L’information a évidemment fait son petit effet ! Dimanche dernier, à 15 heures 24 précisément, alors que Marion Rousse commentait Paris-Tours en direct sur France Télévisions avec Alexandre Pasteur et Laurent Jalabert, le service communication de la société ASO a envoyé à la presse mondiale le communiqué suivant : " Marion Rousse nommée directrice du Tour de France féminin ". La compagne du double champion du monde en titre Julian Alaphilippe (ils ont eu ensemble, en juin dernier, un petit Nino), elle-même championne de France en 2012, a répondu favorablement à la demande de Christian Prudhomme d’endosser ce nouveau rôle.
Depuis 2019, la Nordiste d’origine (elle est née près de Valenciennes le 17 août 1991 et a suivi un sport-études à… Charleroi) exerce déjà la fonction de directrice-adjointe du Tour (masculin) de la Provence. En prenant les rênes de l’épreuve la plus populaire de la planète, elle va jouer dans la cour des grand(e)s ! Ce jeudi, elle montera sur l’impressionnante scène du Palais des Congrès parisien pour dévoiler, en grande pompe, le parcours de ce premier Tour réservé aux filles, organisé du 24 au 31 juillet 2022.
Question à deux euros : sera-ce vraiment le… premier Tour de France de l’histoire pour les dames ? Eh bien non ! Après une expérience sans lendemain en 1955, la Grande Boucle s’est de nouveau déclinée au féminin entre 1984 et 1989, avec notamment trois succès de Jeannie Longo, la première vraie ambassadrice du vélo féminin. Et puis, nouvelle tentative entre 1992 et 1998 mais une fois de plus, le projet a capoté. Et ce n’est pas la " Grande Boucle féminine internationale " mise sur pied de 1999 à 2009 qui permettra aux championnes d’être enfin reconnues à leur juste valeur.
Mais ici, on a le sentiment d’entrer pour de bon dans une nouvelle ère. La société a évolué, l’égalité hommes-femmes n’est plus un sujet tabou et, contrairement aux coureurs des années 80, les cyclistes d’aujourd’hui sont bien moins machos et bien plus respectueux des filles qui se lancent dans le cyclisme.
Avec ASO, Marion Rousse a bien " étudié " le passé pour ne pas répéter les mêmes erreurs. En devenant directrice du Tour, elle veut encore et toujours œuvrer au développement et à la crédibilisation du sport qu’elle aime. Entretien.
Marion, qu’avez-vous ressenti quand ASO vous a contactée pour vous proposer ce poste de directrice du nouveau Tour de France féminin ?
" J’étais d’abord honorée, je pense que c’est le mot qui convient ! Quand Christian Prudhomme m’a appelée, je n’y croyais pas trop au début. Je me suis que c’était quand même un gros poids, une grosse responsabilité. L’équipe m’a alors expliqué le projet car je voulais savoir où ça en était vraiment et ce que ça allait donner. Les réponses m’ont tout de suite convaincue. Vous verrez, ce sera une grande réussite. Il y aura huit étapes. Le cyclisme féminin espérait un tel Tour depuis plusieurs années. C’est un cyclisme qui a évolué avec l’apparition de nombreuses nouvelles courses. Par exemple, le premier Paris-Roubaix fut un grand succès début octobre. Mais je pense qu’il manquait dans le calendrier une course par étapes de référence… la voici donc ! Nous avons désormais un joyau entre les mains. À nous de le faire briller comme il se doit ! "
Quand on évoque du Tour de France, cela reste la plus grande épreuve du monde, surtout aux yeux du grand public. Et donc, pour attirer les gens vers le vélo au féminin, la Grande Boucle est inévitable.
