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Reportage en Turquie : trois jours après le séisme, "tendre l’oreille et espérer une réponse"

Adiyaman : Ville des laissés-pour-compte

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Cela fait trois jours que la première secousse a ébranlé la Turquie et la Syrie. Ce jeudi, le bilan provisoire de la catastrophe s’élève à plus de 17.000 morts et devrait s’alourdir encore les jours à venir.

Notre équipe d’envoyés spéciaux de la RTBF, Eric Destiné et Sibel Ceylan sont arrivés à Adiyaman, ville turque à 160 kilomètres au nord de la frontière syrienne, touchée de plein fouet par le séisme.

Ils racontent, dans ce reportage, ces heures particulièrement difficiles pour les habitants.

Adiyaman : Ville des laissés-pour-compte

Adiyaman est une ville sinistrée.

Adiyaman, ville turque frappée par le séisme
Adiyaman, ville turque frappée par le séisme © RTBF Eric Destiné – Sibel Ceylan

60% de ses bâtiments ont été touchés par le séisme.

Et combien de ses 250.000 habitants ? Dans les rues, partout, ce sont les mêmes scènes de colère et de désespoir. Comme celle-ci : un groupe de femmes devant une maison effondrée. Elles sont de la même famille : une famille qui vit dans la rue depuis lundi, sur le trottoir.

Une famille en attente devant ce logement qui ensevelit quatre personnes.
Une famille en attente devant ce logement qui ensevelit quatre personnes. © RTBF – Eric Destiné / Sibel Ceylan

Ces femmes voient passer les minutes, depuis trois jours, devant ce qui reste de ce logement, ces gravats sous lesquels se trouvent quatre de leurs proches.

L’une d’elles pleure et explique : "J’ai deux frères, ma mère et mon père qui sont sous le bâtiment. Je veux du soutien. Je veux faire entendre ma voix à tout le monde. Je veux une pelleteuse et une grue ! Venez sauver ma famille."

Y a-t-il encore des survivants ?

Dans les rues d’Adiyaman, le désespoir se mêle à la rage parce que les secours tardent : ils sont très peu vus en ville. La désorganisation est flagrante et il est difficile pour les ambulances de circuler.

Des habitants viennent des villes voisines avec de la nourriture, des générateurs ou simplement leurs bras pour se joindre à ceux qui cherchent les survivants. Ceux qui, comme ce jeune homme, parcourent les gravats en silence pour essayer de repérer des voix, du bruit.

Il tend l’oreille, puis il dit :

"Ici il y a des gens, mais on n’entend pas leurs voix".

Quelles sont encore les chances de trouver des rescapés sous les décombres, trois jours après le séisme ?

Beaucoup nous ont dit se sentir oubliés.

"Pourquoi la presse ne vient pas constater la situation dans laquelle se trouvent les gens ? Pourquoi ils ne le montrent pas au monde ? Vous voulez que ceux qui sont encore en vie meurent aussi ?" nous interpelle un homme en colère. Nous sommes les premiers journalistes qu’il voit ici depuis la catastrophe.

On nous interpelle aussi pour demander de l’aide, encore et encore… Et pour nous signifier l’ampleur de la catastrophe et de sa détresse, un homme nous montre à travers une brèche deux membres de sa famille, coincés sous le béton.

"Moi j’ai réussi à sortir d’ici et à sortir ma femme et mon enfant. Mais je n’ai pas réussi à sortir ma sœur. J’ai perdu deux membres de ma famille. Et il n’y a personne qui vient nous aider pour sortir les corps de là. Au moins qu’on puisse les enterrer dignement. L’Etat va d’abord aider les plus riches".

A l’affût des voix

Un peu plus loin, un sauvetage est en cours : une jeune fille de 16 ans est vivante au bout d’une galerie.

Mais ce sont des mineurs bénévoles qui coordonnent les équipes, dans cette course contre la montre. "C’est l’endroit de nos familles et ces hommes sont nos héros" commente un habitant, "ils risquent leur vie pour sauver d’autres vies !"

Pour extraire une jeune survivante des gravats, des volontaires.
Pour extraire une jeune survivante des gravats, des volontaires. © RTBF Eric Destiné – Sibel Ceylan

Sauver des vies, c’est encore possible même plusieurs dizaines d’heures après le premier séisme… Pour autant que les équipes de sauvetages se multiplient.

"Il y a des gens qui sont encore en vie sous les décombres",

nous dit un homme devant un immeuble effondré. "Jusqu’à hier, on entendait encore des voix. Aujourd’hui, on n’a rien entendu. C’est pour ça qu’on attend l’arrivée d’une équipe professionnelle. Nous attendons l’aide de l’Etat".

Cet Etat dont certains se sentent abandonnés, dans cette région dévastée de Turquie.

"Nous, c’est parce qu’on est Kurde et qu’on est Alévi que personne ne vient nous aider" dit un homme en colère, sa petite fille dans les bras. "Nous aussi on est des êtres humains. Nous avons besoin des droits humains aussi. Et personne ne vient nous aider".

Adiyaman, une ville meurtrie où il faudra beaucoup de temps pour retrouver un semblant de vie normale.

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