Monde Moyen-Orient

Scènes de joie à Gaza après la signature du cessez-le-feu : qui sort gagnant de la guerre ?

Scènes de liesse dans les rues de Gaza dans la nuit du 20 au 21 mai 2021

© SAID KHATIB - AFP

Par Benoit Feyt

L’accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, qui est entré en vigueur ce vendredi, marque la fin de dix jours de guerre particulièrement meurtriers pour les civils. Bilan, 232 morts côté palestinien, dont 65 enfants, 12 morts en Israël, dont deux enfants. Un décompte macabre duquel on a bien du mal à extraire un vainqueur. Et pourtant…


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"Que ce soit du côté du Hamas ou du côté israélien, on a tendance à présenter ce cessez-le-feu comme une victoire ou du moins comme une absence de défaite, explique François Dubuisson, professeur de droit international à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Israël se félicite d’avoir affaibli les capacités militaires du Hamas en bombardant Gaza, tandis que le Hamas se réjouit d’avoir fait trembler Israël en lançant plusieurs attaques de roquettes sur son territoire. Mais en réalité rien n’a vraiment changé. On en est toujours à la situation qui prévalait avant la guerre, à savoir un blocage total du processus de paix".


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Extrait de notre JT de 19h30 de ce vendredi 21 mai

Israël et Hamas : Accord fragile sans vainqueur ni vaincu

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Gaza, la nuit du 20 au 21 mai 2021

Démonstration de force du Hamas

Mais si cette guerre de dix jours n’a rien résolu sur le fond, elle a peut-être permis à chaque "camp" de se renforcer aux yeux d’une partie de son opinion publique.

En frappant Israël depuis Gaza, le mouvement islamique du Hamas a en effet démontré qu’il disposait d’un arsenal plus puissant que prévu et qu’il était capable de défier militairement l’Etat hébreu. Une démonstration de force qui pourrait lui être bénéfique politiquement car elle contraste avec la situation en Cisjordanie où le Fatah et l’Autorité palestinienne semblent aujourd’hui totalement dépassés par l’occupation militaire israélienne et la colonisation des territoires occupés. "Mais cela ne signifie pas que la population palestinienne va globalement adhérer au projet politique du Hamas après cette guerre, nuance François Dubuisson. Il va peut-être se renforcer à Gaza, car il y règne déjà d’une main de fer. La situation est différente en Cisjordanie où il est moins implanté et où la société civile palestinienne continue de jouer un rôle important. Pour savoir si la guerre a renforcé politiquement le Hamas, il faudrait des élections. Et comme celles qui étaient prévues en mai ont été reportées à une date inconnue par l’Autorité palestinienne, on n’y verra pas plus clair dans l’immédiat".


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Mur des lamentations, à Jérusalem, ce 21 mai 2021

Retour en grâce de Netanyahou ?

Côté israélien, la même question se pose. En réprimant brutalement le Hamas à Gaza, Benyamin Netanyahou a peut-être lui aussi réussi à revenir au centre de la scène politique. Quelques semaines après avoir échoué à former un nouveau gouvernement, le Premier ministre israélien pourrait en effet profiter de sa démonstration de force pour convaincre des partis d’extrême-droite de le rejoindre dans une nouvelle coalition.

Mais ce n’est là qu’une hypothèse. "Car il ne faut pas oublier que cette guerre a aussi profondément marqué les Palestiniens citoyens d’Israël, poursuit François Dubuisson. Or pour former une coalition gouvernementale en Israël, il faut pouvoir y intégrer au moins un parti arabe. Cette guerre va-t-elle renforcer les divisions communautaires et les partis radicaux ou va-t-elle au contraire forcer une conciliation entre Juifs et Arabes israéliens pour ramener de la stabilité après le cessez-le-feu ? C’est toute la question qui se pose aujourd’hui en Israël."


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Seule issue : une paix juste et durable

Pour l’organisation "Breaking the Silence", qui regroupe d’anciens militaires israéliens dénonçant l’occupation des territoires palestiniens, le cessez-le-feu n’annonce sans doute qu’une trêve dans le conflit israélo-palestinien. "La stratégie du gouvernement israélien, qui consiste à écraser militairement Gaza et le Hamas ne peut fonctionner qu’un temps, affirme Yehuda Shaul, cofondateur de Breaking the Silence. Le but de Netanyahou et de la droite israélienne n’est d’ailleurs pas de se débarrasser du Hamas. Au contraire, leur but est de diviser les Palestiniens et pour cela ils ont besoin du Hamas. Israël a abandonné depuis bien longtemps l’idée d’une guerre qui se terminerait par l’occupation totale du territoire de l’ennemi, une guerre qui aboutirait à un vainqueur et un vaincu. Ce que notre armée cherche à faire aujourd’hui, c’est causer suffisamment de dégâts à l’ennemi pour retarder la reprise de la guerre. Car il est clair que cette guerre reprendra tôt ou tard. Tant que toutes les personnes qui vivent entre les rives de la Méditerranée et le Jourdain ne jouiront pas des mêmes droits, ce conflit se poursuivra."


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Mais la recherche d’une paix juste et durable s’imposera sans doute très difficilement au Proche-Orient sans une véritable implication de la communauté internationale.

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