Primoz Roglic a pris son destin entre les mains ce samedi sur les pentes abruptes du Monte Lussari. Contre la poisse, contre les fantômes de la Planche des Belles Filles et contre tous ceux qui pensaient qu’un nouveau Grand Tour allait lui filer entre les doigts. Victime d’un saut de chaîne dans les derniers kilomètres du chrono, le Slovène n’a pas paniqué, s’est difficilement remis en selle et a recommencé à pédaler à une cadence infernale pour aller chercher un Giro 2023 qui semblait se refuser à lui.
Échouer lors du dernier chrono d’un Grand Tour, Primoz connaît. Tout le monde se souvient des regards médusés de Wout van Aert et de Tom Dumoulin, dégoûtés comme leur leader par la performance éclatante de Tadej Pogacar sur la Planche des Belles Filles.
Ces regards, cet état âme résigné, on l’a vu une nouvelle fois sur les visages des coureurs de l’équipe Jumbo-Visma, massés à quelques pas de la ligne d’arrivée pour suivre l’épilogue de ce Giro, souvent ennuyant mais rendu épique par ce chrono final d’anthologie.
"Il est maudit, ce n’est pas possible !" se sont-ils certainement dit au même titre que les dizaines de milliers de supporters slovènes qui ont franchi la frontière pour venir encourager leur héros.
Non, Primoz Roglic ne pouvait pas décevoir tout ce monde. Le visage déformé par la fatigue, la bave à la bouche, le Slovène a lâché ses dernières forces dans sa bataille pour réussir un final en boulet de canon. Un forcing irrésistible qui aura finalement eu raison d’un valeureux Geraint Thomas, impeccable pendant trois semaines mais un poil trop court face à un Roglic déterminé et inarrêtable.
Troisième du Giro en 2019, contraint à l’abandon lors de 3 des 4 derniers Grands Tours qu’il a disputés, Roglic tient enfin sa revanche et peut savourer le 73e succès d’une carrière fantastique.