurs y prendront part et paralyseront la France.

Le patronat, craignant les relents révolutionnaires pouvant être perçus chez certains grévistes, s’empresse de s’asseoir à la table des négociations sous l’égide du gouvernement. Cela aboutira aux accords de Matignon du 7 juin 1936, comportant des avancées sociales exceptionnelles comme les 40 heures, de fortes augmentations salariales, les congés payés… en échange de l’évacuation des locaux de travail par les grévistes.

Mai 1968 : un mouvement sans précédent

Quant à lui, le célèbre mouvement de Mai 1968 trouve son origine dans le monde étudiant et se caractérise par une révolte spontanée antiautoritaire et libertaire dirigée contre le capitalisme et l’impérialisme américain. De plus, la jeunesse conteste le pouvoir gaulliste en place, jugé trop conservateur.

Le 3 mai, des étudiants se réunissent à la Sorbonne et le recteur fait intervenir la police afin de les expulser. Le 10 mai, ces derniers occupent le Quartier latin et dressent des dizaines de barricades qui sont finalement prises d’assaut par 6255 policiers : c’est la "nuit des barricades". La répression menée par les forces de l’ordre met les feux aux poudres.

Le 12 mai, les syndicats ouvriers rejoignent les étudiants et appellent à la grève générale pour le lendemain. La manifestation qui se fera suite réunira des lycéens, des étudiants et des grévistes ouvriers et employés venus de toute la France. Mais au lieu de s’estomper, le mouvement continue de grandir et mute en la première grève générale sauvage, qui culminera à dix millions de participants.

Inquiet de l’ampleur de la grève, le gouvernement Pompidou négocie avec les représentants des syndicats de salariés et ceux des organisations patronales. À la clé, les accords de Grenelle sont signés et accordent une hausse du SMIG (SMIC) de 35%, une hausse des autres salaires de 10%, une réduction du temps de travail et la création des sections syndicales d’entreprise. Mais malgré ces avancées, les travailleurs refusent de signer ces accords qui seront tout de même mis en application plus tard.

Mai 68 : l'espoir sous les pavés

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1995 : contre la réforme des retraites

Alors que Jacques Chirac est élu président de la République, son Premier ministre, Alain Juppé, lance le 15 novembre un plan d’austérité qui portera son nom. Le "plan Juppé" a pour objectif de réduire le déficit de la Sécurité sociale et de réformer le régime des retraites, notamment pour la fonction publique.

Comme aujourd’hui, l’exécutif doit faire face à une grande hostilité d’une partie de l’opinion publique et dès le 24 novembre, les travailleurs des services publics, visés par la réforme des régimes spéciaux, se mettent en grève. La paralysie de ces services essentiels bloque le pays. Pourtant, les grévistes obtiennent tout de même le soutien de l’opinion, ce qui a limité la pression sur les manifestants.

Le mouvement culminera le 12 décembre 1995 avec deux millions de manifestants dans toute la France, du jamais vu depuis Mai 68. Le 15 décembre, le gouvernement cède et retire sa réforme sur les retraites. Par contre, Alain Juppé tiendra bon sur la réforme de la Sécurité sociale et elle sera votée au Parlement.

2019-2020 : (encore) contre la réforme des retraites

Emmanuel Macron n’est pas à son coup d’essai en matière de réforme des retraites. En 2019, le Premier ministre Edouard Philippe dévoile le projet de réforme du président, qui avait été annoncé lors de sa campagne de 2017. Alors que la réforme ne prévoit pas de toucher à l’âge de départ ni au montant des pensions, elle reste impopulaire car elle supprime les régimes spéciaux, instaure un système à points et intègre une décote si le départ à la retraite se fait avant 64 ans.

Rapidement, de nombreuses manifestations et des grèves mettent des bâtons dans les roues du gouvernement. Finalement, le coup de grâce sera porté par la crise sanitaire au printemps 2020 qui interrompt l’examen de la loi et par la même occasion, le mouvement d’opposition.

Réforme des retraites en France / Grève toujours...

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