D’après l’analyse de Jean-Jacques Nattiez qui a traqué l’antisémitisme dans l’œuvre et les livrets de Wagner, il est possible de le percevoir musicalement. Nos confrères de la presse écrite disent ceci : "Certes, on avait quelques évidences sur le fait qu’Alberich qui vole l’or du Rhin pour dominer le monde était une caricature antisémite. Alberich, Mime et aussi Hagen le sont." Nattiez montre et analyse comment l’antisémitisme s’instille dans des paroles ou leur traitement musical. L’exemple le plus éloquent et original est cependant celui du personnage de Beckmesser dans Les Maîtres Chanteurs, Nattiez prouvant que la sérénade est la caricature d’une prière intitulée Retzai.
La Judéité dans la musique, un pamphlet antisémite de Wagner publié en 1850
Wagner est l’auteur d’un pamphlet antisémite intitulé, La Judéité dans la musique qui sera publié dans la Neue Zeitschrift für Musik en 1850. L’article est signé sous le pseudonyme de "K. Freigedank", Freigedank qu’on peut traduire par libre-pensée. Le pamphlet sera republié en 1869 dans une version longue et cette fois-ci sous le nom de Richard Wagner. Il déclare avoir écrit cet ouvrage pour, selon ses termes : "expliquer à nous-mêmes l’involontaire répugnance que nous avons à l’encontre de la nature et de la personnalité des juifs, ainsi que pour justifier ce dégoût instinctif que nous reconnaissons pleinement comme plus fort et plus irrésistible que notre zèle conscient de nous en délivrer". Pour Wagner, les juifs seraient incapables de parler la langue allemande correctement, ce qui prendrait alors le caractère d’un "bavardage intolérablement confus", un "nasillement grinçant, couinant, bourdonnant", qui ne pourrait "exprimer la vraie passion". Ceci, dit-il, leur exclut toute possibilité de création de chants ou de musique. Wagner déclare également que le musicien juif le plus cultivé, n’étant pas en relation avec l’esprit authentique du peuple allemand, ne peut "qu’exprimer des choses triviales et plates, parce que son sentiment artistique n’était somme toute que futilité ou luxe". Il accuse en outre Felix Mendelssohn (1809-1847) d’avoir "grandement contribué à la déliquescence de notre style musical actuel".
Ce que Wagner dit à propos des juifs, du langage ou de l’art a été aussi dit avant lui dans d’autres écrits de son époque mais aussi plus tôt encore, durant le XVIIIe siècle. Mais il y a quelque chose de neuf dans les horreurs qu’il écrit, citons ceci : "Aussi longtemps que l’art de la musique possédait en lui un véritable besoin vital organique […], on ne pouvait nulle part trouver de compositeur juif… Ce n’est que lors de la manifestation de la mort interne du corps que des éléments de l’extérieur gagnent la puissance de s’y loger, et tout simplement de le détruire. Alors, effectivement, la chair du corps se décompose en une colonie pullulante d’insectes : mais qui, en regardant ce corps, pourrait soutenir qu’il est toujours en vie ?".