Monde

Scandale sanitaire et vide économique : les raisons de la colère en Guadeloupe et en Martinique

© AFP or licensors

Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a dénoncé mercredi une "minorité récalcitrante" et "violente" qui prend "toute une île en otage" en Guadeloupe, secouée par une crise sociale déclenchée par des manifestations contre l’obligation vaccinale des soignants. "La santé publique ne peut pas être instrumentalisée à des fins politiques", a-t-il insisté à l’issue du Conseil des ministres.

Des violences ont de nouveau eu lieu en Martinique dans la nuit de mardi à mercredi où neufs membres des forces de l’ordre ont été blessés malgré la décision de l’intersyndicale, à l’origine de la mobilisation, de lever les barrages pour éviter un emballement comme en Guadeloupe.

Les membres des forces de l’ordre ont tous été blessés lors d’échauffourées dans le quartier de Sainte Thérèse, à Fort-de-France, déjà le théâtre la nuit précédente de tirs par arme ciblant les forces de sécurité.

Depuis lundi matin, le réseau routier est fortement perturbé, avec barrages bloquant les principaux axes routiers, notamment aux abords des grands secteurs d’activité du Lamentin, situé au centre de la Martinique.

Ces violences se sont produites en marge de l’appel à la grève générale qui a débuté lundi pour dénoncer, comme en Guadeloupe, l’obligation vaccinale et les suspensions de soignants, mais aussi le coût de la vie et les prix des carburants.

Derrière cette mobilisation, 17 syndicats qui ont signé un préavis le 15 novembre dernier, en provenance de tous les secteurs économiques de l’île. En Guadeloupe, la préfecture a décidé, après une cinquième nuit de violences, de prolonger le couvre-feu jusqu’au 28 novembre dans l’île.

Le bureau des internes en Guadeloupe a annoncé mercredi dans un communiqué qu’ils exerçaient leur droit de retrait, évoquant un "péril imminent" face à l'"insécurité croissante" et à des "menaces" quand ils se rendent sur leur lieu de travail. "Les internes regagneront leurs postes au moment où leur sécurité sera de nouveau assurée", indiquent-ils.

Scandale sanitaire du chlordécone et rupture de confiance

La colère a grandi sur les cendres d’un scandale sanitaire ancien ; celui du chlordécone, un pesticide hautement toxique, utilisé dans les Antilles avec l’assentiment des autorités jusqu’en 1993, alors qu’il avait été interdit en France métropolitaine.

Ce pesticide utilisé sur les plantations de bananes, menacées par les charançons, a provoqué une importante et durable pollution aux Antilles. Or, sa dangerosité est pourtant connue depuis les années 60, et son utilisation a causé des dégâts sanitaires incalculables dans la population : selon Santé publique France, entre 1972 et 1993, neuf dixièmes des habitants de Martinique et de Guadeloupe ont été contaminés par cette substance, et aujourd’hui, ces habitants présentent un taux d’incidence pour le cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

"Ce qui se passe aujourd’hui est complètement prévisible, explique Elie Domota, secrétaire de l’Union des travailleurs de Guadeloupe, interrogé sur la télévision France 5, nous les Guadeloupéens, nous sommes un peuple, nous avons une histoire, et nous demandons à être écoutés quand nous avons des doutes, des doutes légitimes. Vous pouvez venir nous raconter tout ce que vous voulez, nous n’avons pas confiance".

Il n’y a pas que cet élément qui attise la frustration et la colère des habitants. A Pointe à Pitre, la population constate chaque jour la paupérisation croissante de la commune. Des artères commerciales entières sont désormais désaffectées, les rideaux des magasins baissés, tagués ou abîmés. Le maire de la ville, Harry Durmel (EELV) ne veut pas excuser les débordements, mais, dit-il, pour que le terreau favorable à cette colère existe, c’est qu'"il y a une défiance à l’égard de la puissance publique".

Interrogé par France Info, le député de Guadeloupe (LREM), Olivier Serva souhaite que les syndicats éclaircissent certaines de leurs revendications. Mais, dit-il, "il y a aussi une jeunesse guadeloupéenne qui souffre. Elle est au chômage à plus de 50%. Nous avons décidé, en tant qu’élus locaux, de les rencontrer pour leur apporter des réponses le plus vite possible".

"Pas négociable"

Pour calmer la situation, Jean Castex avait annoncé lundi la création d’une "instance de dialogue" afin de "convaincre et d’accompagner individuellement, humainement", les professionnels concernés par l’obligation vaccinale. Une décision qui n’a pas convaincu en Guadeloupe, où la nuit de lundi à mardi avait été marquée par des tirs à balles réelles contre les forces de l’ordre.

"La vaccination obligatoire pour les personnels soignants […] n’est pas négociable, le pass sanitaire n’est pas négociable non plus. On ne va pas négocier la sécurité sanitaire des Français", a pour sa part déclaré mercredi le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, interrogé sur FranceInfo.

Il a souligné l’importance du "fonds de solidarité" et des "soutiens publics massifs, légitimes" pour les Antilles. "J’ai parfaitement conscience des difficultés économiques, mais on ne les traitera pas dans la violence", a-t-il assuré.

En attendant, les Guadeloupéens emploient le système D pour minimiser l’impact sur leur quotidien des blocages routiers touchant l’île depuis près d’une semaine.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous