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Réouverture des clubs : "C’est quand même dommage de devoir en venir à faire des menaces pour y arriver"

© AFP

Ce week-end, les clubs retrouveront enfin leur public, après avoir dû fermer leurs portes pendant près de trois mois. Mais alors que la tête sera enfin à la fête tout ce week-end, cette reprise est l’occasion de soulever quelques frustrations d’un secteur que la pandémie n’a pas ménagé. On a fait le point avec Renaud Deru, patron du Jalousy à Bruxelles et DJ sous le pseudonyme Attari.

Bien inspiré par les actions de désobéissance civique du secteur culturel en décembre dernier, le monde de la nuit avait lancé un ultimatum au gouvernement le 9 février : le vendredi 18, les clubs allaient rouvrir leurs portes coûte que coûte. Entretemps, un nouveau codeco est venu légaliser cette réouverture. Une petite victoire pour un secteur qui voyait rouge depuis trop longtemps. "C’est quand même très dommage de devoir en venir à faire des menaces comme celles-là pour y arriver mais il semble que ça ait porté ses fruits", indique Renaud Deru. "Là, avec tout ce qu’on entendait aux nouvelles, avec ce variant qui ne semblait plus être aussi problématique que les précédents et avec l’exemple de la réouverture des théâtres et compagnie, on s’est rendu compte qu’il était temps de mettre nos couilles sur la table."

Une réouverture, mais pas à 100%

Forcément, le basculement en code orange sur le baromètre force les organisateurs de soirées à se plier à certaines restrictions : l’application du Covid Safe Ticket pour les événements réunissant plus de 50 personnes ou le port du masque pour le personnel, mais surtout une jauge limitant à 70% la capacité de la salle. Une mesure qui ne manque pas de faire sourire les patrons de boîtes de nuit. "Il y a un gouffre énorme entre la réalité du terrain et les règles qu’ils nous imposent. Une boîte de nuit, tu peux la remplir à 70% mais les gens ne vont de toute façon pas rester ensemble dans le même coin, ils sortent pour se rencontrer. Quand on nous donne des jauges, c’est vraiment le summum du ridicule, les gens danseront là où les gens sont, point."

On est producteurs d’émotions, de contact, d’amour… Tout ça est mis à mal par ce virus"

Une perte de la club culture ?

Tous ces arrêts successifs ont forcé certains habitués de la night life à changer leurs habitudes. Au point de ne pas retourner dans les clubs ? Pas nécessairement. C’est davantage la "club culture", ce concept impalpable propre à de nombreuses villes, dont Bruxelles, qui est en péril selon les tenanciers de clubs. "La club culture joue beaucoup pour une ville au niveau de sa vie nocturne. Elle est nourrie par des aficionados, des gens qui communiquent là-dessus, qui prennent des photos, qui se lookent spécifiquement. On en était très riches à Bruxelles, il y avait une vraie club culture avec une offre assez large niveau musical. Mais quand tu enlèves aux gens la possibilité de sortir, cette club culture disparaît. On ne parle plus de la bonne soirée qu’on a passée samedi dernier, on rencontre moins facilement des gens, c’est d’ailleurs pour cela que Tinder a explosé", regrette le patron du Jalousy. "Il va falloir la remettre en route, redonner aux gens l’envie d’y croire, d’acheter des tickets tout en sachant que les événements seront peut-être reportés."

Ajoutez à cela la dévalorisation de leur commerce, la précarisation du métier de DJ ou encore la reprise d’un rythme qui peut s’avérer compliqué au niveau physique et vous avez le cocktail parfait pour décourager tout un secteur. Et pourtant, les organisateurs de soirées tiennent bon. "On est crevés, il y a une forme de découragement chez certains… Mais pour faire de belles fêtes, il faut y croire profondément. On est tous un peu attaqués psychologiquement, un peu déprimés et extrêmement déçus de la manière dont les choses se sont passées. Mais je suis certain que vendredi, nos clubs seront remplis et que la fête sera belle." Aujourd’hui, les clubs s’accrochent à l’espoir et à la passion qui les animent pour proposer une réouverture dans les meilleures conditions et permettre à la fête de battre à nouveau son plein dans tout le pays, après une trop longue période de morosité.

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