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#SalePute : un documentaire édifiant sur la cyberviolence contre les femmes

#SalePute

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Florence Hainaut et Myriam Leroy, journalistes et réalisatrices, ont subi des cyberviolences comme 73% des femmes dans le monde. En partant des discours de haine en ligne, elles nous emmènent dans un récit international, à la fois intime et politique, qui dresse un état des lieux alarmant de la misogynie.

#SalePute : un documentaire à voir absolument le mercredi 12 mai à 20h30 sur La Une dans une émission spéciale " QR le débat " animé par Sacha Daout.

Le documentaire sera également disponible en replay sur Auvio pendant 90 jours ! 

Diffusé dans le cadre d’une semaine de sensibilisation sur les médias de la RTBF contre le cyberharcèlement, ce documentaire est un véritable coup de poing. En 57 minutes, il donne à voir l’ampleur et la gravité d’un phénomène trop souvent minimisé : celui de la haine qui s’exerce contre les femmes en ligne.

Cela fait plus de 15 ans que Florence Hainaut et Myriam Leroy endurent ce qu'on leur a longtemps présenté comme étant " les risques du métier ". Loin d’être des cas isolés, elles ont décidé de donner la parole à des femmes de tous profils et de tous pays. Journaliste, chroniqueuse, parlementaire, humoriste, youtubeuse ou encore avocate : avec une force et un courage remarquables elles racontent la violence des mots et les menaces ; elle racontent l’acharnement de leurs harceleurs. Les harceleurs ne sont pas des dingues ou des idiots. Ils ne sont pas des anomalies du système, ils sont le système disent-elles. Toutes ont reçu les mêmes messages, qui disent en substance : ferme-la et reste à ta place.

On ressort de ces 57 minutes avec l’intime conviction que ce film est salutaire, fondamental et urgent à faire voir pour faire bouger les lignes. Un film pour que personne ne puisse plus dire qu’il ne savait pas! 

Une production Produit par Kwassa Films en coproduction avec la RTBF / ARTE G.E.I.E et Proximus

 

Rencontre avec les réalisatrices Florence Hainaut et Myriam Leroy

Myriam Leroy et Florence Hainaut
Myriam Leroy et Florence Hainaut © Romain Garcin

Votre film parle de cyberharcèlement, mais ce que vous dénoncez va au-delà ?

Le véritable thème du film, ce n’est pas le cyberharcèlement, c’est la misogynie et les conséquences du peu d'attention qu'on lui prête dans nos sociétés. Nous voulions mettre le focus sur l’indifférence des institutions et de la population à la haine et au mépris des femmes. Ce film n'est pas une galerie de portraits de femmes suppliciées, c'est un documentaire politique, qui expose les effets sur la démocratie de la violence exercée contre les femmes par des moyens numériques. L’angle que nous avons choisi est celui des discours de haine contre les femmes sur Internet : les insultes, les menaces. Mais ils peuvent s’exercer également de mille autres manières.

Comment expliquer l’impunité de cette haine qui s’exprime sur le net ?

Il n'y a de législation appropriée à la situation nulle part, mais certains pays sont encore plus en retard que les autres. En Belgique, par exemple, la constitution implique que les infractions commises publiquement et par écrit (dont celles exprimées sur Internet) sont considérées comme relevant du délit de presse, et donc de la Cour d’assises. De facto, cela fait en sorte qu'elles ne sont pas poursuivies, car on ne mobilise pas un jury populaire pour ce genre de dossier. Les rares fois où cette juridiction a souhaité s'en saisir, le délai de prescription des faits a été atteint avant la date du procès. Les seules infractions qui échappent à ce " privilège de juridiction " sont celles motivées par le racisme et la xénophobie, suite à une modification de la constitution en 1999. Le sexisme et l'homophobie, pour ne parler que de ces deux fléaux, restent protégés et entretenus par le vide juridique. Le gouvernement fédéral s’est engagé à modifier la constitution : il reconnaît qu’à l’heure actuelle, la Belgique est un paradis juridique pour les harceleurs.

c'est une révolution des mentalités que nous espérons, que les discours de haine sexiste deviennent socialement inconvenants

Mais il n’y a pas que la loi qui va enrayer le phénomène ?

Bien sûr, il est nécessaire que la police et la justice accueillent de manière satisfaisante les plaintes des femmes cibles d'abus. Trop souvent, on dit aux femmes attaquées de simplement disparaître des réseaux, de se faire toute petite. On rappellera qu'Internet est le gagne-pain, l'outil et le lieu de travail de nombreuses femmes harcelées : journalistes, autrices, influenceuses… Minimiser leur vécu parce qu'il n'a lieu " que sur " Internet est tout à fait hors sol. Leur conseiller de disparaître des réseaux n'a pas plus de sens que de conseiller aux femmes d'éviter de marcher dans la rue. Le harcèlement ne s'exerce pas SUR Internet, il s'exerce VIA Internet. Mais au-delà d'une évolution de la répression, c'est une révolution des mentalités que nous espérons. Il faudrait que les discours de haine sexiste deviennent socialement inconvenants. Que la honte change de camp et que l'opprobre ne couvre plus les femmes attaquées mais ceux qui les attaquent.

Les cyberviolences misogynes visent à faire disparaitre les femmes de l’espace public numérique, mais aussi physique

Et vous dites, c’est un enjeu fondamental ?

Oui, nous faisons aujourd'hui face à un problème qui touche d'importants enjeux démocratiques. Des journalistes disparaissent des antennes, hésitent à couvrir des sujets. Ne font plus la promotion de leur travail sur les réseaux sociaux. Des militantes se taisent. Des humoristes choisissent avec précaution les sujets sur lesquels elles vont blaguer. Des chercheuses arrêtent de s’exprimer dans les médias et sur Internet. Des youtubeuses renoncent à apparaitre. Parce qu’elles anticipent ce qui risque de suivre. Des jeunes femmes n’envisagent plus de se lancer en politique. Les cyberviolences misogynes visent à faire disparaitre les femmes de l’espace public numérique, mais aussi physique. L'invisibilisation à l'oeuvre dans les affaires de harcèlement n'est pas un dommage collatéral. C'est une fin en soi.

 

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