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Rétro tennis 2021, les hommes : Novak Djokovic, les jeunes, les beaucoup plus jeunes

Novak Djokovic, vainqueur de l’Australian Open, de Roland-Garros, et de Wimbledon, en 2021

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Tous les verdicts sont tombés, la saison tennistique 2021 a été riche (mais ne le sont-elles pas toutes ?), faite de confirmations, de déclins, de révélations, de surprises, de suspense, de questions. Mais aussi de mesures sanitaires, nécessaires pour que ce sport puisse continuer à écrire son histoire sans trop de perturbations.

Nous allons commenter quelques événements marquants de cette année. En trois volets : les hommes, les femmes, les Belges. En compagnie de Philippe Dehaes, consultant "tennis" pour la RTBF, grand connaisseur d’un milieu qu’il côtoie en tant que coach de la joueuse slovène Kaja Juvan.

Voici donc le premier chapitre de la rétro tennis 2021, consacrée à ce qui s’est passé sur le circuit masculin…

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Novak Djokovic, vainqueur à Wimbledon

Novak Djokovic, et puis les autres

Bien sûr, le nom du Serbe vient tout de suite à l’esprit. C’est avec lui que l’on a appris à prononcer ces mots méconnus jusqu’alors, "Grand Chelem calendaire". Parce qu’il est passé tout près de cet exploit historique, gagner les quatre tournois du Grand Chelem la même saison. Ce que Rod Laver avait été le dernier à faire, en 1969.

Novak Djokovic a remporté l’Australian Open (malgré une blessure), Roland-Garros (malgré Rafael Nadal), Wimbledon (malgré la pression qui commençait à pointer). Mais il a buté sur la 28e et dernière marche, à l’US Open. Cet échec face à Daniil Medvedev est l’un des rares de sa saison. Il y a aussi eu sa demi-finale aux Jeux Olympiques, et sa demi-finale aux Masters, perdues contre Alexander Zverev.

Djokovic, Medvedev, Zverev, on tient là le trio gagnant de 2021. Avec bien sûr Novak Djokovic au sommet, numéro un mondial de fin de saison pour la septième fois, un record. Il détient un autre record, tout aussi prestigieux, celui du nombre de semaines en tête du classement ATP. Le record de victoires en Grands Chelems, il le partage avec Roger Federer et Rafael Nadal. Ces vingt succès du Serbe, du Suisse, et de l’Espagnol font certainement partie des chiffres les plus remarquables de l’histoire du sport.

"Il a fallu que Djokovic chute pour que les gens voient son humanité"

Philippe Dehaes revient sur la saison 2021 de tennis

"Ce que Novak Djokovic a fait cette année est phénoménal", commente Philippe Dehaes. "Mais on a aussi vu sa fragilité, à Tokyo et à New York. Cela m’a rassuré, parce qu’on a vu que tout n’était pas écrit d’avance, et que lui aussi pouvait avoir des difficultés à gérer ses émotions. Malgré tout, il reste le grand favori pour aller jusqu’à 21 titres du Grand Chelem".

Novak Djokovic a 34 ans. Qu’a-t-il encore de plus que les autres ? "On a l’impression qu’il joue toujours de la même façon. Il a cette capacité à ne pas jouer moins bien certains jours. Ils jouent tous très bien, les Medvedev, Zverev, Tsitsipas. Et ils sont tous capables d’élever leur niveau à un moment donné. Mais ils peuvent aussi se trouer, certaines semaines. Djokovic, lui, ne se troue pas, et c’est la grande différence. On sait qu’il a des capacités physiques incroyables, qu’il est mentalement très fort, et qu’il n’a pas de lacunes dans son jeu. Mais pour moi, sa grande force, c’est d’arriver à produire son meilleur tennis, systématiquement, dans toutes les compétitions qu’il joue."


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La défaite de Novak Djokovic en finale de l’US Open aurait pu le "traumatiser" pendant longtemps, parce qu’il est passé à côté de l’Histoire. Mais il s’en est remis très vite. "C’est une caractéristique des plus grands champions. Ils ont la capacité de rebondir après une grande victoire ou une vilaine défaite. Federer et Nadal ont souvent enchaîné les grands succès de la même façon. C’est moins vrai chez les filles, qui disparaissent régulièrement pendant de nombreux mois, après avoir gagné un beau titre. Ceux que l’on a appelés 'les membres du Big Four' sont faits d’un autre bois, ils ont toujours mieux digéré les victoires comme les défaites".