" Oui, c’est ça ! Qu’importe que l’on parle de garçons ou de filles, si tu interpelles quelqu’un dans la rue et que tu lui dis que tu es cycliste, directement la personne te demandera si tu as fait le Tour de France ! Et si tu réponds " non ", alors tu ne seras pas considéré comme un vrai cycliste… C’est ainsi dans les mœurs et les mentalités depuis toujours. Et donc cette Grande Boucle féminine va être incroyable, c’est une belle récompense pour toutes les filles. Personnellement, j’ai la double casquette car je commente les courses sur France Télévisions où je m’éclate. Le milieu s’est professionnalisé, c’est du haut niveau avec de belles bagarres. Aujourd’hui, les femmes n’ont plus rien à envier aux hommes. Et le fait que la course partira des Champs-Élysées le jour-même de l’arrivée finale de l’épreuve masculine, c’est un beau symbole ! Ça va lancer la course et permettre au vélo féminin d’entrer dans le cœur des spectateurs et des téléspectateurs. "
Difficile évidemment de faire tout le tour de la France en seulement huit jours. Mais j’imagine qu’il y en aura pour tout le monde avec des étapes de plaine, de montagne, des chronos…
" Je vous sens impatient de découvrir le parcours, vous en saurez plus très bientôt. Mais je peux vous dire que oui, nous avons voulu quelque chose de cohérent. Une course par étapes de huit jours, ce n’est pas une épreuve de trois semaines, c’est vrai. La carte sera inévitablement différente de celle des hommes mais sportivement parlant, oui il y en aura pour tous les profils. "
Vous n’étiez même pas née en 1989 quand Jeannie Longo a remporté son troisième et dernier Tour de France. Les mentalités ont tellement changé depuis lors…
" Les époques n’ont plus rien à voir ! Même si vous comparez avec la période encore récente où je roulais (NDLR : Marion Rousse a stoppé sa carrière sportive en 2015, à seulement 24 ans), tout a évolué. J’étais soi-disant professionnelle mais je devais aller travailler à côté… en me retrouvant dans le peloton avec des adversaires qui, elles, étaient vraiment payées. Il y avait alors de gros écarts de niveau, un phénomène qui n’existe presque plus de nos jours, même s’il y aura toujours des progrès à faire car nous ne sommes pas encore au sommet. Je suis super contente de voir le cyclisme féminin progresser d’année en année. Le vélo masculin fait sa part de boulot également puisque certaines équipes, comme Trek-Segafrefo, déclinent leurs structures au féminin (NDLR : info tombée ce mardi, UAE Team Emirates, l’équipe de Tadej Pogacar, lancera son groupe filles l’an prochain !). Cela intéresse de plus en plus les sponsors, ce qui est hyper important. En termes d’audiences, Paris-Roubaix a été un vrai succès. Il y a donc un réel intérêt qui dépasse le phénomène de mode " Oui c’est bien de faire du sport au féminin ". Ici, le cyclisme des filles est mis en avant car les coureuses le méritent. Télévisuellement et sportivement parlant, c’est un produit qui est dans le coup ! "
On relance donc ce Tour de France féminin avec huit étapes. Avez-vous l’objectif de progressivement construire une épreuve de trois semaines comme les hommes ? Le Tour d’Italie compte dix étapes, le Tour d’Espagne seulement quatre…
" Honnêtement, je ne sais pas si passer à trois semaines serait une super idée. On en a d’ailleurs parlé avec de nombreuses coureuses. Pourquoi pas, d’ici quelques années, augmenter le nombre de jours. Mais on va commencer avec huit étapes, en les organisant le mieux possible et en mettant les filles dans les meilleures conditions car elles seront traitées exactement comme les hommes ! Toutes les télévisions du monde seront là avec des directs quotidiens. La sécurité sera également identique au Tour masculin. On verra à l’avenir mais je ne pense pas qu’une épreuve de trois semaines serait très cohérente. "
Rendez-vous donc à Paris le dimanche 24 juillet ?
" Oui, je peux vous confirmer que la première étape partira de la capitale. "
Et rendez-vous à Paris aussi le dimanche 31 juillet pour l’arrivée finale ?
" Ah là, je n’en dis pas plus. Vous aurez la réponse lors de la présentation officielle ! "
Écoutez l’interview radio complète de Marion Rousse en cliquant sur le média ci-joint.