Hainaut

Se nourrir va-t-il coûter plus cher à cause de la flambée des prix des engrais ?

Pour l’instant limitée au secteur de l’agriculture, l’augmentation du prix des engrais pourrait avoir des conséquences sur notre alimentation.

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Par Julien Covolo et Thierry Vangulick

On les appelle "engrais azotés". Les agriculteurs s’en servent au printemps pour stimuler la croissance des plantes. Mais depuis peu, leurs prix montent en flèche. Ce problème ne concerne que l’agriculture pour l’instant, mais pourrait aussi toucher le consommateur à moyen terme.

En 40 ans de carrière, Eric Ghisbain n’a jamais connu une telle flambée. Il fournit les agriculteurs de la région de Soignies en céréales et en produits phytosanitaires. "Les prix se sont vraiment envolés, particulièrement depuis la nouvelle année, constate-t-il. Tout cela aura un impact dramatique sur la rentabilité des cultures", s’inquiète ce grossiste. Les prix des engrais azotés ont été multipliés par trois, voire quatre pour certains d’entre eux.

Imaginez un hectare de froment par exemple. Pour chaque hectare, Eric Ghisbain estime la perte à environ 200 à 250 euros. Des chiffres qui donnent le vertige si on les multiplie par le nombre d’hectares d’une exploitation.

La hausse du prix des énergies en cause

Pour expliquer ce phénomène, il faut savoir que la fabrication de ces engrais chimiques nécessite du gaz. Or, le prix du gaz est lui-même en augmentation depuis plusieurs mois, de même que les autres sources d’énergie telles que l’électricité, l’essence ou le diesel.

"Lorsque j’ai entendu que Poutine donnait l’ordre d’envoyer plus de gaz en Europe, je me suis dit que les prix des engrais allaient baisser, raconte le grossiste. Mais les vendeurs m’ont dit que non, que ça continuerait d’augmenter. Je suis incapable de vous dire quand cela va s’arrêter, mais ça ne peut plus continuer", désespère-t-il.

Car une fois le printemps revenu, les agriculteurs risquent de ne pas pouvoir se payer ces engrais devenus trop chers. Le rendement de leurs plantations est alors amené à chuter. Et au bout de la chaîne, ce sont les prix des produits alimentaires de nos assiettes qui risquent eux aussi d’augmenter drastiquement.

Les engrais organiques comme solution ?

Une alternative aux engrais chimiques existe-t-elle ? Eh bien oui, d'autant qu'elle existe depuis bien plus longtemps. Ce sont les engrais organiques, fabriqués de façon complètement naturelle et déjà utilisés en agriculture biologique. "On utilise soit le compost des déchets verts, soit le fumier des poules et des bovins", détaille Marc Fichers, secrétaire général et porte-parole de l’association Nature & Progrès.

Les engrais chimiques, s'ils sont indispensables à notre agriculture intensive, constituent une véritable menace pour l'environnement. C'est la santé de l'entièreté du monde vivant qui est menacée en bout de course, souligne cet article du Monde. Utilisés depuis la moitié du XXe siècle et présents en masse dans certains cours d'eau, ils sont aussi responsables d'importantes émissions d'ammoniac particulièrement nocives et de protoxyde d'azote, le troisième gaz à effet de serre le plus présent dans l'atmosphère. Difficile de soutenir ce mode de production lorsque l'heure est à la réduction des émissions et à la préservation de l'environnement.

Néanmoins, les engrais organiques sont "à utiliser avec parcimonie", s’empresse de préciser Marc Fichers. Ce n’est pas parce qu’ils sont naturels qu’ils sont forcément bons pour la nature : "Un engrais organique se dissout facilement dans l’eau, explique-t-il. On s’expose donc à la pollution de certaines nappes phréatiques à terme, car cela finit par se retrouver dans nos eaux souterraines", met-il en garde. Mieux vaut donc ne pas en abuser, car ce fumier à base d’herbe et de fientes animales est lui aussi chargé en azote.

S’ils sont plus respectueux de l’environnement lorsqu'ils sont utilisés de façon responsable, les engrais organiques ont tout de même un inconvénient. Outre un temps de réaction plus lent que pour leurs homologues chimiques, leur disponibilité pose également problème : "On ne dépend pas de l’augmentation des prix des énergies, mais bien de ce que l’on sait obtenir de la nature", confirme Marc Fichers. En d’autres termes, ce mélange de fumier et de déchets végétaux doit se fabriquer. Il ne suffit pas de l’acheter dans un magasin, contrairement aux engrais azotés chimiques.

Vers une augmentation du prix du contenu de notre assiette ?

Quand bien même l’ensemble des agriculteurs passeraient aux engrais organiques, cela ne se ferait pas du jour au lendemain. Faut-il, dès lors, s’inquiéter d’une flambée des prix de notre alimentation ? Marc Fichers comprend l’inquiétude du grossiste Eric Ghisbain, mais se veut rassurant : "On verra au printemps", avance-t-il. Selon lui, le prix du gaz pourrait très bien redescendre d’ici là.

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