Roland Garros

Roland-Garros – Ils étaient ramasseurs de balles il y a quarante ans, le jour de la victoire de Yannick Noah

Yannick Noah a gagné Roland-Garros le 5 juin 1983, il y a quarante ans jour pour jour

© AFP or licensors

Par Christine Hanquet

Ce lundi 5 juin, des milliers de Français se souviendront avec émotion qu’ils étaient là, dans les tribunes du Central, il y a quarante ans. Le jour où Yannick Noah a gagné Roland-Garros… Aucun joueur français n’a plus remporté de Grand Chelem depuis, en simple. Des joueuses françaises l’ont fait.

Ce 5 juin 1983 a été une journée vraiment très spéciale pour quelques enfants, qui étaient aux premières loges. Pas parmi les spectateurs, mais sur le court. Ils étaient ramasseurs de balles, lors de ce match historique, gagné par Yannick Noah face à Mats Wilander, 6/2-7/5-7/6.

Vincent Boullier avait quatorze ans, en 1983. Le simple fait d’être à Roland-Garros, c’était magique, pour lui. "J’étais fan de tennis. Rentrer à Roland-Garros, voir mes idoles d’aussi près, c’était un truc fou. Et j’étais également fan de Jean-Paul Belmondo. On le sait, il venait assister au tournoi chaque année. Je suis rentré sur le court et je l’ai vu. Il était dans une loge, à deux mètres de moi. J’ai ressenti beaucoup d’émotion."

Et puis, quelques jours plus tard, il y a eu la fameuse finale. Au moment même, l’importance de l’événement avait un peu échappé à ceux qui étaient sur le terrain. "Quand on a cet âge-là, on ne se rend pas compte. Mais je pense que Yannick Noah, lui non plus, ne se rendait pas compte, à l’époque."

Du monde partout sur le court

Vincent Boullier a été pris dans une espèce de douce folie, en fin de rencontre. "On ne fait pas des matches entiers, comme ramasseur. J’étais là pendant le premier set, et après, je suis allé dans les tribunes. Quand on sent que la rencontre va peut-être se terminer, on redescend dans les coulisses, pour faire une haie d’honneur au vainqueur. Je suis rentré sur le Central, il y avait plein de gens partout, des journalistes partout. On a essayé de faire notre haie d’honneur comme on l’avait répétée, mais c’était trop compliqué, au milieu de cette foule. C’était incroyable."

Matthieu Camison

Matthieu Camison a été ramasseur de balles de 1981 à 1984, à Roland-Garros. Il venait d’avoir douze ans, au moment de la fameuse finale franco-suédoise. Ce qu’il retient toujours, quarante ans plus tard, c’est la gentillesse du champion français. "J’avais déjà 'ramassé' Yannick en 82. Il avait été jusqu’en quart de finale. Il ne connaissait pas mon prénom, mais en 83, quand il vient à nouveau sur le Central, je l’ai 'ramassé' plusieurs fois, et il me reconnaît. Nous avions un peu une relation de complicité. Il s’adressait toujours très gentiment aux ramasseurs de balles. Il ajoutait systématiquement un 's’il te plait', quand il demandait de l’eau ou une serviette. Ce joueur était le leader du clan français, et était un grand frère pour nous."

Le jeune garçon avait sans doute la meilleure place, dans tout le stade. Il était ramasseur de balles au filet, tout près de Yannick Noah. "Je l’ai toujours beaucoup observé. Aux changements de côté, chaque ramasseur au filet se place près d’un joueur. Et moi, Yannick étant mon idole, je me mettais toujours à côté de lui. D’où quelques petits mots, quelques petits regards entre nous. Mais rien de tout cela lors de la finale, il était extrêmement concentré. Je l’observais, et j’étais aux premières loges pour voir ce match plus serré que ne l’indique le score."

Une ambiance électrique

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Une finale qui a lieu dans une ambiance très particulière. "On a l’impression que Yannick arrive sur le court en rock star. Il vient pour gagner. Il n’a pas d’autres choses en tête. La défaite est impossible pour lui. Les spectateurs sont debout, avant que le match commence. L’ambiance est électrique. Yannick est dans sa bulle. Là, on ne parle plus de connivence ou de petits mots. Au fur et à mesure du match, on se dit que c’est possible, il peut gagner. Et il a gagné. Cette victoire reste gravée dans ma tête et dans mon cœur. J’ai encore des frissons en vous en parlant. Ce moment a été du niveau de la Coupe du monde 98, quelques années plus tard. Sauf que Yannick nous a fait vibrer à lui tout seul."

Matthieu Camison garde également un très bon souvenir de la demi-finale de Yannick Noah, deux jours plus tôt. "Je me suis dit que c’était le moment ou jamais. On n’a pas le droit, normalement, de s’adresser aux joueurs. Mais à la fin du match, je lui ai demandé s’il pouvait me donner son serre-poignet. La scène est passée en gros plan à la télévision, et on lit très bien sur mes lèvres ce que je lui dis. Il m’a donné son poignet. Je suis très fier de l’avoir toujours aujourd’hui, et il a une grande valeur sentimentale pour moi. C’était mythique, puisque Yannick jouait avec un poignet en éponge rasta, avec 'Bob Marley' écrit dessus. Il m’avait déjà donné une raquette, quelques mois plus tôt."

Pas d'école pendant trois semaines

On imagine aisément que ces enfants ont eu beaucoup de choses à raconter à leurs parents et à leurs camarades de classe, après cette expérience. Et que tout le monde les a vus à la télévision. Vincent Boullier en sourit encore. "Je pense que ma mère a une quarantaine d’heures de VHS de moi. On me voit une fois toutes les 43 minutes, mais oui, on me voit. Je ne la remercierai jamais assez de m’avoir permis de vivre ces moments-là. Parce que pour être ramasseur de balles, il faut que vos parents acceptent que vous séchiez les cours pendant trois semaines. Cela avait été assez compliqué avec l’école."

Matthieu Camison confirme. "Les professeurs étaient moyennement contents, au bout de la quatrième année, que je m’absente chaque fois plus de quinze jours, au moment de Roland-Garros. Et cela a fini par coincer."

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10.000 ramasseurs de balles ont officié à Roland-Garros, depuis cinquante ans, depuis que ce sont des enfants, et plus des adultes, qui exercent cette fonction. Leur partenaire depuis le début, BNP Paribas, vient d’organiser une soirée de retrouvailles, au début de l’édition 2023 du tournoi. Et il maintient un lien entre eux, quel que soit leur âge, à travers une plate-forme, "We Are Ballos", et via les réseaux sociaux. Matthieu Camison s’y est inscrit. "J’ai gardé des contacts avec certains ramasseurs de balles, pas forcément ceux de la finale de 83. Et on échange de temps en temps, c’est vraiment chouette. On a vécu un truc ensemble, et c’est quelque chose de gravé à vie. Comme le disent les responsables actuels, on fait partie de la même famille, les 'Ballos'. C’est comme cela que l’on appelle les ramasseurs de balles à Roland-Garros. Et quelle que soit son époque, on se sent unis derrière cette famille."

Une famille qui, depuis 2000, accueille des jeunes de toute la France, et non plus seulement de la région parisienne.  

Et qui accueille de temps en temps des ramasseurs de balles belges, ces dernières années. Si vous en êtes, et que vous avez envie de reprendre contact avec d’autres anciens, n’hésitez pas à vous manifester, sur Ramasseurs de balles : partagez votre expérience ! (rolandgarros.com)

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