L’une des images fortes de l’année, ce sont ces larmes de Djokovic, quand il a compris qu’il ne gagnerait pas son Grand Chelem calendaire, mais que le public s’est mis à l’encourager. "Il a fallu qu’il chute pour qu’il montre un peu d’humanité, et que les gens se rendent compte de ses qualités humaines. Il souffre de ce déficit de popularité, et j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer pourquoi il n’était pas le premier dans le cœur des gens. Ce jour-là, quand il a perdu la finale à Flushing Meadows, il s’est sans doute en partie réconcilié avec le public, et il a peut-être retrouvé de la motivation. Le fait de perdre a pu être une source d’inspiration pour continuer à s’entraîner et à progresser. Et pour continuer à garder en point de mire quelque chose qu’il ne lâchera pas : être, par les titres, le plus grand de tous les temps."

Roger Federer n'a plus joué depuis Wimbledon

Les autres membres du Big Four ne font plus partie des meilleurs

Roger Federer a fêté ses quarante ans cette année. Mais il a très peu joué. Il a effectué son retour à la fin de l’hiver, après avoir subi deux opérations au genou. Mais il est à nouveau sur la touche depuis le mois de juillet, et il a dû repasser sur le billard. On ne sait pas quand on le reverra sur un court. "Je serais très surpris de pouvoir jouer Wimbledon", a-t-il annoncé, dans une interview accordée à un journaliste suisse.

S’il devait dire "stop" maintenant, il terminerait sa carrière sur un 6/0 encaissé à Londres. Mais ce qu’il veut, c’est pouvoir partir d’une autre façon. "Je comprends sa volonté. Il se fait à l’idée de devoir partir, mais il a besoin de dire 'au revoir', et de dire 'merci'. Il ne veut pas que l’on retienne ce 6/0, alors que ce n’est évidemment pas cela que les gens vont retenir, mais tout le reste. Tout ce qu’il a apporté dans le jeu, les centaines de matches qu’il a gagnés, et la façon dont il les a gagnés."

Mais Roger Federer a-t-il raison d’insister, alors que son corps ne lui permet manifestement plus de signer des grandes victoires. "C’est aussi la caractéristique de ces grands champions, ils ont de l’orgueil. Ce n’est pas facile d’arrêter et de rentrer dans une vie normale. Je vais vous donner mon sentiment. Depuis quinze ans, Nadal, Federer, Djokovic, et un peu Murray, se partagent tous les titres. Cela fait de l’ombre à cette nouvelle génération, et cela a fait de l’ombre à la génération précédente. J’ai envie de leur dire de laisser la place, maintenant, à la nouvelle génération, qui est incroyable. Federer a 40 ans, Nadal a 35 ans. Ils nous ont fait rêver, ils ont apporté des choses fantastiques, mais ils ont fait leur temps."

"Les anciens ont fait leur temps ; il n’y aura pas de soucis quand ils partiront, parce que les jeunes sont fantastiques"

Andy Murray, toujours combatif en 2021

Mais Rafael Nadal n’est-il plus capable de gagner Roland-Garros, lui qui a passé toute sa carrière (y compris en 2021) à soigner des blessures, mais qui est toujours revenu ? "Je ne dis pas qu’il doit partir, et on a tous envie d’encore le voir. Mais s’il continue à encore et encore gagner Roland-Garros, est-ce la chose à voir dans le tennis aujourd’hui ? Il faut continuer à se focaliser sur la performance de ces grands-là, mais je suis le gars qui dit qu’il y a vraiment autre chose en dessous, et qu’il se passe des choses incroyables là aussi. Et il faut porter cette nouvelle génération. C’est d’ailleurs ce que l’ATP fait, mais ce que la WTA ne fait pas. Il y a une bonne dizaine de filles de moins de vingt ans que l’on ne connaît pas, que l’on ne nomme pas, mais qui jouent très bien. La WTA continue à capitaliser sur l’image d’une Serena Williams. Côté masculin, l’ATP fait un travail plus intéressant au niveau du développement des joueurs et du marketing, avec la 'NextGen'. Voir jouer les jeunes procure des émotions incroyables aussi, et c’est cela mon message".

