Saïgon 1975, Kaboul 2021 : une comparaison justifiée ?

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Interrogé en juillet sur le retrait final des troupes américaines d’Afghanistan, après vingt ans de conflit, le président Joe Biden avait refusé d’y voir un parallèle avec le retrait du Vietnam en 1975. "Il n’y aura pas de situation où vous verrez des gens se faire exfiltrer en hélicoptère depuis le toit de l’ambassade américaine en Afghanistan, avait-il martelé. Ce n’est pas du tout comparable."

Pourtant, au lendemain de la prise de Kaboul par les Talibans, de nombreux internautes ont partagé un cliché d’Associated Press montrant un hélicoptère de l’armée américaine quittant l’Afghanistan, ce 15 août 2021. Beaucoup ont alors fait le rapprochement avec la photo, étrangement similaire, d’un même hélicoptère, quittant Saïgon, au Vietnam, après la défaite américaine, le 30 avril 1975. A l’époque, ce n’était pas les Talibans, mais l’armée du Nord Vietnam et le Front de libération du Sud-Vietnam (Viet Cong) qui avaient alors repris la capitale, rebaptisée ensuite Hô Chi Minh Ville.


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Pour beaucoup d’internautes, il y a donc bien un air de déjà-vu. Sur place, plusieurs sources abondent : "c’est le Vietnam dans tous ses aspects”, a notamment confié à l’AFP le représentant d’un État membre de l’Otan. Pour la députée républicaine Elise Stefanik, il est clair que la chute du régime afghan est "le Saïgon de Joe Biden", "un échec désastreux sur la scène internationale, qui ne sera jamais oublié." Même son de cloche chez certains démocrates, comme la députée Debbie Dingell, qui a admis sur la chaîne MSNBC "se sentir comme lors de la chute de Saïgon".

Mais même si les photos interpellent, la comparaison est-elle justifiée ? Le site USA Today précise que les situations sont fort différentes. En 1975, le retrait américain du Vietnam avait eu lieu deux ans après la signature des accords de pays ; en Afghanistan, il n’a fallu que quelques mois, entre avril et septembre, pour que les troupes américaines quittent le pays. Au Vietnam, l’opération 'Frequent Wind' avait eu pour but de rapatrier des civils sud-vietnamiens. Il s’agissait d’une opération NOE (évacuation de non-combattants), terme que les autorités américaines refusent pour le moment d’utiliser concernant le retrait d’Afghanistan.


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Pour Brett Bruen, ancien directeur du 'Global Engagement' du président Barack Obama, la situation en Afghanistan est même pire qu’à l’époque du Vietnam. "C’est un désastre absolu pour nos efforts de contre-terrorisme, explique-t-il à USA Today. Cela nous renvoie deux décennies en arrière, dans une position où nous allons voir la menace grandir dans les mois qui viennent, avec des attaques enhardies par ce qui s’est passé en Afghanistan."

Selon lui, la situation actuelle en Afghanistan est "le Vietnam sous stéroïdes". "Biden a fait une fixette sur le retour de nos hommes, soupire-t-il. Il a perdu de vue le fait que les Afghans n’étaient pas prêts et nos troupes pas prêtes non plus à prendre congé." En un mot : l’administration Biden aurait sous-estimé la puissance des Talibans et leur capacité à reprendre le pays vingt ans après.

Des milliers d’Afghans se sont assis sur le tarmac à Kaboul, dans l’espoir de pouvoir fuir le pays.
Des milliers d’Afghans se sont assis sur le tarmac à Kaboul, dans l’espoir de pouvoir fuir le pays. © AFP or licensors

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De son côté, l’administration Biden continue de rejeter fermement la comparaison. "Nous ne supprimons pas totalement notre présence diplomatique sur place, précise à l’AFP John Kirby, porte-parole du Pentagone. Personne n’abandonne l’Afghanistan. Nous ne faisons que ce qui est nécessaire au bon moment, pour protéger notre peuple." Dimanche, le secrétaire d’État Anthony Blinken déclarait que ce n’était "manifestement pas Saïgon" et que les Américains avaient fait leur devoir en restant vingt ans en Afghanistan, pour "régler le compte de ceux qui nous ont attaqués le 11 septembre 2001".

Selon lui, c’est l’absence de volonté des militaires afghans de mettre fin à la rébellion des Talibans qui a causé la chute de Kaboul. "Malheureusement, tragiquement, ils n’ont pas été capables de défendre le pays, a-t-il déclaré sur CNN. Et je pense que cela explique pourquoi tout est allé aussi vite."


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Les conséquences pourraient toutefois être désastreuses pour Joe Biden. En 1975, le président Gerald Ford, qui venait d’arriver au pouvoir, avait en réalité peu souffert de cet échec, rappelle USA Today, puisque les accords de paix avaient eu lieu sous son prédécesseur, Richard Nixon. En 2021, l’abandon américain de Kaboul pourrait ternir l’image de superpuissance des Etats-Unis, garants de la démocratie à travers le monde.

Images d'archives: la prise de Saïgon en 1975

60 ans de TV: prise de Saïgon

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