Roland Garros - Tennis

Roland-Garros : du couscous sous le Central, de la boxe sur le Court Suzanne Lenglen

Le Stade de Roland-Garros en 2022

© AFP or licensors

Le site de Roland-Garros fait partie des lieux mythiques du calendrier sportif, comme les stades de Wembley et du Maracana, les circuits de Francorchamps et d’Indianapolis, le Madison Square Garden et l’Alpe d’Huez.

Depuis près d’un siècle, les plus grands champions y ont triomphé, ou y ont connu de grandes désillusions. Des millions de spectateurs ont réalisé un rêve, en franchissant les portes.

Roland-Garros est une petite ville et une petite entreprise. La vie en coulisses fourmille d’anecdotes, de petites histoires dans la grande Histoire.

Eliacin Aougbi, un journaliste français, qui suit le tennis depuis une dizaine d’années, a décidé de raconter l’histoire de ce lieu, dans un épais livre, sobrement intitulé "Stade Roland-Garros", et paru aux Editions Amazon.

Entretien…

Eliacin, vous venez d’écrire un bouquin sur le stade de Roland-Garros. On pensait tout savoir sur ce lieu, mais en réalité, on ignore beaucoup de choses…

Ce stade est né grâce à la première victoire en Coupe Davis des fameux "Mousquetaires" (René Lacoste, Henri Cochet, Jean Borotra, Jacques Brugnon), en 1927, à Philadelphie. Tout de suite après ce succès, est venue une question : "où construire un stade qui pourrait accueillir l’édition suivante". A l’époque, les vainqueurs de cette épreuve jouaient et accueillaient la finale l’année suivante. Par un heureux concours de circonstances, un terrain était libre à Paris. Voilà comment l’histoire a commencé.

Y a-t-il beaucoup d’archives, sur le stade de Roland-Garros ?

En consultant 94 ans d’archives, qui sont essentiellement à la Mairie de Paris et aux Etats-Unis, on peut s’apercevoir de l’évolution du stade. Tant en photos que par les récits. Cela a été passionnant, de me plonger dans cette histoire. Et j’ai eu l’immense chance de pouvoir interviewer une cinquantaine de personnes, qui m’ont raconté des souvenirs, des années soixante à nos jours.

Eliacin Aougbi, auteur de "Stade Roland-Garros"

Avez-vous été étonné par la richesse de l’histoire de ce lieu ?

Oui. Roland Garros était un aviateur, qui a donné son nom à ce stade. Ce tournoi est le seul Grand Chelem qui porte le nom d’une personnalité. On pourrait réduire ce stade à du tennis, quinze jours par an. Mais en réalité, il s’est passé beaucoup de choses, pendant le tournoi et en dehors. Et il y a beaucoup d’anecdotes.

Justement, il s’est passé beaucoup de choses, et pas que du positif. Notamment pendant la guerre…

Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, le stade de Roland-Garros a été un camp d’internement. 600 personnes ont été emprisonnées ici. Les stigmates de cette présence ont été visibles pendant quelques années, avant la première phase de modernisation du Court Central. Il a été assez émouvant de me replonger dans cette partie plus sombre de l’histoire de France et d’Europe.

Vous allez nous raconter quelques anecdotes moins "noires". La première concerne le dernier vainqueur français de Roland-Garros (chez les messieurs, donc). Il faut rappeler qu’il y a de l’activité dans ce stade en permanence, et pas seulement quinze jours par an. Et Yannick Noah a vécu dans cet endroit, justement…

C’était à la fin des années 70. L’ancien président de la Fédération Française de Tennis, Philippe Chatrier, avait eu l’idée d’accueillir des pensionnaires dans le stade. Yannick Noah et Gilles Moretton, qui est l’actuel président de la Fédération, ont été les premiers jeunes joueurs à habiter dans ce stade. Quand ils n’étaient pas en tournois ou à l’entraînement à l’extérieur, ils vivaient ici. Ils s’étaient constitué une deuxième famille (les Segueni), qui était en charge de l’entretien des courts. Et cette famille les invitait à manger le couscous sous le Central. Noah et Moretton gardent un souvenir assez doux de cette période.

Parties de cache-cache sous le Lenglen

A Roland-Garros, dans les années 1930

Tous les joueurs français ont un rapport très particulier avec ce stade. Gaël Monfils aussi, par exemple…

C’est un joueur qui aime faire le show. Mais avant de faire le show en tant qu’adulte, il le faisait aussi quand il était enfant. Il est souvent venu dans ce stade, pour différents rassemblements. Et quand il était petit, il adorait jouer à cache-cache. Il se cachait sous le Court Suzanne Lenglen, qui est doté d’un parking. Et on ne retrouvait jamais…

Il y a quelqu’un qui a un rapport encore plus particulier avec ce stade, et qui n’est pas français, c’est bien sûr Rafael Nadal. Roland-Garros, c’est sa deuxième maison…

Il connaît parfaitement les moindres recoins du Court Central. Un court immense, puisque c’est le terrain en terre battue le plus grand du monde. En 2014, il y a eu une réfection profonde du court. On a notamment changé le craon, qui est une couche en dessous de la terre battue. Quand le court a été refait et que Nadal est revenu, il était très surpris par les rebonds, et il était un peu en panique. Il s’est adressé au responsable de l’époque, qui lui a dit que le court devait encore être arrosé, et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Nadal est monté sur le terrain pour un premier entraînement, et puis pour un deuxième. Il s’est tourné vers le responsable en question, et rien qu’à son regard, on a compris qu’il était content, et que le court était bon.

On s’est battu pour la terre battue

De la boxe sur le Court Central de Roland-Garros, en 2021

Il y a une chose que l’on ne sait pas forcément, c’est que ce tournoi sur terre battue a été en danger. Pas le tournoi en lui-même, mais la terre battue…

Oui, la surface a été remise en cause, en 1973. Roger Taillibert, un architecte qui a notamment conçu le Parc des Princes, était en charge d’émettre un dossier sur un nouveau court central. Et à ce moment-là, refaire un terrain en terre battue n’était plus une évidence. Le président de la Fédération, Philippe Chatrier, a discuté avec des joueurs français de Coupe Davis. Et ces joueurs ont sauvé la surface. On l’ignore souvent, mais oui, elle aurait pu changer, s’ils n’avaient pas soutenu la terre battue. On aurait alors eu trois Grands Chelems sur dur. Ce qui a peut-être fait pencher la balance, c’est la singularité de ce tournoi, la différence, la surface, l’exigence de la terre battue. Et c’est très bien.

Roland-Garros est le théâtre d’un prestigieux tournoi de tennis. Mais il a déjà accueilli un autre sport, la boxe. Et le fera encore prochainement…

Il y a eu de la boxe l’année dernière, sur le Court Central. Et c’était déjà arrivé dans les années 70 aussi. Cela permettait de faire vivre le site hors saison. Et puis, les compétitions de boxe des Jeux Olympiques de Paris, en 2024, seront organisées sur le Court Suzanne Lenglen, qui sera alors équipé d’un toit rétractable à structure légère.

"Stade Roland-Garros", par Eliacin Aougbi, aux Editions Amazon.

Ecoutez l’interview de l’auteur…

Eliacin Aougbi, sur l'histoire du stade de Roland-Garros

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