Avant de parler de ces jeunes, un mot sur Andy Murray, un autre grand ancien. Il pourrait s’arrêter, mais il continue à se battre comme un lion sur le court, alors qu’il n’a plus son niveau, ni son classement, d’antan. "Ce qu’il fait force l’admiration. Personnellement, c’est l’un des gars que je préfère, par sa personnalité et sa capacité de refuser la défaite. Il délivre un message fort. Aujourd’hui, malgré sa hanche en plastique, ses nombreux titres, sa popularité et sa fortune, il garde les mains dans le cambouis, juste pour le plaisir du jeu. Il veut continuer à gagner des matches, et je trouve que c’est absolument magnifique. Mais cela reste un peu, je ne vais pas dire 'pathétique', parce qu’il faudrait un terme moins violent. Nadal n’a plus de pieds, Federer n’a plus de genoux, Murray a sa hanche en plastique. Je leur dirais : 'c’est très bien, accrochez-vous, mais il n’y a pas de soucis si vous partez'. Ce ne serait pas un problème, avec ce qui arrive en dessous".

Daniil Medvedev, vainqueur de son premier tournoi du Grand Chelem, à l'US Open

Medvedev, Zverev, Tsitsipas, les leaders de la nouvelle génération

Justement, ce qui arrive en dessous, ce sont des joueurs qui ont confirmé, en 2021. En gagnant des titres importants (les Jeux Olympiques et le Masters pour Alexander Zverev), en gagnant un premier Grand Chelem (l’US Open pour Daniil Medvedev, le dauphin de Djokovic au classement), en atteignant une première finale dans un tournoi majeur (Stefanos Tsitsipas à Roland-Garros). "Ce sera ouvert, en 2022, parce qu’ils sont très forts. Il faut se nourrir de ces générations qui montent, qui apportent quelque chose de différent, et qui vont aussi toucher une nouvelle génération de spectateurs".

Tsitsipas a déclaré récemment qu’il se voyait bien constituer un nouveau "Big Three", avec Medvedev et Zverev. Il a sans doute raison, parce qu’ils sont au-dessus pour le moment. Mais cela ne durera pas, parce qu’il y a énormément de joueurs encore plus jeunes qui poussent derrière. "Les moins de 22 ans sont incroyables. Pêle-mêle, il y a Casper Ruud, Felix Auger-Aliassime, Jannik Sinner, Sebastian Korda, Carlos Alcaraz, Lorenzo Musetti, Frances Tiafoe, et d’autres. Quand je disais que les anciens pouvaient partir sans faire de mal au tennis, c’est pour cela, la relève est là. Medvedev a un jeu spécifique, du caractère, et une grande personnalité, par exemple. Et il s’est bien stabilisé. Zverev aussi, qui est maintenant plus constant. Et il y a les autres, derrière. J’encourage les gens à aller voir la finale du récent Masters des jeunes, entre Korda et Alcaraz. Si quelqu’un me dit que c’était nul et qu’il n’y avait pas un grand niveau de jeu, je dis que je ne suis pas d’accord. C’était fantastique. Les prochaines années vont être passionnantes."

"On va beaucoup s’amuser, à suivre la nouvelle génération"

Carlos Alcaraz, l'une des nouvelles vedettes du circuit

Peut-on déjà déceler chez les plus jeunes celui qui pourrait être le meilleur ? "Je trouve que Jannik Sinner est phénoménal. Et ce que je vois chez Carlos Alcaraz, qui n’a que dix-huit ans, a quelque chose de spécial en termes d’intensité et de personnalité. Je l’ai vu rater un smash, alors qu’il servait pour gagner un match important, et rigoler. Je me suis dit que ça, c’était potentiellement chouette, quelqu’un avec cette mentalité. Les deux sont phénoménaux. Et Lorenzo Musetti, qui est un peu moins bien classé, l’est aussi. Je suis très enthousiaste, en voyant ces gamins. Et je sais qu’on va bien s’amuser, avec eux."

Ces jeunes, le public va apprendre à les connaître encore mieux, en 2022. Les amateurs de tennis vont apprécier, ou non, ces nouvelles personnalités, se choisir des favoris, suivre leurs résultats, et applaudir leurs victoires.

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