Maryna Zanevska est une joueuse d’une gentillesse infinie, depuis toujours. Et maintenant, en plus, elle est terriblement touchante. Evidemment fragilisée émotionnellement par la guerre en Ukraine. Elle a grandi à Odessa, avant de venir habiter en Belgique à quinze ans, pour parfaire son apprentissage du tennis à l’Académie de Justine Henin. En septembre 2016, elle est devenue belge. Mais son cœur est bien sûr encore en partie ukrainien, surtout en ce moment.
Rencontre avec Maryna Zanevska, avant son entrée en lice à Roland-Garros (face à la Chinoise Qinwen Zheng)…
Maryna, comment allez-vous, en ce moment ?
Je me sens bien. Après le tournoi de Miami, je me suis arrêtée pendant six semaines, pour soigner un souci au dos. Je voulais aussi prendre mon temps, pour gérer les émotions liées à la situation en Ukraine. J’ai dû apprendre comment réagir face à la guerre, et je me sens maintenant un peu mieux mentalement. J’ai joué deux épreuves sur terre battue avant Roland-Garros, et ce n’était pas mal. J’ai disputé pas mal de matches, et j’ai pris de la confiance. Et là, je suis très excitée, à l’idée de commencer ce tournoi.
Peut-on vous demander si vos parents, votre famille, vos amis, vont bien ? Et si au moins, vous pouvez jouer en étant débarrassée du stress lié à leur sécurité ?
Mes parents sont avec moi à Paris, et c’est bien. On ne sait pas ce qu’ils feront après le tournoi. Je n’ai pas envie qu’ils retournent en Ukraine, mais c’est ce qu’ils souhaitent. C’est chez eux. Tous les Ukrainiens veulent retourner chez eux, même s’ils apprécient l’accueil des autres pays. Le reste de ma famille, et mes amis, sont toujours en Ukraine, heureusement pas dans des villes occupées. C’est difficile à gérer. Au début, je ne savais pas comment je pourrais arriver à jouer au tennis, à faire mon boulot, malgré la situation là-bas. Ce n’est pas facile, mais j’y arrive. C’est un peu compliqué de parler de cela.
Quand vous jouez, vous arrivez à tout oublier, le temps d’un match ?
Oui, quand je joue, je ne pense pas à la guerre. Le tennis m’a aidée à continuer à vivre plus ou moins normalement. Sur le court, je me concentre simplement sur le prochain point. Je ne sais pas si c’est bien, mais je crois que c’est bon pour moi. C’est comme ça.
Votre récent mariage vous a aidée aussi…
Oui, je suis heureuse. J’ai trouvé mon équilibre, j’ai trouvé la paix et la sérénité. Je ne sais pas où j’en serais, sans mon mari.
C’est paradoxal. Vous vivez une situation extrêmement compliquée à cause de la guerre, mais votre vie personnelle est remplie d’événements positifs. Et votre carrière va très bien. Vous êtes maintenant soixantième mondiale, ce qui est votre meilleur classement absolu…
Si je suis heureuse dans ma vie personnelle, je serai mieux sur les courts. Je pense que c’est la même chose pour tout le monde. Le tennis, c’est juste un jeu. C’est mon boulot, que je fais bien ou pas bien. Mais si je perds, c’est juste un match. Et j’ai une vie, quand je sors du court.
Ma maman a absolument voulu sauver mes trophées
Vous avez mis longtemps à entrer dans le top 100, et maintenant vous êtes soixantième. Savez-vous où est votre limite ?
Je n’y pense pas. J’ai été deux-centième pendant plusieurs années, et je pensais toujours à améliorer mon classement. Mais ce n’est pas la bonne solution, ce n’est pas bon pour le mental. Maintenant, je me concentre sur ce que je dois faire sur le terrain, comment je dois progresser. Et le classement n’arrive qu’après.