Roland Garros

Roland-Garros : Un Belge, Olivier Jeunehomme, entraîne l'un des plus grands espoirs du tennis mondial

La Danoise Clara Tauson et son entraîneur belge, Olivier Jeunehomme

© Olivier Jeunehomme

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Par Christine Hanquet

Wim Fissette, l’entraîneur de Naomi Osaka, a quitté le tournoi, pour les raisons que l’on connaît, le forfait de sa joueuse. Mais il n’était pas le seul entraîneur belge à avoir accompagné une joueuse non-belge. Philippe Dehaes était présent avec la Slovène Kaja Juvan, battue au premier tour par la tenante du titre, Iga Swiatek. Carl Maes n’est pas venu à Paris, mais il entraîne la Roumaine Sorana Cirstea, qualifiée pour le troisième tour.


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Et puis, il y a Olivier Jeunehomme. Il coache la Danoise Clara Tauson, à l’Académie Justine Henin. Il l’accompagne dans tous ses tournois, et il était donc avec elle à Roland-Garros. Cette jeune fille de dix-huit ans est un très grand espoir du tennis mondial. Elle a montré de belles choses, au deuxième tour, face à Victoria Azarenka, mais elle a été éliminée.

Olivier Jeunehomme s’est confié sur sa joueuse, et sur le tennis féminin. Entretien…

Olivier, votre joueuse n’est pas encore très connue chez nous. Et c’est dommage, sans doute, parce qu’elle est prometteuse, et elle vit en Belgique. Présentez-nous Clara Tauson…

C’est une grande athlète, 1 mètre 84. Elle est très puissante, elle a du talent, elle travaille beaucoup, surtout. C’est une très gentille fille, qui est à l’écoute, et qui est très douce. C’est une belle personne.

A-t-elle beaucoup de pression sur les épaules ? Au Danemark, elle est sans doute très attendue, après la retraite de Caroline Wozniacki…

Elle en a conscience, parce qu’elle est tout le temps comparée à Caroline. Ce qu’elle n’aime pas trop, car à part la nationalité, elles n’ont pas grand-chose à voir. Elles n’ont pas le même jeu, ni la même personnalité. Ces comparaisons lui pèsent un peu. Et c’est d’ailleurs un peu pour cela qu’elle a décidé de quitter le Danemark. Pour évacuer cette pression-là. Mais je crois que c’est quelqu’un qui ne se stresse pas trop malgré tout, et qui a de bonnes capacités de résistance à ce genre de chose.

Clara Tauson à Roland-Garros

Elle l’avait montré il y a quelques semaines, au tournoi de Lyon. Elle l’avait gagné, après être sortie des qualifications…

Ce n’était pas du tout attendu. Ce n’était que son deuxième tournoi WTA. Le début de saison avait été compliqué, elle n’avait pas bien joué aux qualifications de l’Australian Open. Elle a été très courageuse, parce qu’elle a joué des très petits tournois après cela, ce qui n’est pas évident psychologiquement. En dernière seconde, elle a eu l’occasion de rentrer dans les qualifications du tournoi de Lyon. Et elle a gagné l'épreuve.

Pourquoi, quand elle a décidé de partir de chez elle, a-t-elle choisi la Belgique, et l’Académie Justine Henin ?

Elle et sa famille ont tenté désespérément de trouver une structure, et surtout de trouver un coach qui pourrait voyager tout le temps avec elle. Au Danemark, il n'y a pas une fédération très puissante ou très structurée. Il n'y a pas de centre national. Il n'y a pas non plus beaucoup d’argent. Ils n’ont pas trouvé d’entraîneur disponible là-bas. Ils ont cherché ailleurs, en Chine notamment. Et ils sont venus faire un essai chez nous. Je venais de terminer ma collaboration avec Dayana Yastremska. Ils cherchaient quelqu’un avec qui cela allait "matcher". Nous avons des personnalités qui se complètent bien. Je suis plutôt quelqu’un de calme et de posé, et elle a besoin de quelqu’un comme cela, parce qu’elle est aussi très posée. Tout s’est fait naturellement. L’environnement lui plaisait également, parce que l’Académie n’est pas une "usine à champions". C’est une petite structure, et c’est ce qu’elle cherchait. Tout cela est arrivé en octobre 2019, et Clara n’avait pas encore dix-sept ans.


