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Reza Pahlavi, fils du dernier Shah d’Iran : "Je ne fais pas campagne pour moi-même, mais je sais quel rôle je peux jouer dans cette phase de transition"

Reza Pahlavi / Une des figures de l opposition iranienne

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Dans le cadre de sa tournée européenne, Reza Pahlavi, fils du dernier Shah d’Iran, Mohammad Reza et de l’impératrice Farah, s’est arrêté au Parlement fédéral, à Bruxelles.

Sa famille a dû fuir l’Iran en janvier 1979 lors de la révolution islamique et l’avènement du régime de l’ayatollah Khomeyni. Reza Pahlavi est l’une des figures de l’opposition iranienne. Il vit aux États-Unis. Nous l’avons interrogé.

Quel est l’objectif de cette tournée européenne ?

Reza Pahlavi (RP) : "L’objectif de cette tournée est de transmettre un message aux instances européennes, au monde libre. Pour la première fois depuis 43 ans, on peut parler avec des représentants alternatifs au régime iranien, on n’est plus limité dans le dialogue avec le régime et ses représentants. Ces alternatives nous manquaient beaucoup. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre avec la campagne "Femme, vie, liberté" (slogan des protestataires iraniennes, ndlr), provoquée par la mort de Masha Amini en septembre. Cela nous a mis dans une situation tout à fait différente que jadis".

La mort de Masha Amini, c’est l’élément déclencheur ?

RP : "C’est l’élément déclencheur. Une véritable révolution se prépare chez nous. Ce n’est plus seulement une période de protestation. Cet événement a enflammé notre société, il l’a entraîné dans ce mouvement qui veut se libérer de ce régime. D’où l’importance d’avoir un dialogue avec les autres pays. Le monde libre doit comprendre les alternatives politiques iraniennes et les solutions qu’elles proposent. C’est donc dans l’intérêt de nos compatriotes et celui des pays libres d’avoir une discussion sérieuse avec les représentants de ces alternatives politiques. Nous sommes au début de ce processus. Nous allons commencer par les parlementaires européens. Nous voulons leur faire comprendre les enjeux afin que leur gouvernement adopte une nouvelle politique à l’égard de l’Iran".

Vous ne voulez plus de ce régime…

RP : "Bien sûr que non ! Le régime islamique en tant que dictature religieuse a été l’élément le plus nuisible à notre stabilité, à notre sécurité, tant sur le plan intérieur que régional. Regardez le niveau de discrimination et de répression à l’égard des femmes. Les Iraniennes ont été les premières victimes de ce régime. Elles sont devenues des citoyens de seconde zone. Sans parler des injustices à l’égard des minorités religieuses ou ethniques, des différents courants politiques, des LGBT… Tant que ce régime restera en place, ces répressions et discriminations persisteront.

En revanche, avec une démocratie laïque, on rétablira les droits humains, on rétablira la liberté, on mettra fin à toute forme de discrimination. C’est un point de départ, avant de remettre le pays sur des rails. Les Iraniens n’attendent que ça : retrouver le chemin du progrès, de la modernité, de la liberté, avec l’appui et le soutien des pays qui partagent les mêmes valeurs. Les Iraniens et les Iraniennes veulent exprimer ces valeurs chez eux, librement".

Avez-vous l’intention de vous positionner dans le jeu politique en Iran ?

RP : "Mes compatriotes attendent de moi que j’utilise mon capital politique, l’idée étant de favoriser une coopération entre toutes les forces démocratiques du pays, dans le but de faire chuter ce régime et préparer une période de transition. Le but est de former un gouvernement provisoire pour cette période transitoire. Préparer le terrain pour les élections des représentants du peuple au sein d’une Assemblée constituante. Des débats auront lieu pour établir une Constitution, établir les degrés de centralisation et décentralisation du pouvoir, définir les structures politiques à mettre en place… Et un référendum sera organisé pour que les Iraniens votent ces différentes propositions".

