Retour aux sources

Réfugié : un mot entré dans le quotidien d’une humanité qui ne parvient pas à s’aimer.

5 mars 2022, à Varna, en Bulgarie, une réfugiée Ukrainienne avec son chat, Timofey

© 2022 Getty Images

Par Gérald Decoster via

Avec la diffusion du documentaire de Nanni Moretti, Santiago Italia, Élodie de Sélys soulève la question des réfugiés, dans ce cas précis, ceux nés du coup d’État militaire du général Pinochet. En 1973, au Chili, nombre de personnes, toutes nationalités confondues, se sont réfugiées à l’ambassade d’Italie à Santiago, elles seront sauvées par quelques diplomates.


 

Que les causes en soient des conflits armés – mondiaux, internationaux, civils ou régionaux – ou encore des questions de religions, de problèmes économiques et désormais, de changements climatiques, le problème des réfugiés, provisoires ou permanents, se pose depuis des siècles. Certains considèrent que l’hégire, signifiant "émigration" ou "exil" constitue l’un des premiers mouvements humains connus dans l’histoire.

À Médine, la mosquée du Prophète où est inhumé Mohammed

L’hégire date de l’an 622. Mohammed et ses compagnons, prônant un nouveau modèle de communauté basée sur la croyance, furent très mal accueillis par les puissants clans de La Mecque qu’ils devront quitter. Après un assez long périple, ils s’installeront à Médine où, dix ans plus tard, le prophète sera inhumé. Médine est aujourd’hui la deuxième ville sainte de l’islam.

Les réfugiés et leur protection.

De nos jours, le nombre de réfugiés par le monde est estimé à plus de 25 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ayant dû quitter leur pays, un chiffre qui augmente sensiblement depuis quelques jours… La notion de réfugié ne s’est véritablement construite qu’à partir de l’instant où la question fut considérée comme un problème auquel la communauté internationale se devait de trouver des solutions.

6 mars 2022, une colonne de réfugiés Ukrainiens au poste frontière de Sehyni.
6 mars 2022, une colonne de réfugiés Ukrainiens au poste frontière de Sehyni. © GettyImages

C’est à partir des années 1920 que la Société des Nations (SDN) entamera progressivement la construction juridique du statut de réfugié, poussée par l’immigration russe et, un peu plus tard, celle des Arméniens.

Dès 1946, l’Organisation des Nations Unies (ONU), fraîchement fondée, va s’intéresser aux millions de personnes déplacées en Europe suite à la Seconde Guerre mondiale, de là, sera créée l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR), hélas sans grands résultats… Trois ans plus tard, l’ONU installe le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) qui préparera notamment la Convention de Genève, signée le 28 juillet 1951 et intitulée "Convention relative au statut des réfugiés", complétée par le "Protocole relatif au statut des réfugiés", du 31 janvier 1967, toujours d’actualité.

Janvier 2022, deux petits réfugiés Syriens à Tripoli, en Lybie…
Des réfugiés maliens épuisés arrivent à Fassala, en Mauritanie, juillet 2012
Un moine tibétain réfugié à Dharamsala, août 2000

Le réfugié est un individu qui doit quitter son pays, craignant pour sa vie du fait de son appartenance communautaire, de sa nationalité, de sa religion, de son appartenance à un groupe social ou à cause de ses opinions politiques.

Si un certain nombre de réfugiés, particulièrement ceux engendrés par les faits de guerre, peuvent espérer rentrer chez eux, d’autres savent qu’ils n’ont aucune chance de retrouver leur patrie. Ils se muent alors en demandeurs d’asile… Aujourd’hui, on en estime le nombre à plus de 600.000…

Conflits armés et flux de réfugiés…

Au moment où plus de 2 millions d’Ukrainiens ont déjà quitté leur pays devant les bombardements engendrés par "l’opération militaire spéciale", nouveau nom donné à la guerre par Vladimir Poutine, revenons sur quelques-uns des événements qui, depuis 1914 ont écrit l’histoire des réfugiés, dans une acception très large du terme.

En 1914, des réfugiés belges arrivent à Paris.
En 1914, des réfugiés belges arrivent à Paris. © Library of Congress – WikiCommons

Dès août 1914, la Grande guerre entraînera la fuite vers la France, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne d’environ un million et demi de Belges, soit un habitant sur cinq. Le chiffre sera ramené à 500.000 à la fin du conflit. Rapidement, les habitants du nord et de l’est de la France emprunteront aussi les routes de l’exil. En 1915, leur nombre est estimé à un peu plus de 500.000 pour atteindre 1.850.000 en septembre 1918. On estime à environ 12 millions, les personnes qui durant la Première Guerre, ont été déplacées…

Ces chiffres pourraient sembler relativement insignifiants quand on sait qu’au début de l’été 1940, ce sera plus d’une dizaine de millions de Français et de Belges qui se précipiteront sur les chemins du sud et de l’ouest de la France ! À travers la planète, la Seconde Guerre mondiale générera le déplacement de 60 millions de personnes…

En France, des réfugiés Espagnols fuyant la guerre civile, en février 1939.

La guerre civile espagnole qui, de 1936 à 1939 opposera les républicains aux nationalistes de Franco, entraînera le départ d’environ 600.000 personnes sur une population d’environ 25 millions d’habitants, et cela uniquement pour ceux qui choisiront la France comme terre d’accueil…

Ces trois conflits sont gravés dans l’Histoire et dans la mémoire collective… Mais d’autres sont en cours et un tout neuf s’écrit en direct à moins de 2000 km de Bruxelles… Combien d’Ukrainiens quitteront finalement leur pays ? Et surtout, combien rentreront-ils chez eux ?

Depuis longtemps, on nous le serine, "la der des ders", "plus jamais ça"… Mais quelle est la teneur de ce "ça" ? Tragiquement une longue litanie qui évoque autant de misères ayant entraîné des flux de réfugiés, des mots qui résonnent au fond de chacun d’entre nous : Afghanistan, Angola, Arménie, Birmanie, Boko Haram, Bosnie-Herzégovine, Casamance, Chine, Chypre, Colombie, Congo, Corée, Cuba, Darfour, Érythrée, Géorgie, Guerre froide, Haut-Karabagh, Inde, Indochine, Irak, Iran, Israël, Kivu, Kosovo, Koweït, Laos, Liban, Mali, Nigéria, Ossétie du Nord, Pakistan, Palestine, Rwanda, Sahara occidental, Sahel, Shaba, Serbie, Slovénie, Somalie, Soudan, Sri Lanka, Suriname, Syrie, Talibans, Tchétchénie, Tibet, Tigré, Vietnam…

Bethléem, avril 2014. La Paix pour cible…
Une femme serbe de Bosnie dans un camp de réfugiés à Omarska, Bosnie-Herzégovine, en 1995
En 2011, une pièce estampée d’une colombe de la paix, dans les décombres le Minamisanriku, au Japon, par suite du séisme et au tsunami

Une liste inachevée parce qu’interminable tout autant qu’éternelle… Des mots qui pointent autant de souffrances inutiles d’une Humanité semblant inexorablement vouée à se faire la guerre… ou alors, ne serait-ce le fait que de quelques hommes avides de puissance ? Mais l’espoir demeure, "Quand les hommes vivront d’amour"… Un message à l’Humanité, digne d’être un hymne mondial…

 

 

À voir dans "Retour aux sources", le 12 mars à 21 heures sur La Trois TV, Santiago Italia, un documentaire de Nanni Moretti, suivi de Gandhi, de l’homme à l’icône, de Mathilde Damoisel.

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