Economie

Sauver le Crédit suisse était nécessaire, les banques européennes - et belges - sont-elles à l’abri ?

Rachat de Crédit Suisse : turbulences boursières

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Par Jean-François Noulet, avec R. Crivellaro, T. Dechamps et AFP

Les mesures d’urgence prises, ce week-end, par les autorités suisses pour apaiser les craintes autour de Credit Suisse et réduire les tensions sur le système bancaire ont permis aux Bourses européennes de remonter ce lundi à la mi-journée alors que leurs consoeurs asiatiques n'avaient pas été rassurées quelques heures plus tôt

Les valeurs bancaires restaient toutefois sous pression, reculant en moyenne d’1,57%. On notait cependant que certaines actions bancaires reculaient plus que d’autres, avec notamment -4,29% pour BNP Paribas, -5,13% pour ING et -2,34% pour Deutsche Bank.

On le voit, les marchés restent méfiants. Pourtant, tant pour Credit Suisse que pour les deux banques américaines, SVB et Signature Bank, il s’agissait, selon plusieurs observateurs du secteur bancaire, de cas particuliers et isolés qui, en aucun cas ne concerneraient les autres banques, en particulier les banques européennes.

Il était pourtant nécessaire que les autorités suisses volent au secours de Credit suisse. La banque, importante et qualifiée de systémique, aurait pu entraîner dans sa chute d’autres établissements bancaires.

Il fallait sauver le Crédit suisse

Le premier groupe bancaire suisse, UBS, a racheté son rival en difficulté Credit Suisse. L’annonce a été faite dimanche. Les autorités suisses ont poussé à cette solution, nécessaire à "rétablir la confiance", comme l’expliquait le Président de la Confédération helvétique.

La Suisse se devait d’arrêter d’urgence l’hémorragie. "La défiance à l’égard de cette banque était telle qu’au cours de la semaine passée, tous les jours, il y avait des retraits de dépôts pour, à peu près, 10 milliards de francs suisses", explique Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG de Paris et Lille.

Le Crédit suisse devait être sauvé du naufrage car c’est ce qu’on appelle une banque systémique. "C’est une banque à laquelle le reste de l’économie mondiale est tellement exposé que si elle devait plonger et faire faillite, cela entraînerait des conséquences dévastatrices pour un très grand nombre d’acteurs de par le monde, que ce soient d’autres banques, des compagnies d’assurances, des ménages, des états", explique Eric Dor. 

"Une fois qu’une institution aussi grande et aussi connectée que celle-ci est dans la tourmente, il y a toujours un risque de contagion", ajoute Pierre-Hugues Verdier, professeur de régulation financière à l’Université de Virginie.

Aujourd’hui, la banque Credit Suisse est en principe sauvée non seulement par UBS, qui la rachète et par les 100 milliards de francs suisses que l'État suisse met en garantie.

Les banques belges, et même européennes, à l’abri

Quel danger représentait Credit Suisse pour les banques belges ? Eric Dor rassure. "Le secteur bancaire belge est très peu exposé aux banques suisses en général et donc, forcément, à Credit Suisse lui-même", estime le professeur à l’IESEG, école de commerce à Paris et Lille. "En ce qui concerne nos banques, il n’y avait vraiment aucunes pertes, aucune exposition perdue. Elles ne détiennent pas de créances sur Credit Suisse qui auraient été effacées", ajoute Eric Dor.

Selon Eric Dor, il n’y a aucune raison rationnelle de se méfier des banques européennes de la zone euro et en particulier des banques belges. "Ce sont des banques très bien capitalisées, très bien surveillées et rentables, surtout avec la hausse des taux d’intérêt", souligne Eric Dor.

Rappelons au passage que les dépôts des épargnants belges sont protégés à concurrence de 100.000 euros par compte.

L’expert du secteur financier rappelle aussi, comme d’autres le faisaient déjà il y a quelques jours, que des règles ont été mises en place en Europe après la débâcle financière de 2008. C’est ce qu’on appelle le contrôle prudentiel. "On a vraiment une régulation très sérieuse", souligne Eric Dor pour qui ce qui est arrivé à la banque californienne, exposée de manière déraisonnable au risque de taux d’intérêt, n’aurait pas pu se produire chez nous. "Nos banques belges sont soumises à des tests de résistance. Si elles avaient un problème comme ça, on l’aurait détecté et elles auraient été obligées de corriger. Cela n’aurait pas pu arriver chez nous", rassure Eric Dor.

Pourquoi les bourses s’inquiètent-elles ?

Alors, si les faillites des deux banques américaines SVB et Signature Bank étaient des cas particuliers, justifiés par les activités de ces banques, si le cas de Credit Suisse s’expliquait aussi par des raisons propres à Credit Suisse, pourquoi un vent d’inquiétude a-t-il soufflé sur les marchés financiers, emportant avec lui le cours d’autres actions bancaires ?

De nos jours, qui détient les actions des banques ? "Ce sont avant tout des investisseurs institutionnels", résume Eric Dor. Ce sont des compagnies d’assurances qui investissent l’argent des primes d’assurances en actions pour couvrir les contrats d’assurance. Ce sont des fonds souverains, c’est-à-dire des fonds de placements financiers détenus par des Etats. Ce sont aussi des fonds de placement, comme des sicavs qui investissent en actions, notamment en actions bancaires. 

Aujourd'hui, ces investisseurs institutionnels jouent la carte de la prudence. "Ils essayent de bien gérer l’argent que leurs clients leur ont confié et, pour le moment, il y a une sorte de défiance qui s’installe à l’égard des banques", explique Eric Dor. "Ils se disent qu’on ne sait jamais et que, peut-être, on va découvrir un problème caché quelque part pour l’une ou l’autre banque. Donc, pour le moment, peut-être que la sécurité, c’est tout simplement de vendre les actions de banques pour acheter des actions d’autres secteurs", poursuit Eric Dor.

Une peur qui pousse les cours des valeurs bancaires à la baisse de manière irrationnelle. "Les cours boursiers actuels de la plupart des banques européennes sont totalement sous-évalués", estime Eric Dor pour qui "il n’y a aucune raison rationnelle pour qu’il y ait défiance à l’égard des banques européennes, de la zone euro, de la Belgique en particulier".

Il reste donc à espérer que du côté des marchés boursiers, les esprits se calment.

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