Repérer les logements vides grâce aux consommations d’eau et d’électricité, une piste pour lutter contre la crise du logement ?

© Gettyimages

Par Pascale Bollekens

Pas facile pour les communes d’identifier les bâtiments qui sont inoccupés et de quantifier le phénomène. Cette problématique a en tout cas toujours intéressé Mathilde Flas, Ingénieure civile en architecture à l’Université de Liège : "C’est un phénomène très mal connu. La Wallonie manque de logements et il y en a peut-être des milliers qui sont vides, il faut pouvoir les repérer, j’ai donc décidé d’en faire mon sujet de mémoire de fin de d’étude. J’ai rencontré les responsables communaux liégeois qui m’ont confirmé la difficulté de croiser les infos sur les consommations d’eau et d’électricité avec les domiciliations ou encore le nombre d’habitations dans un bâtiment."

Croiser les données d’eau, d’électricité et de domiciliation

A la SPI (la Société Provinciale d’Industrialisation), des Ingénieurs travaillent depuis des années, sur une méthode de croisement de ces données d’eau et d’électricité et domiciliation avec la commune de Herstal. Grâce à ce travail préliminaire, notre ingénieure en Architecture a ainsi pu avoir accès aux informations sur les raccordements fournis par la CILE (Compagnie Intercommunale Liégeoise de l’Eau) et par Resa, le fournisseur d’électricité : "J’ai pu croiser à la fois les données sur l’eau et sur l’électricité et sur les domiciliations pour mieux identifier les habitats qui étaient vacants."

Trois fois plus d’habitations abandonnées à Herstal qu’estimé

Et les résultats de ce croisement de données ont de quoi surprendre. A Herstal, en tout 888 logements sont suspectés d’être inoccupés. Mathilde Flas nous explique : "A la base, quand on prenait les logements qui avaient une absence de domiciliation, une faible consommation d’eau, moins de 15 mètres cubes par an ou encore une consommation électrique en dessous de 100 kilowattheures par an, on dénombrait 5199 adresses. Cela ne correspondait à rien. Il fallait vérifier pour savoir quels étaient les critères pertinents pour pister les logements vraiment vides."


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Mathilde Flas est donc descendue sur le terrain. Elle a pris un échantillon, compté les boîtes aux lettres et repéré visuellement les bâtiments non occupés ou ceux qui avaient été démolis. En opérant de cette manière, elle a retenu 888 logements inoccupés, soit trois fois plus que ceux identifiés par la commune (environ 300).

Par ailleurs, non seulement la commune sous estimait le nombre de logements inoccupés mais en plus, parmi ceux-ci, seuls 40 propriétaires étaient, en définitive, vraiment taxés pour abandon d’habitation. La problématique était donc très largement sous-estimée par les responsables communaux.

Rendre ces infos disponibles pour toutes les communes de Wallonie

Pour élargir l’enquête, notre Ingénieure a réalisé un sondage auprès des 262 communes de Wallonie, 108 ont renvoyé leur estimation du nombre de bâtiments vides sur leur territoire. Statistiquement, elle a pu établir un ordre de grandeur pour toute la Wallonie à + /-45.000 habitations vides, c’est 2,6% du stock d’habitat wallon. A Herstal on arrivait à 6,6% du stock des 17.700 logements. Soit trois fois plus.

Toutes les communes ont donc visiblement du mal à évaluer correctement le nombre de logements vides. C’est l’ingénierie qui leur manque. Avec ce travail, on peut désormais choisir les meilleurs critères à croiser pour ne pas se tromper. Exemple : le nombre d’années d’absence de domiciliation ne doit pas dépasser 10 ans car ces adresses sont peut-être restées inscrites au registre de la population mais n’existent plus, ont été fusionnées ou démolis.

Pour la désormais doctorante, l’objectif de cette méthode est de permettre aux communes d’être plus efficaces afin de "cibler plus facilement les logements vides, prendre contact avec moins de propriétaires pour débusquer le plus de bâtiments vides."

888 biens inoccupés et 770 candidats aux logements sociaux

Selon Mathilde Flas, il y a effet un "réel potentiel dans ce stock de logements vides. Ce stock n’est pas négligeable, il est important. Il faut se poser les bonnes questions pour le remettre en état".

Pour elle, ces logements vides sont "une solution pour répondre à la crise du logement. A Herstal, il y a 888 biens inoccupés et 770 candidats aux logements sociaux, les maisons vides sont plus nombreuses que les candidats. Et puis, il y a l’horizon Stop Béton qui arrive, il va remettre la pression sur les villes et conduire à un renouvellement du bâti qui, s’il est mal maîtrisé, entraînera une hausse des prix et aggravera la crise du logement. Nous allons continuer ce travail en élargissant ces croisements de données à l’ensemble de l’agglomération liégeoise pour garantir l’accès à des logements décents et abordables pour tous."

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