Après l’affaire Dutroux, il est apparu nécessaire aux autorités de mieux accompagner les victimes.
Elles ont donc créé le SAPV, le service d’assistance aux victimes. Il en existe un par zone de police qui assure l’accueil et l’audition en première ligne de toute personne qui se dit victime de violence.
Et parmi elles, une majorité de femmes qui ont subi des violences sexuelles ou intra conjugales. Ce service comporte des criminologues, des policiers(e) s formés spécialement à ce type d’accueil mais aussi des assistants(e) s qui recueillent les témoignages.
Ils écoutent et actent les faits mais n’assurent pas l’accompagnement, ni le suivi.
Ce sont d’autres structures qui prennent éventuellement le relais.
Une aide directe et concrète
Gilda Storms est assistante au service des victimes de la zone Bruxelles-Ixelles. Elle nous explique sa journée type :
"Quand elles ont besoin de s’exprimer, les victimes s’adressent à nous en sachant que tout ce qui se dit est sous le secret professionnel. La plupart des victimes sont des femmes.
Chaque matin, on analyse les procès-verbaux de la veille afin de voir ce que les personnes qui sont venues au commissariat ont vécu et si cela a un rapport avec du harcèlement, des violences sexuelles ou des violences intra familiale. Dans ces cas, on les contacte en leur proposant une aide.
En général, les victimes viennent nous voir après voir porté plainte mais certains nous appellent aussi avant, pour savoir par exemple quelles sont les conséquences si on porte plainte. C’est mieux de porter plainte sinon il n’y aura pas de suivi et ça ne va jamais s’arrêter.
La violence ça se passe souvent à la maison. Elle peut être commise aussi par des frères et sœurs ou la belle-mère. Cela peut être n’importe quelle personne habitant sous le même toit. Il y a toute sorte de violence et aussi beaucoup de harcèlements."
Un problème récurrent
Fabrice Marcuccetti lui est criminologue. Il travaille dans ce service depuis 2003 :
"Ça peut être de très jeunes femmes ou des femmes qui ont déjà toute une vie de violence conjugale derrière elles et qui trouvent aujourd’hui la force et le courage de parler.
Les violences faites aux femmes représentent 60% des cas que nous traitons ici. C’est un problème récurrent qui ne connaît ni réelle recul ni forte augmentation, si ce n’est par le fait qu'aujourd'hui, plus de femmes osent parler.
Nous les recevons avant l’audition, parfois pour leur permettre d’évacuer leurs émotions, pour les préparer voire les accompagner à cette audition. Et il arrive que cela n’aille pas jusqu’au dépôt de plainte.
C’est une des différences entre notre service et l’accueil au commissariat. Normalement, tout ce qui est dit dans notre service reste confidentiel. Mais si nous nous rendons compte que la personne est en danger, alors nous devons alerter nos collègues opérationnels mais c’est très rare.
Nous prenons en charge l’accueil et nous pouvons recevoir la même personne plusieurs fois mais nous n’assurons pas l’accompagnement sur le long terme. Nous les orientons vers d’autres structures spécialisées."
Un suivi des victimes mais pas à long terme
Si le SAPV ne va pas plus loin que l’accueil, le service EVA pour victimes de violences sexuelles et intrafamiliales assure un suivi.
Ikram Ouardani est inspectrice de police. Elle fait partie de ce service créé, il y a deux ans. Jusqu'à présent deux zones bruxelloises en sont dotées.
Son rôle : auditionner les victimes et faire ce qu’elle appelle de la psychoéducation.
"C’est parfois difficile de mettre des mots sur ce qu’on a vécu. Certaines personnes ont parfois du mal à reconnaître que ce qu’elle vive est illégal, que cela ne doit pas arriver.
On essaie de leur faire prendre conscience par elle-même de la gravité de leur situation. On va prendre tout le temps nécessaire pour l’écouter, aller à son rythme.
Nous sommes bien conscients qu’en parlant les victimes revivent des moments très pénibles et que cela un impact sur elles mais on est là pour les accompagner jusqu’à la prise en charge éventuelle par une autre structure d’aide.
Il y a une libération de la parole et depuis deux ans que nous existons, les associations d’aide aux victimes nous contactent directement."
Tout est acté
"Il faut savoir que tous les faits qui nous sont rapportés doivent être actés. La personne qui vient nous voir en est avertie. Nous ne cherchons pas à la faire parler à tout prix. Car porter plainte peut avoir des suites importantes. Il y aura enquête, et peut-être passage au tribunal.
Tout cela doit être clair dans l’esprit de la personne avant qu’elle ne dépose plainte mais cela ne doit pas non plus la dissuader de la faire car nous lui proposons aussi des solutions comme un accompagnement par des associations ou des mesures de protection policières.
On ne peut leur promettre qu’on va pouvoir les reloger tout de suite car les places sont très limitées mais il y aura un accompagnement psychologique et par exemple, une prise en charge par des pairs, souvent des femmes qui ont subi elles aussi des violences mais qui en sont sorties et qui se sont reconstruites."