Economie

Réforme fiscale pour les ménages : qu’est-ce que "le quotient conjugal", qui pourrait être modifié ?

Le marché matinal

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Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, planche actuellement sur une réforme fiscale dont il doit bientôt présenter les premiers éléments. On sait déjà que cette réforme devra être la plus neutre possible sur le plan budgétaire. Il devrait donc proposer la suppression de certains avantages fiscaux, comme le quotient conjugal.

Mais kesako, ce fameux "quotient conjugal" ? Rachel Crivellaro nous l’expliquait ce matin. En rappelant ce mécanisme : il s’agit d’octroyer fictivement au partenaire qui dispose d’un revenu professionnel très bas une partie des revenus professionnels de l’autre partenaire qui gagne beaucoup plus. Ces transferts fictifs entre conjoints sont plafonnés, mais le résultat de ce régime, ce sont des conjoints moins imposés.

Dans la besace du ministre des Finances pour les mesures envisagées dans son épure de réforme, il y a la suppression de ce régime fiscal dont peuvent bénéficier actuellement les couples mariés et les cohabitants légaux.

Tout d’abord, prenons le problème à la base. Pourquoi donc a-t-on mis ce système en place ? Edoardo Traversa, professeur de droit fiscal à l’UCL, explique : "Quand les femmes ont commencé à travailler de manière beaucoup plus régulière, les revenus étaient cumulés. Dès lors qu’il avait déjà un revenu, le second revenu s’ajoutait au premier et était beaucoup plus taxé vu qu’on était dans un système de taux progressif, et ça pouvait aller jusqu’à 70%. On a donc décumulé les revenus professionnels. Mais on s’est dit : ' Attention, on est dans une transition, il y a encore de très nombreux couples où la femme ne travaille pas ', et donc on a trouvé ce correctif".

On comprend donc tout l’intérêt du quotient conjugal, quand l’un des deux conjoints n’a pas de salaire ou un petit salaire. Mais est-ce toujours un système adapté en 2022 ? Pour certains fiscalistes, non, le système est un peu dépassé. Sabrina Scarna, avocate fiscaliste, souligne :

"À la base, ce quotient a été conçu pour pouvoir quand même alléger le coût dans le chef d’un ménage. Dans l’absolu, ce quotient conjugal n’a plus de sens aujourd’hui. En fait, on privilégie la situation des personnes mariées par rapport à d’autres situations de cohabitation, et c’est vrai qu’on a du mal à comprendre pourquoi un choix qui devrait être de la sphère privée peut avoir un impact sur notre situation fiscale. On peut comprendre le quotient dans l’absolu, mais on peut difficilement comprendre qu’il se limite aux personnes qui soient mariées".

Niche fiscale ?

En même temps, est-ce qu’il n’y a pas, en supprimant le quotient conjugal, la volonté de supprimer une sorte de niche fiscale ? C’est vrai que le régime du quotient conjugal coûte à l’État. Selon les données de l’administration fiscale, cela tournerait autour des 500 millions par an. Mais pour Edoardo Traversa, on ne peut pas pour autant qualifier le quotient conjugal de niches fiscales : "Ce que je vois comme niche fiscale, c’est une mesure qui favorise une certaine catégorie de contribuables pour des raisons qui sont peut-être légitimes, mais qui ne légitiment pas un avantage aussi important. Une niche fiscale typique, ce sont les véhicules de sociétés. Ici, c’est un peu différent. C’est un outil qui a été mis en place pour prendre en compte une situation particulière, celui des couples à un seul revenu" nous dit-il.

Arnaud Zacharie sur la fiscalité belge

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La suppression de ce fameux quotient conjugal pourrait aussi contribuer à rendre cette réforme fiscale du ministre des Finances neutre budgétairement, souligne Rachel Crivellaro. Dans les cartons du ministre, il y a aussi des projets d’allégement de la fiscalité sur les revenus du travail, notamment ce fameux élargissement de la quotité exemptée d’impôt. Mais faut-il pour autant il faut jeter le bébé avec l’eau du bain ? Selon l’avocate fiscaliste Sabrina Scarna "si on veut aller vers la suppression de choses qui ont été mises en place pour faire face à des réalités, il faut mettre quelque chose d’autre à la place. Il faut donner une meilleure fiscalité aux personnes qui ont un bas salaire. Ça va par l’augmentation de la quotité exemptée beaucoup plus importante que celle qu’on prévoit. Ça va par une véritable progressivité de l’impôt, donc des tranches qui grandissent beaucoup moins vite et des taux qui soient beaucoup plus lents à augmenter. Et ça, ce n’est pas sur la table et c’est ça qu’il faut regretter".

 

Transformation plus que suppression

Précisons tout de même, sur la table du ministre, on ne peut pas vraiment parler d’une suppression pure et simple du quotient conjugal. On parlerait plutôt d’une transformation de ce régime qui, au fil du temps, est devenu plus avantageux pour les conjoints avec des hauts revenus. Edoardo Traversa le pense aussi : "ce qui est que sur la table, c’est plutôt une transformation qu’une suppression. L’idée est simplement de dire que le système du quotient conjugal tel qu’on le connaît maintenant est un peu une fiction qui n’a pas vraiment de raison d’être, parce que ce n’est pas un revenu qui a été gagné par l’autre conjoint. On constate des effets en termes d’inégalités parce que c’est finalement un avantage qui avantage plus les couples à hauts revenus. Pourquoi ne simplifie-t-on pas les choses en considérant les conjoints qui n’ont pas de revenu comme une personne à charge ?"

 

 

 

Le quotient conjugal est donc une des nombreuses variables d’un dessin beaucoup plus large, la réforme fiscale que veut implémenter la Vivaldi. Il va donc falloir attendre la partition générale pour voir en quoi et comment ce quotient conjugal sera transformé.

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