Si Wout m’était conté. Van Aert serait tantôt vert, tantôt jaune, scintillé d’un noir jaune rouge étincelant. Retour sur un cru 2022 parfaitement imparfait, annonciateur d’un palmarès tout en Classiques qui ne demande qu’à s’étoffer.
Première course, première victoire
Tom Boonen nous partageait que s’il voulait se consacrer à un grand Tour, Wout van Aert devrait complètement modifier sa préparation, il ne brillerait plus sur les Classiques et au mieux il ne pourrait envisager qu’un top 5 sur un Tour de France. Wout pèsera toujours 18 à 20 kilos de trop pour tutoyer les étoiles en montagne. Il mesure 1,90 m et pèse 78 kilos. Jonas Vingegaard 1,75 m et 60 kilos. C’est juste une question physiologique.
Par contre, Vingegaard n’a pas le profil explosif "tout-terrain" pour affronter le vent, le froid, les pavés des Classiques. Wout van Aert est taillé pour ces conditions et il débute sa saison par une victoire le 26 février à l’Omloop Het Nieuwsblad, la course d’ouverture des flandriennes. Il vient de gagner tous les cyclo-cross auxquels il a participé durant l’hiver (sauf un sur problème mécanique) et il a renoncé aux championnats du monde aux Etats-Unis pour mieux préparer sa saison sur route. Une saison d’un autre niveau se prépare !
Un homme de Classiques indispensable sur un Tour
Début mars, Wout est aligné sur Paris Nice. Les Jumbo regardent déjà vers le grand RDV de juillet ! Van Aert y déroule déjà une partie de ce qui sera son récital d’été. Il aide son coéquipier Christophe Laporte à prendre le maillot jaune. Il remporte le contre-la-montre. Il s’empare une journée du maillot jaune. Il apporte ensuite son soutien à son coéquipier Primoz Roglic pour s’imposer tout en s’adjugeant le maillot vert. Paris Nice tout en couleurs pour Wout van Aert !
Wout est le pion que toute équipe aimerait avoir dans son jeu. Indispensable sur un Tour, il est capable de remporter toutes les Classiques. Huitième à San Remo, il s’adjuge l’E3, marque le pas à Gand-Wevelgem (12e), termine deuxième à Roubaix et troisième à Liège pour sa première Doyenne.
Van Aert est devenu le sportif le plus populaire en Flandres, loin devant les footeux. Lorsqu’il apparaît lors de la présentation des équipes, c’est comme un rayon de soleil venu réchauffer les plaines flandriennes. La Covid le privera – les privera – d’une participation au grand RDV de l’année, la communion entre Wout et son peuple, le Tour des Flandres. Mais c’est reculer pour mieux sprinter !
Ultime répétition
Début juin, Wout van Aert est aligné sur le Criterium du Dauphiné, ultime répétition avant la grand-messe de juillet. Il porte le maillot jaune cinq jours. Il remporte deux étapes et termine avec le maillot vert sur les épaules. Comme sur Paris Nice. Juillet approche. Il sent bon le vert, il fleure bon le jaune. Briller sur le Tour devient une évidence. Une obligation. Wout sait qu’il n’aura pas le droit à l’erreur lorsqu’il s’élancera depuis le Danemark.
L’incroyable début de Tour
L’adjectif est souvent usurpé. Incroyable à tour de mots. Dans le cas du Tour de Wout, il sera sublimé. Pourtant, l’incompréhension et les frustrations s’accumulent en début de Tour. Van Aert ne s’attendait pas à trébucher sur le chrono pluvieux de Copenhague devant Yves Lampaert. Il comptait remettre les pendules à l’heure le lendemain au sprint à Nyborg. Fabio Jakobsen l’en privera d’un boyau. Wout s’emparera d’un maillot jaune au goût d’inachevé. Rire jaune. Il terminera le triptyque danois par une troisième deuxième place derrière Dylan Groenewegen cette fois.
L’arrivée sur le sol français va débloquer le compteur. Il va légitimer son maillot jaune en griffant cette étape reliant Calais de l’empreinte d’un Merckx. Cet après-midi du 5 juillet, le soleil rend sa tunique jaune étincelante. La chaleur transpire parmi les favoris. Ils savent que la courte ascension du Cap Blanc Nez sera intense. Un piège. Wout van Aert a des jambes de feu. Il pointe le premier au sommet du Cap et file plein Nez à l’allure du chrono de sa vie vers la ligne d’arrivée de Calais. Un petit chef-d’œuvre tout de Wout cousu.
Un maillot vert qui défie la gravité
Wout va conserver le maillot jaune avant de le céder sur le sommet de Longwy non sans avoir tenté un ultime baroud d’honneur. Deux jours plus tard, il dompte les puncheurs dans le mur qui conduit au sprint à Lausanne. Deuxième victoire sur le Tour. Les Alpes pointent à l’horizon. Il y consolide son maillot vert tout en apportant son soutien à son leader Jonas Vingegaard. Mais c’est dans les Pyrénées, au plus fort de la bataille entre le jeune danois et le vainqueur sortant Tadej Pogacar qu’il va défier les lois de la gravité habituellement inaccessibles au porteur de la tunique verte.
Van Aert s’est inscrit dans l’échappée. Ses compagnons d’échappée tombent un à un. Le voici dans l’ascension d’Hautacam. Vingegaard et Pogacar l’ont rejoint. C’est la dernière ascension de ce Tour. L’intensité est maximum. Si Pogacar veut renverser le Tour, c’est maintenant ! Le sommet approche. A la sortie d’une épingle, van Aert accélère. Un virage plus loin, seul Vingegaard parvient à tenir sa roue. Pogacar est décramponné. Wout van Aert va au bout de lui-même avant de rompre son effort. Il connaît ses limites, mais ce jour-là, on a l’impression qu’il en a découvert de nouvelles. Vingegaard gagne. Van Aert rentre dans la légende. On le croit épuisé. Mais il a encore des ressources. Deux jours plus tard, il remporte le dernier chrono sur les contreforts de Rocamadour. Le lendemain, sur les Champs-Elysées, il déroule. Son Tour est gagné. Il est le maillot vert qui a défié la gravité !
Au service de Remco
L’abnégation est la marque des grands. Septembre arrive avec en point de mire les championnats du monde en Australie. Wout est en forme. Il s’impose au Bretagne Classic avant de s’envoler vers le Canada où il va par deux fois manquer la victoire d’un iota. Quatrième à Québec, deuxième à Montréal en duel avec Pogacar, il peut légitimement prétendre à une place de leader dans l’équipe belge. Il peut aussi se mettre au service de son équipe et c’est ce qu’il accepte de faire en laissant le kangourou Remco bondir dans un cavalier seul dont il a le secret. Evenepoel champion du monde, la mission est accomplie. Wout s’occupe de la finition mais il manque le podium d’un boyau derrière Matthews et Laporte.
Que nous réserve 2023 ? Les aléas d’une saison sont tellement improbables qu’il serait naïf de prédire. Il serait plus juste d’imaginer le voir compléter sa collection de Classiques à San Remo, à Roubaix, à Liège… Imaginer, c’est tout ce qui nous reste en attendant avec impatience que le cru 2023 démarre !