Dans le cadre de sa tournée européenne, Reza Pahlavi, fils du dernier Shah d’Iran et l’une des figures de l’opposition iranienne s’est arrêté au Parlement fédéral, à Bruxelles.
Dans le cadre de sa tournée européenne, Reza Pahlavi, fils du dernier Shah d’Iran et l’une des figures de l’opposition iranienne s’est arrêté au Parlement fédéral, à Bruxelles. © Tous droits réservés

Pourriez-vous revenir en Iran ?

RP : "J’aimerais aider mon pays de près, plutôt que de loin. C’est pourquoi j’ai envie de revenir dans mon pays. Y vivre, y travailler".

Jouer un rôle politique ?

RP : "Je ne cherche à occuper aucune position. Je ne fais pas campagne pour moi-même, mais je sais quel rôle je peux jouer dans cette phase de transition. C’est l’attente de mes compatriotes, qu’ils soient monarchistes ou républicains. Je joue un rôle neutre, au-dessus de la mêlée, pour fédérer ce mouvement et rassembler ces forces ".

Que dites-vous à ceux qui craignent le retour de la monarchie ?

RP : "C’est un choix que la nation doit faire. Ce n’est pas à moi de leur dire quel système politique l’Iran doit avoir. Un débat doit avoir lieu et un choix sera fait. Je pars du principe d’une démocratie légitime, que ce soit une république ou une monarchie constitutionnelle. C’est au peuple de décider".

Si vous deviez décider, ce serait une monarchie ?

RP : "Plutôt une république. Si elle est stable, on peut se passer de la monarchie. Mais l’argument en Iran existe selon lequel la monarchie apporte une stabilité. D’ailleurs, la plupart des pays démocratiques en Europe qui ont le plus de stabilité sont des monarchies constitutionnelles, comme en Belgique, en Suède ou aux Pays-Bas… C’est un débat intéressant et important. Et encore une fois, ça doit faire l’objet d’une décision libre. On ne peut pas éliminer ces options dans un débat démocratique".

Que faudrait-il selon vous pour faire chuter ce régime ?

RP : "Ce qui peut faire chuter le régime sont des pressions maximales qui viennent de l’intérieur. C’est pourquoi je propose au monde libre de constater qu’il n’est pas seulement utile de mettre une pression extérieure sur le régime, notamment avec des sanctions. Parallèlement à cela, il doit y avoir un soutien au peuple Iranien. Par exemple : l’accès à Internet, vital pour communiquer et organiser des événements. Au niveau technologique, on peut nous aider.

Autre élément : nous avons besoin d’organiser des grèves ouvrières dans différents secteurs industriels, pendant deux à trois mois, à l’échelle nationale. Nous avons besoin de financements pour compenser les salaires des grévistes. L’idée est d’utiliser les biens qui ont été confisqués dans le cadre des sanctions européennes, pour financer ces grèves. Nous demandons également que des exceptions soient appliquées aux règles actuelles, concernant les sanctions pour faciliter des transferts d’argent entre la diaspora et les Iraniens, dans l’intérêt du peuple".

L’humanitaire belge, Olivier Vandecasteele, est détenu depuis un an en Iran. Vous demandez sa libération ?

RP : "On exige la libération de tous les prisonniers politiques et de tous les otages. Mais doit-on céder au chantage ? Si l’on cède au chantage, on encourage le régime à faire plus. La Belgique n’est pas la seule dans ce cas. La France, la Grande-Bretagne, les États-Unis ont le même problème… Et d’autres nations auront le même problème si on accepte de négocier avec ce régime pour libérer un otage. Les gouvernements doivent agir ensemble et être encore plus fermes face au régime des Ayatollahs. Mettre encore plus la pression sur ceux qui sont associés à ce régime, diplomates et autres".

C’est ça qui va faire revenir Olivier Vandecasteele en Belgique ?

RP : "Il y a plus de chance que le régime cède à cette pression, quand le monde entier manifeste son indignation que quand on cède au chantage. Sans cela, un otage sera remplacé par un autre et le régime sera encouragé d’en faire encore plus. Cela relève de la responsabilité du gouvernement".

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