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"Retissons du lien" : comment victimes des attentats et parents de djihadistes se reconstruisent ensemble

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Le groupe 'Retissons du lien' a été créé en 2017 par 2 sociologues cliniciens – Vincent de Gaulejac et Isabelle Seret - un an après les attentats de Bruxelles. Il rassemble des victimes de ces attentats, leurs familles, mais aussi des parents de jeunes partis en Syrie. Tout devrait les séparer, mais leur peine les a rendus plus grands que la haine. Ils furent rejoints ensuite par des éducateurs, assistants sociaux ou même artistes. Un groupe unique en Europe, pour se reconnecter à l’humanité. Pour Transversales, Françoise Wallemacq a rencontré des membres du groupe.

Ils y ont trouvé un lieu sacré, intime et respectueux :

Un lieu où les uns et les autres peuvent échanger sans jugements dans un dialogue qui se veut constructif pour chacun, mais aussi pour toute la société.

Le groupe Retissons du lien n’existe qu’en Belgique, mais on y retrouve aussi des victimes des attentats de Paris de novembre 2015.

Plusieurs membres du groupe se rendent, par deux, dans les écoles et les prisons pour raconter leur histoire et faire de la prévention. Certains ont également coécrit un livre entre parent de victime et parent d’auteur de djihadiste ou parent d’auteur d’un attentat. Il y a différents chemins pour la reconstruction et le pardon.

Victime ou mère, comment se reconstruire ?

Pour Sandrine, 53 ans, victime de l‘attentat de Maalbeek, "au moment de l’attentat, on réagit avec son cerveau reptilien ; celui qui vous fait agir pour sauver votre peau. Mais cela implique […] de se couper de ses émotions". Malgré les aides reçues dans sa reconstruction, elle précise "j’ai perdu l’espoir, l’insouciance, tout ce qui fait le sentiment d’humanité. Le travail avec ‘Retissons du lien’, c’est se reconnecter à l’humanité".

Une autre femme raconte le départ de son second fils pour la Syrie avec le groupe Sharia For Belgium, et tente d’expliquer comment cela a pu se produire : "Je pense qu’il était en quête spirituelle, de quelque chose de fort qu’il n’a su trouver à la maison". Le contact qu’elle eut avec son fils arrivé en Syrie, l’a plus impacté que l’annonce de son décès. Elle ne s’est certainement pas reconstruite grâce à son psychiatre, qui lui a lancé : "C’est à vous de vous sauver toute seule"…  Elle décide alors de fonder son association pour continuer le combat de manière pacifique.

Se reconstruire en tentant de comprendre des jeunes qui partent en Syrie…

Une partie de la réponse est à chercher sur le départ des jeunes, comme le raconte au sein du groupe, un journaliste indépendant qui a rencontré le fils de Fatima dans l’hôpital - ou plutôt mouroir – d’un camp de prisonniers djihadistes en Syrie. Le jeune lui a confié avoir beaucoup de regrets, mais comme le précise le journaliste, peut-on prendre pour argent comptant ce que disent des prisonniers suspectés de terrorisme ? Fatima, elle, n’ayant pourtant jamais été d’accord avec le départ de son fils, termine en disant : "A la fin, il a beaucoup souffert et s’est réveillé. Il a fait ce choix, ce n’était qu’un adolescent."

Lorsque Sophie – dont la fille a été grièvement blessée à Maalbeek - a rencontré Fatima, elles se sentaient reliées par quelque chose. Elles ont écrit un livre ensemble : Toutes les larmes des mères sont les mêmes

Quant à Georges, père d’une victime du Bataclan, qui a accepté le contact avec le père du tireur, il raconte son sentiment en apprenant la mort de sa fille comme de la tristesse et un immense gâchis : "tout cela n’a servi à rien du point de vue des auteurs"Selon lui, les parents de djihadistes ont perdu 3 fois leur enfant : "Une première fois, ils ont perdu le contact intellectuel ; la deuxième fois, c’est le choc du départ en Syrie (pour ceux qui sont partis) et la troisième fois, pour apprendre leur mort en ayant massacré des centaines de personnes".

Peut-on pardonner ? Une question qui habite les victimes des attentats.

Parmi les personnes rencontrées durant leur reconstruction, Sophie, non croyante, et Fatima, musulmane, ont vu le prêtre Gabriel Ringlet. Elles se sont retrouvées lors d’une messe de Pâques durant laquelle est lue la lettre d’adieu du fils de Fatima à sa mère. Il y demande de lui pardonner. Fatima accepte car comme elle explique, "dans la religion musulmane, Dieu a de nombreux noms dont… le pardonneur."

Pour Sophie, c’est plus complexe :

Je pense qu’il y a un espace entre le pardon et la haine qui peut être un espace de paix.

De toute façon, pour chacun, il y a un avant et un après et cette envie de transformer le traumatisme en lumière !

►►► Ecoutez l’entièreté des témoignages recueillis dans le podcast ci-dessus.

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