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Quand on a cet âge-là et que l’on envisage d’aller en Chine, c’est qu’on est prête à sacrifier beaucoup de choses pour sa future carrière...

Oui, elle est volontaire. Elle a déjà fait des choix importants, à plusieurs niveaux. Je trouve que c’est un signe encourageant pour son avenir, au-delà du fait qu’elle joue bien. Et on sait que bien jouer, c’est bien plus que réussir des coups droits et des revers. Il faut un mental. Elle est capable de prendre des décisions par elle-même, et de s’y tenir. Et c’est très bien.

Jonas Wallens (préparateur physique), Clara Tauson, Olivier Jeunehomme

On dit souvent qu’être entraîneur d’une jeune fille, ou d’une jeune femme, c’est particulier et difficile. On dit souvent aussi qu’une joueuse de tennis, c’est fragile. Et on ne fait pas uniquement référence à "l’affaire Osaka"…

Je ne dirais pas qu'une joueuse est plus fragile qu’un joueur. Une joueuse fonctionne différemment. Avec une fille ou une femme, il y a une dimension "équipe" qui est très importante, et qui l’est moins chez les garçons. Même si je vois de plus en plus cela aussi dans le tennis masculin. Quand il y a un élément qui ne fonctionne pas à l’extérieur du terrain, cela ne marche plus non plus sur le terrain. La seule chose, c’est que les joueurs ont plus de mal à le dire, alors qu’une joueuse va avoir le courage de le reconnaître. J’ai personnellement beaucoup de plaisir à coacher des jeunes filles ou des dames, et c’est justement pour cela. Il y a beaucoup plus d’échanges et de sincérité. Elles osent parler de ce qu’elles ressentent, une fois qu’un climat de confiance s’est installé. C’est ce partage qui me plaît beaucoup. Un homme a parfois tendance à tout garder pour lui, et c’est un peu plus compliqué à gérer. Et pourtant, on a tendance à croire que c’est l’inverse.

Il y en a quelques-uns, des coaches belges, sur le circuit féminin. Il y a vous, Philippe Dehaes, Carl Maes, Wim Fissette…

Je crois qu’on a une formation de qualité, en Belgique, pour les entraîneurs. Et des facultés d’adaptation, ce qui est justement important, dans le tennis féminin. Je suis assez conscient que j’ai eu la chance d’être bien formé, dans mon pays.

Clara Tauson

Clara Tauson est encore très jeune, et elle va évidemment encore beaucoup progresser. Mais elle est vraiment le très grand espoir que l’on annonce ?

Moi j’y crois vraiment. Elle a énormément de qualités, mais il faut de la patience. C’est une fille qui fait 1m84 et qui grandit encore. Elle est puissante, elle a un jeu complet, elle sait faire des amorties, elle frappe bien, elle sert bien, elle retourne bien, elle sait tout faire. Et quelqu’un qui sait tout faire et qui a des qualités athlétiques comme elle, demande un peu plus de patience qu’une joueuse d’un autre type. Moi j’y crois vraiment très fort.

Il y a une qualité qu’on aimerait bien qu’elle ait… Vous lui apprenez le français ?

Pour parler, elle est encore un peu timide, mais elle essaie. Comprendre, ça oui. Et je dois faire un peu attention, parce qu’elle comprend tout (sourire). A force de nous entendre parler français, le préparateur physique et moi, plus Justine et Carlos, elle est arrivée à nous comprendre, maintenant. Parler, ce sera peut-être l’étape suivante.

Et vous parlez quelques mots de danois ?

Ouh, non. J’essaie, mais c’est imprononçable, avec tout le respect que j’ai pour la langue danoise. Je n’y arrive pas. J’ai juste appris "tak", qui veut dire "merci". Mais pour le reste, c’est trop compliqué…

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