Comme le rappelle l’exposition Portrait of a Lady en cours à la Villa Empain, les artistes femmes parvenues à la postérité font figure d’exception. Rosa Bonheur en est assurément une : de son vivant, elle connaît le succès des deux côtés de l’Atlantique. A trente-huit ans, les revenus de son travail lui permettent d’acheter un château, du jamais vu au milieu du XIXe siècle ! De plus, ce n’est pas n’importe quelle peintre mais une peintre animalière. Pourtant, à l’époque, les femmes artistes étaient "confinées à certains genres, interdites de devenir "peintre d’histoire", uniquement cantonnées au genre de "peintre de ménage" moins prestigieux, ayant pour sujets dit "féminins" les paysages, la nature morte, les fleurs, le foyer, les portraits d’enfants". Rosa, qui porte pourtant le prénom d’une fleur, s’insurge. Elle sait "qu’aucune de ces formes communément admises aux personnes de son sexe ne répond à ses aspirations. La nature est son livre et pour ce qui est du portrait, elle a choisi depuis longtemps ses modèles." Ce seront les animaux qu’elle aime profondément. Ainsi, son Marché aux chevaux est un manifeste pour la défense des bêtes. Déjà très jeune, Rosa fréquentait les abattoirs et les marchés aux bestiaux. En côtoyant assidûment ce monde d’hommes, elle a découvert sa violence et sa dureté qu’elle n’a cessé de dénoncer avec force dans ses toiles. Sa peinture est caractérisée par le fait qu’elle montre l’animal comme sujet vivant et non comme objet. Le Marché aux chevaux représente des percherons, ces chevaux de traits qui tiraient la diligence qui, dans son enfance, a emporté Rosa de Bordeaux à Paris… Avec ce tableau, Rosa Bonheur se confronte aux plus grands, à Gericault et à Delacroix. Elle réalise son rêve secret : montrer que le génie n’a pas de sexe. Le fruit du saint-simonisme n’est pas tombé loin de l’arbre…