Depuis le mois de novembre 2022, on n’a jamais autant associé les termes "football" et "Arabie saoudite". La prestation héroïque des hommes de Hervé Renard face au futur champion du monde argentin a constitué un coup de projecteur faramineux sur ce pays de la péninsule arabique. Hors des terrains, une image a effacé des années de tension entre les Saoudiens et l’émirat du Qatar. Celle de l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, portant un drapeau saoudien sur les épaules. De quoi réchauffer les deux pays concurrents dont les rapports diplomatiques étaient pour le moins distendus. Le géant saoudien a pu évaluer les bienfaits de la compétition sportive la plus suivie au monde sur la presqu’île qatarienne. Et il a depuis lors entrepris les grandes manœuvres pour que le Mondial revienne au plus vite : en 2030.
Les deux meilleurs joueurs du monde en vitrine
Cristiano Ronaldo est sans club au moment de se présenter avec la Seleçao au Qatar. Divorcé de Man Utd, la légende aux cinq Ballon d’Or profite de l’instant pour nouer des liens avec le club d’Al-Nassr, une formation historique de l’autre côté de la frontière. Il se murmure que le contrat pharaonique signé quelques semaines plus tard a aussi pour but de faire de CR7 le futur ambassadeur de la candidature de l’Arabie saoudite pour l’organisation du Mondial 2030, ce que le pays finit par démentir. Il n’empêche, l’arrivée d’un monstre du football a une vertu indéniable : celle de braquer les projecteurs vers le modeste championnat local, et de faire passer l’idée qu’Arabie saoudite et football de haut niveau ne sont plus antinomiques. Une stratégie à peine différente de celle pratiquée il y a une dizaine d’années par le Qatar, qui avait fait du PSG son joyau pour s’offrir une légitimité sur la scène mondiale. L’épisode de la visite express de Lionel Messi sur le sol saoudien ne peut être compris que par la volonté d’ouvrir les bras au récent champion du monde. Imaginez un seul instant les deux meilleurs joueurs contemporains se tirer la bourre comme à la belle époque. Difficile de rêver d’une publicité plus iconique pour un pays en mal de légitimité footballistique.
Un lobbying bien établi
Au-delà de la nécessité de développer une image de marque, il y a ce besoin impérieux de convaincre les nations mondiales de voter saoudien lors du 74e Congrès de la FIFA. C’est lors de cette assemblée, qui aura lieu dans le courant de 2024, que la candidature élue sera officialisée. Le journaliste Philippe Auclair explique sur Eurosport.fr que l’Arabie saoudite conclut, au vu et au su de chacun, des pactes avec différents pays pour "développer des initiatives innovantes et qui visent à long terme à élever le niveau de compétition du football et à développer les compétences des administrateurs du football". Parmi les cibles à séduire, la Confédération Africaine de Football et ses 54 fédérations, qui représentent autant de voix à conquérir. Largement de quoi faire pencher la balance.
Une candidature qui jouera sur l’affect
Pour multiplier ses chances, l’Arabie saoudite entretient des rapports avec d’autres pays pour multiplier les candidatures communes. Le journal The Athletic évoquait la possibilité d’un binôme avec l’Italie. Ce rapprochement, qui peut sembler incongru, ne date cependant pas d’hier : les deux pays ont collaboré sur plusieurs événements, dont l’organisation de la Supercoupe d’Italie. Mais le dossier le plus avancé est celui d’une tripartite avec l’Egypte et la Grèce, comme le rapporte le Times. Une candidature maligne à bien des égards : non seulement elle en appellerait à l’esthétique des mythologies grecques et égyptiennes, connues de tous, mais aurait une valeur hautement symbolique vu le pont qui s’opérerait entre chrétienté et islam. Dernière vertu, et non des moindres : le tournoi serait disputé sur trois continents et donc au sein de trois confédérations différentes (l’UEFA pour la Grèce, la CAF pour l’Egypte et l’AFC pour l’Arabie saoudite). De quoi satisfaire le plus grand monde.
