Guerre en Ukraine

Scholz créé la surprise avec l'annonce de l'envoi de modèles de chars Leopard 2 et 2A6

Le chancelier allemand Olaf Scholz répond aux questions des parlementaires lors d'une session du Bundestag le 25 janvier 2023 à Berlin, en Allemagne.

© Maja Hitij/Getty Images

Sous pression, Olaf Scholz a rompu avec un attentisme critiqué de toutes parts et accepté mercredi la livraison des chars réclamés par Kiev, avant une probable annonce américaine.

Après des semaines d'atermoiements, le chancelier allemand s'est résolu mercredi à donner son feu vert à la livraison par la Pologne et d'autres pays qui le souhaiteraient de chars Leopard 2.

Réputé pour sa prudence, le successeur d'Angela Merkel a aussi créé la surprise avec l'annonce de l'envoi de modèles de chars 2A6, plus perfectionnés que les modèles envoyés par Varsovie, issus du stock de la Bundeswehr.

Le chancelier semble avoir devancé les Etats-Unis, qui s'apprêteraient eux aussi à livrer des chars lourds Abrams. Le président américain Joe Biden pourrait l'annoncer lors d'une allocution à 17h00 GMT. L'Allemagne ne serait ainsi pas seule à endosser cette décision.

Le gouvernement allemand est "tout à fait à l'aise avec le fait que les Etats-Unis soient la puissance dominante", relevait avant l'annonce de M. Scholz Jana Puglierin, chercheuse au Conseil européen aux relations internationales.

Berlin avait besoin de la "couverture" américaine pour cette annonce, confirme Sudha David-Wilp, du think-tank German Marshall Fund.

Soulagement

"La diplomatie allemande a contribué à cette communauté de vues" avec Washington, s'est ainsi réjoui mercredi le ministre allemand des Finances, Christian Lindner.

La presse allemande était elle-même plutôt élogieuse mercredi après ces annonces, qui permettent selon le quotidien Tagesspiegel de "répartir les risques d'escalade" entre plusieurs pays et de maintenir l'alliance entre Occidentaux.

M. Scholz "s'inspire ici du principe de la Guerre froide selon lequel l'Allemagne doit maintenir la puissance protectrice américaine aussi étroitement impliquée que possible", relève pour sa part le quotidien conservateur Welt.

Avant même la confirmation par M. Biden de la livraison de chars Abrams, un certain soulagement régnait mercredi dans la classe politique allemande, excepté aux deux extrêmes, ainsi que dans le reste de l'Europe.

"Cela a vraiment été une source d'embarras pour le gouvernement allemand", explique à l'AFP John Lough, chercheur au think-tank Chatham House. 

Cette décision est un "grand pas en avant pour stopper l'Ukraine", a immédiatement salué le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, suspendu au feu vert allemand.

Berlin a aussi reçu des satisfécits de Londres et Paris dès l'annonce de la chancellerie

"La décision de livrer le Leopard 2 a été difficile à prendre, mais elle était inévitable. C'est une nouvelle salvatrice pour l'Ukraine", a réagi Marie-Agnès Strack-Zimmermann, cadre du parti libéral FDP et critique régulière de la prudence du chancelier.

Même satisfaction du côté de l'autre allié de M. Scholz, le parti écologiste, partisan d'une ligne dure face à Moscou: "Nous avons résolu un très gros problème" avec cette annonce, se réjouit Omid Nouripour, co-président des Verts.

"Il reste l'image d'un homme sous pression qui a trop longtemps hésité", tempère le chef de l'opposition conservatrice CDU, Friedrich Merz.

Et sa communication à minima, en mode automatique, sur un sujet aussi crucial, continue d'alimenter les frustrations : "Parlez-nous, expliquez-vous, emmenez-nous avec vous dans votre processus de décision", lançait mercredi l'éditorialiste de la chaîne publique ZDF.

"En temps de guerre, il faut des armes mais aussi des mots", insistait-il.Les motifs d'hésitation étaient nombreux du côté du chancelier, peu enclin à agir sous pression.

Opinion publique partagée

M. Scholz évoque depuis à intervalles réguliers le risque d'escalade avec Moscou en cas d'implication trop directe de Berlin.

L'Allemagne craindrait notamment d'éventuelles représailles russes, des cyberattaques par exemple. Mais même sans livraison, les Russes ont "de toute façon intensifié" dernièrement leur offensive, relève M. Lough.

Les Allemands eux-mêmes sont très partagés quant à des livraisons de chars: 46% sont pour, 43% contre, selon un récent sondage pour la chaîne publique ARD.

M. Scholz est de surcroît issu d'un mouvement, le SPD, qui a longtemps promu une forme d'accommodement avec Moscou, avec lequel il est délicat de rompre du jour au lendemain.

L'envoi de chars allemands en Ukraine, théâtre durant la Seconde guerre mondiale de certains des massacres les plus épouvantables de la Shoah, n'est pas anodin pour le peuple allemand, encore sonné par l'invasion russe de l'Ukraine qui a mis fin à la paix en Europe.

Sur le même sujet : explications de Sophie Léonard

L'Allemagne va envoyer des chars lourds Léopard en Ukraine (S.Léonard)

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